Votre dentifrice est-il « durable » ?

En Indonésie comme en Afrique, les plantations d’huile de palme entrainent de gros bouleversements. Déforestation, destruction de vie indigène, de biodiversité, réchauffement climatique. De plus, cette production perpétue une exploitation humaine scandaleuse et met les importantes multinationales qui en tirent profit devant leur responsabilité.

Vous allez au supermarché, vous avez sur votre liste des achats de soupe (Knorr), de confiserie (kitkat), de nouilles instantanées (Pot Noodle), des glaces (Magnum), de dentifrice (Colgate), de cosmétique (Dove), etc…

Vous lisez les indications sur les emballages et remplissez votre caddie, rassuré : C’est bien marqué là, dans la mention « ingrédients»,  huile de palme « durable ».

Certification

Selon une récente étude d’Amnesty International, rien de « durable » en fait. Si l’on considère notamment les atteintes aux droits humains dans les activités de certaines plantations.

En cause, un sous-traitant indonésien, Wilmar, dont 3 exploitations sur 5 sont certifiées, à tort, produire de l’huile « durable », telle que définie dans les critères d’une Table ronde (RSPO), créée en 2004 pour assainir le secteur.

La Table était sans doute trop ronde, la chair trop riche et les critères oubliés au dessert.

Menaces

Le rapport d’Amnesty souligne l’emploi discriminatoire et systématique des femmes en contrat de « journalières » (salaire à 2,50 $/ jour), ainsi privées de prestations sociales et d’assurance maladie et retraite.

Quand elles ne sont pas contraintes, sous la menace, à des heures supplémentaires non payées de surcroît.

Pesticides

Tout aussi délictueux, le travail des enfants, âgés de 8 à 14 ans et confrontés à des tâches dangereuses, sans tenue de protection dans des lieux exposés aux pesticides toxiques.

Les uns abandonnent l’école pour aider leurs parents dans les exploitations, d’autres y viennent après l’école, voire le week-end et pendant les vacances scolaires.

Les travaux sont physiquement pénibles à ramasser et charrier les fruits des heures durant;  les ouvriers de leur côté manipulent de lourds outils manuels pour aller les couper sur des arbres de 15 à 20 mètres de haut, les sanctions fréquentes.

Écoblanchiment

C’est ainsi que 9 sociétés de l’agroalimentaire et de produits de consommation courante (Nestlé, Colgate, Unilever entre autres), , se livrant chez Wilmar, pratiquent sans vergogne une forme de « greenwashing », d’écoblanchiment.

Wilmar a reconnu les faits, mais chacun se sert de la prétendue acceptation de la Table ronde pour éviter une surveillance accrue dans la chaine d’approvisionnement.

Bien que rigoureuse en matière de droit du travail, la législation indonésienne est peu appliquée. Et l’on s’étonne encore que les  multinationales concernées, avec leurs 325 milliards de chiffre d’affaires, laissent faire.

Viol et grogne

Le formidable développement de l’huile de palme dans la composition des produits industriels manufacturés a nécessité dans les pays en développement un accaparement des terres, qui constitue autant un vol qu’un viol et n’a pas fini de faire parler de lui, en Afrique aussi.

La grogne monte notamment au Gabon et au Cameroun. Deux Ong, Brainforest et Mighty ont enquêté sur les activités d’Olam, un agro-industriel de Singapour qui, selon elles, a déboisé depuis 2012 environ 25 000 ha de forêts.

Plainte

Certes Olam fait savoir par encart publicitaire qu’il apporte au Gabon, en échange, 1 100 ha de cultures vivrières, plus de 10 000 emplois et 251 km de routes… Le bassin du Congo serait la prochaine cible, il y a quelques décennies encore, paradis des rhinocéros et éléphants.

Au Cameroun, 244 fermiers ont porté plainte pour « violation de propriété » contre une ex-filière d’un groupe américain et son projet de planter pour sa part 20 000 ha de palmiers à huile.

Pétition

Appuyée par une pétition qui a déjà réuni 180 000 signatures, Greenpeace demande au gouvernement de Yaoundé de ne pas renouveler la concession.

Pour mettre fin à 6 ans d’exploitation forestière au mépris des droits des communautés locales, d’investissement non réalisés et de destruction de forêt.

Vigilance

À Douala des riverains remettent en cause la Socapalm, filiale de Socfin-Bolloré, les concessions incluant notamment des forêts primaires. Début décembre, Socfin a changé de politique et s’est engagé à préserver des zones forestières et l’exigence du consentement libre des populations locales.

Tandis qu’à Paris, à quelques heures de la fin de la législature, l’Assemblée nationale vient précisément d’adopter, après 3 ans de débat, un projet de loi sur le « devoir de vigilance » des multinationales quant au respect des droits humains et de l’environnement chez leurs sous-traitants.

La gauche a voté en bloc. Majoritaires au Sénat, les Républicains ont rejeté par trois fois un texte considéré comme une « loi punitive ». Comme le dit une maxime brésilienne, le « seul jour facile était hier » (x).

 

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(x) o unico dia facil foi antem

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