Rebelles du gaspi

10 millions de tonnes d’aliments finissent à la poubelle, chaque année en France, soit 30 % de nos achats. La société de consommation nous fait honte. Grande distribution, restaurants, particuliers, tous concernés, tous coupables.

Ce cauchemar nous laisse de moins en moins indifférent. De belles âmes, des jeunes femmes souvent, y répondent à leur manière, solutions locales, souvent modestes, mais d’un fort caractère d’exemplarité.

Elles sont jeunes, 30 et 27 ans, de bonnes études, entre autres dans l’entreprenariat social et l’approche du problème des réfugiés. Colette la grande et Adeline son associée, plus menue mais moins marquée de timidité, se sont connues chez un traiteur.

Colette raconte qu’elle a pris conscience du gâchis, quand elle participait aux « disco-soupes » (lecrapaud en a parlé avec « la tente des glaneurs « ), se mêlant à ces habitants du quartier cuisinant dans la rue pour tout un chacun avec les restes des marchés.

Gâchage

Moment d’une grande convivialité, auxquels nous sommes tous de plus en plus sensibles, confrontés à une époque qui liquéfie, notamment par les réseaux numériques, proximité et chaleur humaines.

Les 2 jeunes femmes se sont donc interrogées sur la manière de créer leur propre activité, des embauches aussi, tout en ciblant, dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie circulaire, leur objectif premier, le gâchage de nourriture.

Maison

C’est ainsi que sont nées leurs confitures Re-Belles, parce que produites de fruits et légumes invendus, ramassés une fois dans les magasins de leur réseau (soit 1/2 tonne sauvée par semaine), aussi parce que de fabrication totalement artisanale.

Dans des compositions subtiles, créations maison, « Pamplemousse-Canelle », « Banane-Citron-Clémentine », avec une production proche de 2000 pots, certes encore limitée, avec cuisson en petite quantité pour garder les saveurs.

La vente se faisant notamment dans les magasins ayant fourni la matière première autour d’Aubervilliers et de la Seine St Denis, auxquelles toutes deux s’identifient fortement. Mais apte, vu les premiers succès, à se développer.

Déjanté

Pour meilleure preuve, ces 9 personnes qui sont déjà à l’œuvre dans leur association, dont 6 salariés en insertion, avec aménagement prochain dans une cuisine uniquement dédiée à leur activité.

« Près de la moitié des fruits produits ne sont pas consommés », constate  Colette, dans ce cycle déjanté qui va du producteur au consommateur, via les commerces et grandes surfaces.La distribution en effet se rend complice de 14% des pertes alimentaires.

Ambassadrice

Ce qui a amené l’Ademe à réunir 10 supermarchés pour les inviter à tester 10 actions simples anti-gaspi. Ainsi, dans l’un d’entre eux, à Boulogne-sur-mer, la direction embauche 2 vendeurs plus spécialement chargés de veiller sur certains fruits fragiles, comme les pêches en saison, trop manipulés par les clients ou le personnel, et amoncelés fréquemment dans des bacs trop remplis. Résultat quelques milliers d’€ d’économies en 2 mois.

Dans un autre, à Craon (Mayenne), le directeur se félicite d’avoir mis la main sur une « ambassadrice du gaspillage », terme un peu ronflant certes, mais avec effets immédiats pour proposer des réductions de 30% sur des fruits ou légumes légèrement abimés. Dans un espace dédié, près de 90 à 95% trouvent désormais acquéreurs.

Jeu

 « Le jeu en vaut la chandelle », dit l’Ademe. Ajuster les gammes, vendre à l’unité, gérer mieux les références, bien peser les quantités des commandes , éviter trop de prise en mains… Les 10 magasins ont ainsi réduit le gaspillage de l’équivalent de 160 tonnes, soit peu ou prou, 1,15% de leur chiffres d’affaires par an.

Sachant que 1 % des références seulement génèrent 20% du gâchis.

Habitudes

Dans une étude partant du même principe, l’Ademe a pris 20 familles témoins pour les inviter à modifier leurs habitudes de consommation sur 2 semaines de vie au foyer.

En les invitant à faire vigilance, notamment, sur les promotions en fonction des dates de péremption, à différencier les produits à DLC ( date limite de consommation) de ceux de DDM (date de durabilité minimale- ex DLUO), à adapter les quantités selon le nombre des couverts, aussi à congeler les restes si besoin est, avant de les consommer.

Du simple point de vue quantitatif, ces familles ont limité de moitié leur gabegie alimentaire.

Syndrome

Dans l’ensemble des pays industrialisés à fort pouvoir consumériste, on s’emploie aujourd’hui à se frotter au syndrome du trop plein. En Australie, pour exemple, l’association Ozharvest a ouvert un magasin à Sydney ne proposant gratuitement ou à tout petits prix que des produits périmés, sous le titre « Rescued Food Supermarket «  (périmé ne dit pas non consommable).

Le magasin entend aider les familles modestes, tout en luttant contre la dilapidation de ce qui nous nourrit, selon un slogan peint sur la façade, en lettres noires sur fond jaune : « Prenez ce dont vous avez besoin/ Donnez si vous pouvez ».

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Petit écho personnel, j’ai découvert avec surprise dans mon bac de compost un 4 ème crapaud, né de je ne sais quel accouplement improbable entre les 3 adultes qui y vivent depuis des années. Le rejeton adolescent se porte, semble-t-il, fort bien et fait tranquillement connaissance des lieux, rf