A Der, une autre maison sur le lac

C’est un lieu idyllique, dans la région du Perthois, en Champagne. Avec ses 4800 ha, le lac artificiel du Der s’affiche comme l’un des plus vastes d’Europe. Pourtant son histoire a engendré bien des colères et des larmes. Une histoire comme on ne l’aime pas dans les campagnes françaises. Car il est né de la fusion de deux villages, Giffaumont avec Chantecoq, puis de l’engloutissement dans ses eaux de leurs voisines, Champaubert aux Bois et Nuisement aux Bois, en plus d’une partie de la belle forêt de chênes alentour (« Der » signifie chêne en celte). Dans les années 70, les « indigènes » ont bien tenté de contrecarrer ce vaste projet d’aménagement, destiné à réguler le cours de la Marne et notamment à mettre Paris (à 180 km) à l’abri de nouvelles grandes inondations. En vain. Mais ils n’ont pas lieu de le regretter.

Idyllique, ce plan d’eau l’est certainement. Grâce à ses 77 kilomètres de rives, parsemées de belles plages, ses appontements pour 500 bateaux, ses promenades et pistes cyclables, il enchante marcheurs, randonneurs, pêcheurs, plaisanciers. Et notamment les amateurs d’observation ornithologique, car dans leur route migratoire, les grues cendrées, entre autres, y élisent domicile. Maisons et églises à pans de bois et d’anciens lavoirs complètent le tableau champêtre. Le lac, doté d’une base de loisirs, fait vivre aujourd’hui toute la région.

Le crapaud - A Der, une autre maison sur le lac

On ne s’étonnera pas que la Fondation Good Planet, présidée et fondée par le photographe et cinéaste Yann Arthus-Bertrand, ait trouvé là le site idéal pour y créer un « maison » dite du changement. Et, à travers cette initiative, répondre à ce qu’elle considère comme l’une de ses missions, éduquer et sensibiliser grands et petits, de façon très concrète, au développement durable.

Soutenue par le Conseil général de la Marne et le Syndicat du Der, et très fortement appuyée par le député Amédée de Courson, la « maison » prendra ses quartiers dans une ancienne et belle ferme, aménagée en éco-musée, d’une conception laissant la plus grande place à l’architecture bio-climatique. Bâtiments passifs autonomes en énergie, construction ossature bois, isolants naturels, bardages en essences locales, récupération des eaux de pluie, retraitement des eaux grises, panneaux voltaïques et éolienne, lumière naturelle. Ils disposeront en outre d’un tableau de bord des consommations d’eau et d’énergie, apprendront le tri des déchets, le recours au compost, auront accès aux installations techniques, mais aussi au jardin potager et au verger.

Le crapaud - A Der, une autre maison sur le lac

Ainsi tous ceux qui y séjourneront pourront expérimenter et pratiquer des comportements et modes de vie durables, finalement à la portée de tout le monde. Et peut-être l’une des meilleures manières de déclencher particulièrement auprès des jeunes et des enfants, qui ne baignent pas chez eux dans le souci permanent d’un comportement écologique, une prise de conscience sur l’état de la planète et ce qu’elle subit du fait de nos modes de vie habituels.

On sait que trois millions d’enfants (28 % de la population des jeunes, selon une étude du Credoc) ne partent jamais en vacances – l’OMS considère que l’on parle de vacances comme un déplacement d’agrément dès l’instant que l’on passe 4 nuits consécutives hors du domicile familial. Les colonies de vacances, si bien chantées par Pierre Perret, séduisent de moins en moins, désaffection en raison du coût, d’une offre peu diversifiée et sans doute d’autres attentes – les vacances sont un droit au même titre que la santé ou le logement. Certes, Good Planet Junior organise déjà des séjours au vert pour les jeunes. Mais ici elle met en scène un concept global, sans doute sans équivalent à l’heure actuelle.

Prévue pour héberger 60 personnes, 8 mois par an – afin de découvrir la riche nature environnante aux meilleures saisons, la maison, sise à Outines, sera ouverte aux jeunes, aux familles, classes de découverte, formations et séminaires (séjours offerts aux enfants issus des milieux défavorisés). Ouverte vers l’Europe proche, elle sera probablement aussi un objet de curiosité pour les 1,5 million de personnes, de la région ou du Benelux essentiellement qui, chaque année, viennent se délasser au Der – les visiteurs britanniques sont le plus intéressés par la diversité ornithologique. De plus, elle est assurée de bénéficier d’un site totalement protégé, les étangs de l’autre côté de la ferme sont entrés dans le giron du Conservatoire du littoral. Le financement des 5,2 millions d’€, public et privé, est en cours. Une fois la voie tracée, d’autres « maisons » suivront.

crédit photo : “photo déclic éditions Pascal BOURGUIGNON”