Des réfugiés climatiques … américains

Les Américains, par ailleurs coutumiers des catastrophes naturelles (encore récemment ce terrible ouragan dans l’Oklahoma, continuent à dénier pour beaucoup les menaces du réchauffement climatique.

Voici de quoi éventuellement leur ouvrir les yeux : L’Alaska, territoire américain, va devoir compter ses premiers réfugiés climatiques.

Près de 200 villages autochtones, peuplés d’Yuits et d’Inuits, subsistent dans cet Etat, le plus vaste des Etats Unis, vivant habituellement d’une économie basée sur la cueillette, chasse  et pêche.

Cruel paradoxe : ces populations qui, de tout temps, pratiquaient un mode de vie respectueux de l’environnement, seront recensés un jour comme étant les malheureux précurseurs américains des conséquences du dérèglement de notre planète, selon un reportage du journal britannique  The Guardian, également publié par The Observer.

La bannière américaine et ses suites

A l’origine, ces villages servent de relais, de point d’étape, qu’on utilise notamment lors de la cueillette des baies. Puis, en 1959, les voici sous la bannière du drapeau américain flottant large au mât.

Avec le formidable développement économique de l’état (« Alaska, dernière frontière ») leur tombent soudain dessus l’adaptation à un nouveau mode de vie « made in US » et, en voie de conséquence, l’incontournable sédentarisation.

Se rapprocher des côtes

C’est ainsi qu’aux portes de leurs baraquements, les barques à moteur chassent les kayaks et les scooters des neiges les huskies et leurs traîneaux.

La sédentarisation impose la construction de vrais villages, avec écoles et administrations. Il faut se rapprocher au plus près des côtes, facilement accessibles pour le transport des matériaux nécessaires. Et tout va basculer lentement.

Le permafrost disparaît

Dans un rapport daté de 2009, le corps des ingénieurs de l’armée américaine (COE) s’alarme. Le réchauffement du climat entraîne la fonte du permafrost, caractéristique de ce sol gelé en permanence et qui s’étend jusqu’en Sibérie.

Sa rigidité protégeait l’intégrité de la surface. La fonte le rend friable et cassant. Cercle infernal, avec cette neige une fois fondue, la terre n’est plus protégée, elle amplifie l’absorption des radiations du soleil qui, en retour, accroît le réchauffement et la fonte.

Saisonnalités sens dessus dessous

Et l’on sait les constats très inquiétants faits récemment sur l’Arctique qui a perdu un tiers de sa surface. En 2012, sa superficie a été la plus réduite jamais enregistrée. Une bombe à retardement.

En Alaska, la mer s’avance à une cadence stupéfiante, jusqu’à 27 mètres par an dans certaines zones. Un habitant de Newtok raconte : Les saisonnalités sont perturbées, les bernaches par exemple pondent leurs œufs quand la neige et la glace occupent encore le terrain et on ne peut plus les récolter ».

Village englouti d’ici à 2017

Village isolé de 320 habitants, à 400 km de la route la plus proche, Newtok, sur un large cours d’eau se jetant dans le Détroit de Behring, n’est accessible pour le visiteur que par avion. Son sort semble lié.

Il pourrait disparaître de la carte d’ici à 2017, selon le rapport.

Porte-parole, Stanley Tom accuse les régions fortement industrialisées de l’Amérique continentale, les « 48 d’en bas » (Hawaï étant exclu de la comparaison), qui sont la cause de l’importance des rejets de gaz à effet de serre. Notre part est dérisoire ».

Déménager à l’autre bout du pays

Alors que faire ? L’administration américaine qui, parfois, ne lésine pas sur les choix sans en apprécier les conséquences, propose de déménager l’ensemble de la communauté vers Anchorage, la capitale, dans des « villages » reconstitués, entourés de barbelés , histoire de « préserver leur identité ! ».

Les chefs de Newtok préfèrent prendre les devants et décident de s’éloigner du danger pour migrer à 15 kilomètres de l’autre côté de la rivière, une « relocalisation » à 130 millions de dollars.

Les aides promises se font attendre.

Les vagues gagnent

Six ans plus tard, 3 habitations seulement sont sorties de terre. Tandis que le village existant, bien que désigné avec 26 autres « Communes d’action prioritaire », périclite, station d’épuration fermée, infrastructures en ruines. Les vagues, elles, se rapprochent.

Et le Guardian de s’étonner que le pays le plus riche du monde, bien qu’averti, semble avoir du mal à transférer une minuscule localité, touchée par les effets du réchauffement climatique. Qu’en sera-t-il par exemple le moment venu, des 15 millions de personnes qui vivent dans la plate Floride? ».

Les multinationales s’inquiètent

Les Américains seront peut-être plus attentifs à ce récent appel lancé à Washington par 33 des plus grandes multinationales américaines. Parmi lesquelles eBay, Intel, Starbucks, Adidas, Nike ou Timberland

« Nous ne pouvons pas risquer l’avenir de nos enfants sur le faux espoir que la grande majorité des scientifiques, alertant sur la dégradation du climat, ont tort. Agir contre le changement climatique est essentiel pour les Etats Unis…

… Aussi pour maintenir notre mode de vie et rester une vraie superpuissance » ( les écologistes apprécieront).

Obama en première ligne

Ces groupes soulignent avoir mis en place dans leurs entreprises des mesures de réduction des émissions de CO2 et réclament du Congrès des dispositions similaires pour la protection des ressources naturelles et une meilleure équité entre les acteurs économiques.

Dans une nouvelle tentative, le Président Obama fait de la question climatique une priorité de son second mandat, mais se heurte aux élus républicains considérant, encouragés et financés par les lobbies industriels, qu’une loi appropriée serait trop coûteuse.

Et qui, au demeurant, remettent en cause pour certains les études scientifiques alarmistes.

De funestes prévisions

A l’instar de ce qui attend les autochtones d’Alaska, plus de 25 millions d’individus ont déjà fui des catastrophes naturelles, liées au dérèglement climatique, pour trouver refuge ailleurs. Essentiellement issus du Bengladesch, de Sri Lanka ou des îles du Pacifique, notamment les Kiribati.

Selon le magazine Géo, L’Onu en annonce dix fois plus, soit 250 millions, d’ici à 2050.