On ferme les lucarnes pour revivre

Curieux mois de mars. Voici que l’on y pratique la « journée sans viande », qui recueille de plus en plus adeptes au-delà des militants végétariens, mais aussi, dans un tout autre domaine, le week-end sans internet. Avec les « Digital Detox  » , les Etats Unis donnent le ton une fois de plus.

Une poignée de doux « frappadingues » sont montés sur leurs grands chevaux anti-technologie, peut-on lire dans Time Tech, pour lancer une cure de désintoxication globale web, câble, filaire, bref de tout ce qui s’y rattache (et nous attache).

L’idée du sabbat

C’est ainsi qu’est né outre-Atlantique, le 1 er et 2 mars dernier, la journée nationale du « je-coupe-tout », ou « National Day of Unplugging ». Aux sources de l’impulsion, une jeune association, Reboot, qui ne cache pas qu’elle en a eu l’idée dans le sabbat, jour de repos habituellement consacré au culte hébraïque.

Inspiration qui rejoint évidemment dans leur esprit la tradition chrétienne du dimanche, jour du Seigneur, les premières communautés ayant choisi pour leur pause dominicale le jour de la Résurrection de Jésus, le samedi étant celui de son dernier repas.

Technologie et marketing à outrance

Que les Américains soient généralement plus « branchés » que les Européens, du fait que presque tout, web, courriels, sites, ont fait leurs premières armes là-bas, suivis par les réseaux sociaux (facebook – twitter, etc), est une évidence historique.

Tout autant le fait qu’ils en sont venus, avec les progrès incessants de la technologie et les pressions du marketing, à un véritable état d’addiction.

Sur l’autel de la connexion

Confession de l’un d’entre eux. « Dans notre maison, nous avons 3 ordinateurs, un écran plat, 1 fixe filaire wifi, 2 smartphones, une tablette, de multiples consoles de jeux vidéo, une imprimante wifi, un ordinateur branché sur un piano digital, un autre sur un synthé, une webcam et une douzaine de clés usb à divers usages ».

On lui concèdera que cet équipement, loin d’être exceptionnel, pourrait se justifier entre autres par son activité professionnelle de journaliste du Time mag. Mais il ajoute : « Nous avons sacrifié la conversation à plus de connexion ».

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Le gourou flanche

Cette dépendance, Thierry Crouzet, gourou des réseaux sociaux et auteur de nombreux opuscules sur les nouvelles technologies, est le premier à l’exprimer ouvertement avec son livre  bestseller (imprimé) « j’ai débranché ».

Combien de consultations par jour de vos courriels, combien de textos et d’appels sur le portable, combien de compilations et de recherches sur internet, combien de minutes voire d’heures passées sur une console vidéo et sur les apps de votre portable ?

Et pourquoi ne pas en tenir soi-même le registre complet au long de 24 heures, comme les diététiciens qui attendent que vous notiez par écrit tout ce que vous ingérez, solide et liquide, avant de prononcer son bilan nutritionnel ?

Burn out numérique

C’est sans doute ce type de radiographie qui amène Thierry Crouzet, un jour de février 2011, à « exploser en vol », sorte de « burn out » numérique. Il entame une cure de « détox », épuisé par 15 ans d’hyperactivité en ligne.

Urgence à réagir

Il disparaît du net par nécessité de sevrage, prévient ses « followers » sur les réseaux sociaux qu’il les quitte pour 6 mois. Mais bascule dans des crises de manque « absolu », se fait chambrer par ses proches, sa femme, amis, enfants.

Le premier à affirmer que le Net change positivement le monde, il comprend notamment, que son couple, sa famille sont en grand  danger. Freiner, ralentir le rythme, écarter l’inutile ou le futile, il y a grande urgence.

Se reconstruire

« Débrancher » est déjà un effort en soi ? Mais reconstruire une vie « après », sans retomber dans les mêmes excès, en est un autre. Pour Thierry Crouzet, cela passe par un véritable périple introspectif avec un psy, initiatique avec un gourou, et la reconstruction physique mens sane in corpore sano, marche et vélo entre autres. Les amis applaudissent, beaucoup expriment le désir de l’imiter…

Avec 27 heures/mois de connexion sur Internet, les Européens savent, si l’on ose dire, modérer son usage. Les plus accros s’avèrent être les Britanniques, suivis par les Hollandais, les Polonais, les Français n’arrivant qu’en 4ème position.

Nos gros consommateurs

Dans son étude d’avril, Médiamétrie relève chez nous 3 profils d’utilisateurs. Soit les « gros consommateurs », 5 millions d’individus qui, à eux seuls,  cumulent   55 % du temps total passé par les Français sur internet.

Derrière les « suiveurs » », 15 millions pour 35 % de la part d’audience, enfin les « paisibles », 22 millions pour 7 % de l’audience restante. Blogs et sites communautaires phagocytent la toile chez les poids lourds de la consommation, suivis par les jeux vidéo en ligne.

Le net de l’entourloupe 

Et l’on découvre que la France compte 9, 3 millions d’individus « déconnectés », soit 18, 3 % de la population. Non pour la majorité d’entre eux par hostilité, mais parce qu’ils n’y ont pas accès, pour des raisons techniques ou financières.

Certains aussi pour rester distant d’une technologie qui permet de tout savoir sur eux, voire de les entourlouper !

Des kits de réhabilitation

A l’image de toute tendance qui naît et se développe, les Américains, en état de stopper l’ «overdose », se voient déjà proposer des kits de « réhabilitation sociale » ou des cures de désintoxication numérique, à l’image d’autres associations aidant au sevrage, mêlant le travail sur soi et sur ses obsessions quotidiennes.

Tout un week-end sans internet, ni télévision, ni téléphone, ni console, à redécouvrir ses proches, ses voisins, le farniente, la nature, voire le sommeil et la santé, ça fait rêver.

Pas facile certes mais au bout du compte s’exclament ceux qui y sont parvenus, « que du bonheur ».