65 millions de naturalistes… et moi, et moi, et moi

Citoyens à vos jumelles. Le Muséum vous attend pour un nouveau et ambitieux programme de recherche scientifique collaboratif.

Face à la fenêtre de son bureau, proche d’une caméra sur pied, prête à tourner, cet ornithologue ne rate rien de la vie qui se déroule dans son nichoir.

« Quand les mésanges charbonnières font une couvée, je suis leurs allées et venues, les petits piaillent, les parents chantent, raconte-t-il. »

Surprise

Or, quelle ne fut pas sa surprise, un jour, de voir un rouge-gorge s’approcher et tourner autour du nid, soudain jouer les nourrices pour une nichée de mésanges qui s’y trouvaient.

« Et je constate, amusé, qu’il donne à manger aux poussins, nettoie l’endroit, dont il ressort d’ailleurs avec une petite poche blanche, sorte de sac fétal. Habituellement embarqué par les parents biologiques, pour laisser l’habitat propre. »

Républicain

Remarquable comportement pour un oiseau très territorial tel que le rouge-gorge, capable de se montrer violent vis-à-vis de congénères.

Selon les spécialistes, le rouge-gorge fait partie des oiseaux, avec le moineau domestique notamment, où le phénomène, un individu nourrissant une autre espèce que la sienne, a été rapporté le plus de fois– on les appelle pour certains du beau nom de « républicain social » (philetairus socius).

Charitable

En l’occurrence, pour le rouge-gorge charitable, l’explication relève d’hypothèses. Peut-être avait-il perdu son propre nid ou, appartenant à cette catégorie dite collaborative, manifestait-il un instinct parental inhabituel…

Le 31 mars dernier, prenait fin, lancé par Vigie Nature, la première opération de sciences participatives associant jeu et observation sur Smartphone, baptisé » BirdLab ».

Stratégie

Les observateurs, vous, nous, étaient invités, comme notre ornithologue au rouge-gorge, à suivre, sur deux mangeoires identiques, les allées et venues de 26 espèces d’oiseaux communs sur leur « stratégie » de nourrissage.

Chez soi, éventuellement en lieu public équipé (au Jardin des plantes, à Paris par exemple). En reproduisant en temps réel par vidéo l’activité observée pendant 5 minutes.

Retours

«  Il est trop tôt pour tirer un bilan de ce programme, mais pour 10 000 « app’s» chargées et 5 000 retours d’observations, c’est largement suffisant pour nos synthèses, les données sont de très bonne qualité », déclare au crapaud le directeur du Cesco, Romain Julliard.

D’autant qu’un nouveau programme, intégrant BirdLab, s’est mis en place en mars dernier, « 65 millions d’observateurs », toujours porté par Vigie-Nature.

Exponentielle

Ces sciences dites participatives, citoyennes ou collaboratives, incitant le public, ou certains publics, à la récolte de données à destination scientifique, ont fleuri dès le 19ème siècle.

Il n’est pas besoin alors d’être un chercheur connu, pour que le Muséum encourage les voyageurs à enfourner dans leurs sacoches de cuir durci des listes de plantes à observer, accompagnées de méthodes de collecte, de conservation et d’envoi de spécimens.

Avec les « sociétés savantes », les connaissances se développent de façon exponentielle, en botanique d’abord, mais aussi en entomologie, ornithologie, géologie, minéralogie, paléontologie.

Changements

L’observation était avant tout d’essence naturaliste. «  La question essentielle aujourd’hui est de sensibiliser le public à l’urgente thématique de nos jours, la biodiversité, confrontée aux effets de notre monde moderne, changements climatiques, industrialisation, déforestation, etc…

… Les citoyens sont partout et tout le temps, assurant une couverture étoffée autant des territoires que des saisons. Et partant, peuvent contribuer à une gestion raisonnée des écosystèmes, comme le souligne Gilles Bœuf, Président du Muséum.»

Indicateurs

Les espèces communes forment le cœur de cette biodiversité, déjà par le nombre d’individus. Et s’affirment comme de bons indicateurs de son état de santé général.

Dans le cadre de Vigie-Nature, certaines missions sont déjà en cours. Parlons du plathelminthe, le ver plat, son introduction représente une menace sérieuse pour les lombrics, véritables « ingénieurs » du sol.

Surveillance

Après avoir envahi tout le nord des Iles britanniques et causé d’importantes diminutions des populations de vers de terre, le voici arrivé chez nous. Un réseau de surveillance citoyen se charge de contribuer à enrayer sa progression.

Le frelon asiatique est une autre de la centaine d’espèces exotiques envahissantes. On sait qu’il peut détruire jusqu’à 30% d’une colonie d’abeille domestique, laquelle, jusqu’à présent, n’a pas encore trouvé de moyen de défense approprié.

Récolter

En 7 années de suivi, près de 2 500 participants (individuels ou organismes) ont permis de récolter 12 000 données sur cet exterminateur et de dresser une mise à jour cartographique régulière de son extension, le frelon occupant en 2013 déjà la moitié du territoire français.

4 autres observatoires s’inscrivent dans le dispositif Vigie-Nature École. Aidés par du matériel pédagogique idoine, les élèves deviennent acteurs d’une démarche scientifique complète, notamment à l’étude de groupes aussi variés que pollinisateurs, escargots, plantes sauvages, algues et bigorneaux.

Pas de meilleur moyen, sans doute, pour susciter chez les jeunes, selon Thomas Guenon, directeur du Muséum, amour et respect de la nature et, pourquoi pas, susciter de nouvelles vocations.

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loeilducrapaud

C’est bien une première : 900 citoyens néerlandais ont entamé une action en justice contre leur propre gouvernement pour défaut de diligence en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

« Nous voulons que, d’ici à 2020, le niveau des émissions soit de 40% inférieur à celui de 1990, déclarent les plaignants, des enseignants, entrepreneurs, artistes, musiciens présents au début du procès.

Ils demandent aux juges de qualifier comme « violation des droits de l’homme » un réchauffement climatique de plus de 2 degrés.

 

Par ailleurs, le GIE Cristalline et la société Neptune réfléchiront à deux fois avant de dénigrer l’eau du robinet dans leurs campagnes de publicité ( elles remontent à 2007).

Ils ont été condamnés à verser 100 000 € de dédommagements à Eau de Paris, au Syndicat des eaux d’Ile de France et à l’association Ufc-Que choisir .

source afp