Vertueuses amazones de l’écologie

Près de 200 victimes, c’est le nombre de militants écologistes tués dans la défense de leurs terres face aux conglomérats miniers, essentiellement en Amérique latine. Les femmes ne sont pas les moins nombreuses dans ce très lourd bilan.

Il apparaît en effet qu’elles montent de plus en plus au front des engagements environnementaux, heureusement pour la plupart dans un contexte plus serein et pacifique, comme l’atteste « Terre de Femmes ».

Créée en 2001, dans le sillage de l’engagement de la Fondation Yves Rocher pour la préservation de la biodiversité, l’initiative Terre de Femmes s’est déployée dans 11 onze pays. Des jurys locaux en choisissent les lauréates.

Reconnaissance

À chaque édition, des centaines de candidates se mettent sur les rangs, non seulement pour guigner un prix de 5000 à 10 000€, mais aussi offrir à leur action la reconnaissance et l’exposition médiatique, qu’elles en attendent légitimement.

« La récompense n’est pas négligeable bien sûr, mais donne du coeur à l’ouvrage, voire de la crédibilité et la possibilité de soutiens inespérés. Souvent, ces pionnières œuvrent d’abord dans un presque anonymat », souligne au crapaud Jacques Rocher, Président de la Fondation.

Savonnette

Haïti 2016. Franco-américaine et lauréate 2017, Laure Botinelli aime cette île, trop méconnue. Haïti, la malheureuse, qui peine à se relever du tremblement de terre de 2010, aux stigmates encore trop visibles.

Avec deux associées, elle a l’idée saugrenue à première vue de recycler ces savonnettes, que les clients laissent dans les hôtels. Et met en place avec son organisation « Anacaona » un circuit de valorisation.

Emplois

Récupérés, puis désinfectés, râpés, fondus et reconditionnés, les savons, parfumés bio et présentés dans de jolis emballages en fin de chaîne, permettent rapidement de dégager de 3 emplois.

Une partie de la production entre dans un circuit commercial local. Les femmes qui tiennent les étals se réjouissent de ces savons vendus aux touristes notamment, qui les aident à payer l’école des enfants, la nourriture et le loyer, comme le signale l’une d’entre elles.

Choléra

Une autre partie prend délibérément le chemin des écoles. Afin de répondre à la grande urgence de la salubrité. On évalue à 10 000 morts l‘épidémie de choléra qui sévit depuis 2010, plus de 70 % des Haïtiens ne disposent pas de toilettes chez eux.

Par ailleurs, faute d’un accès sûr à l’eau potable, les maladies diarrhéiques demeurent dans le pays une des premières causes de mortalité.

Ambassadeurs

On va donc agir auprès des enseignants d’écoles partenaires pour faire connaître auprès des enfants les règles sanitaires primaires, relayés par des « ambassadeurs de l’hygiène » au porte à porte dans les quartiers.

Laure Botinelli connaît bien le problème, pour l’avoir déjà vécu, lors d’un premier séjour en Haïti en 2012, dans un projet de développement de latrines et de système de lavages de mains en milieu rural.

L’eau

À 28 ans, son itinéraire Ong ( Madagascar, Congo, Philippines, Bengladesh, Sud-Soudan) impressionne en soi. Avec des missions autour du thème de l’eau précisément et des réfugiés..

Ce presque tour du monde précédé d’un remarquable cursus universitaire, de Sciences Po Grenoble à un Master Organisations Internationales, entre autres à l‘Université californienne de Berkeley.

Contrats

Enfin un « Mooc », décisif, une formation en ligne de HEC pour Devenir Entrepreneur du Changement. Qui lui permet de revenir en Haïti en 2014, avec le projet bien ancré, non pas de créer une Ong de plus – beaucoup ont quitté l’île entre temps, mais une vraie entreprise.

Dans un pays où la norme n’est pas la règle, loin s’en faut, elle veille à ce que toutes les femmes employées chez Anacaona soient sous contrat.  « Certaines ne savent pas lire ou écrire, il faut donc leur expliquer ce qu’est un contrat de travail, autant les règles à respecter que les droits qui les protègent », confie-t-elle à l’Afp.

Social

Pour Jacques Rocher, son cas est emblématique. «  Je constate que, parmi nos lauréates, la portée sociale de leur engagement revêt souvent autant d’importance que l’impact strictement environnemental, ce en quoi elles lui donnent une autre et bien remarquable dimension ».

Préserver l’environnement, améliorer la vie quotidienne, mais aussi redonner aux femmes dans leurs communautés respectives du travail, l’amorce d’un petit budget, un début d’indépendance, une confiance retrouvée.

Noix maya

Ainsi de la lauréate Maroc 2017, Hanane Lachehab qui monte 8 coopératives dans le cadre d’un « GIE Femmes du Rif », lesquelles produisent jusqu’à 30 à 40 litres d’huile extravierge biologique et 300 à 400 tonnes de grignons. 328 femmes s’y activent.

Au Mexique, la lauréate Cecilia Sanchez, docteur en biologie, aide 400 femmes indigènes de la tribu Zoque à reboiser et gérer équitablement la jungle humide environnante. Et renouer entre autres avec les pratiques et connaissances de la semence Oox ( Brosinum alicastrum), une noix maya (noix-pain), connue depuis des lustres pour ses bienfaits dans l’alimentation des hommes et des animaux.

Guide

Également lauréate 2017, la Portugaise Raquel Gaspar (Ocean Alive) a pour souci de protéger les prairies marines de l’estuaire du Sado, au sud de Lisbonne. Elle engage les femmes du milieu de la pêche, au chômage, dans un programme d’éducation et de sensibilisation, qui leur permet de devenir « guide marin », voire d’exercer la surveillance des lieux.

Ainsi en va-t-il des 400 lauréates qui interviennent aujourd’hui pour « Terre de Femmes », dans une cinquantaine de territoires différents. Que nous disent-elles, si ce n’est leur volonté, avec tant d’autres, d’imprégner le monde dévorant de la mondialisation avec leurs valeurs propres, gratuité, don, respect, partage.