Vers l’entreprise « durable »

La démocratie dans l’entreprise est-elle une vertu écologique ? Assurer sinon le bonheur, du moins le bien être au travail ne signifie-t-il pas s’épargner du stress, partant entrer dans une relation plus saine avec son environnement quotidien. Pour en finir avec la litanie des fatigues, inquiétudes, excès de tabac alcool, médicaments, sans oublier celle des alimentations non équilibrées, un documentaire de la chaîne Arte a récemment remis au goût du jour l’idée de l’ « entreprise libérée« .

Dans le sport, en forêt, sur les chantiers, ils sont nombreux ceux qui apprécient les vêtements marqués Gore-Tex, mais ignorent généralement, qu’ils ont choisi le produit d’une entreprise exemplaire.

Dès 1958, le chimiste Bill Gore, son fondateur, aidé de sa femme, planche sur une autre organisation de sa société, qui permette aux salariés d’exprimer envies et qualités personnelles, hors de tout encadrement hiérarchique.

Page neuve

Se doute-t-il qu’il est en train d’écrire, dans sa maison de Newark (Delaware), une page neuve dans la longue et parfois très violente histoire du monde de l’entreprise ?

Le choix est fait de bannir les postes de travail, les horaires fixes, ainsi que les responsabilités hiérarchiques, de multiplier à l’inverse les petites unités de travail autodirigées. On ne parle plus d’employés mais d’ »associés », ni de chefs mais de « référents ».

Pluridisciplinaires

Après avoir assuré un travail d’ordre général, dans un premier temps, les nouveaux arrivants peuvent acquérir la crédibilité et l’expérience nécessaire pour définir eux-mêmes et piloter de projets, dans des équipes pluridisciplinaires, aucun service n’ayant d’ascendant sur les autres. Et, bien sûr, tous bénéficient d’une part du résultat global.

Dans cette organisation dite réticulaire, sans chaine de commande, privilégiant l’initiative et le lien directe, les habituelles lourdeurs organisationnelles disparues, l’historique de W. L. Gore montre qu’un « associé » sur quatre affiche plus de vingt années d’ancienneté.

Révolution

S’il jette un regard en arrière, Bill Gore peut être satisfait de cette révolution managériale, à constater en 57 années d’existence, une croissance de 15% avec un chiffre d’affaires de 3,2 milliards de $.

L’entreprise Gore et associés est restée privée, en dépit d’importants développements, hors textile, dans l’électronique, la métallurgie et le médical, faisant vivre plus de 10 000 salariés dans le monde.

Symboles

Cette forme de management, théorisée dans les années 60, n’a pas laissé indifférent certains entrepreneurs français. Très tôt du reste, Jean-François Zobrist, le précurseur, en a appliqué certains principes dans la fonderie picarde de Favi.

Déjà en éradiquant, voilà près de 30 ans, les symboles du pouvoir alors en usage, les places de parking réservées, les berlines de fonction pour les cadres, les toilettes indignes des ouvriers (pour de plus confortables).

Dose de philosophie

Les échelons de commandement sont passés de 4 ou 5 niveaux à 2 et demi, les primes individuelles ont laissé la place dans les poches des 400 salariés à l’intéressement et une participation identique pour tous ( 3 000€ /2011).

À la retraite depuis 2009, Jean-François Zobrist y ajoutait sa dose de philosophie : « L’homme est bon, il faut lui faire confiance, tout le monde chez nous a le même but, satisfaire le client, mais chacun de nous est traité de façon analogue .»

Judéo-chréten-picard

Ce management dans la confiance et la responsabilité, qualifié de façon amusante par l’intéressé de «  judéo-chrétien-picard », a permis à l’usine, spécialisée en siphons, compteurs d’eau et boîtes de vitesse, de rester localisée dans le même lieu, Hallencourt, et de se hisser à une place de leader mondial du secteur.

Qui peut affirmer qu’il est « heureux » sur son lieu de travail ? Sur une carte établie par Google, on a relevé pour l’hexagone quelques dizaines d’entreprises « libérées.» C’est bien peu ( en excluant de ce constat les quelques 40 000 coopératives, dites Scoop).

Pyramidal

Le modèle récurrent, type militaire, qui contrôle l’ensemble des effectifs, impose une architecture hiérarchique pyramidal et attribue à chacun des tâches très limitées, a peu changé en France ( Dès la fin de la dernière guerre, l’Allemagne, s’inscrivant dans la cogestion de l’entreprise, privilégie les structures plus horizontales ).

Les conséquences sont connues. 31% des salariés français « activement désengagés », ont une vision négative de leur entreprise, peuvent aller jusqu’à se dresser contre elle. Seuls 9% se disent impliqués.

Viable

Compte tenu de ce « désengagement », on s’interroge : le modèle « libéré » est-il viable partout, notamment dans les très grandes entreprises et tous types d’organisation au départ ?

En Inde, le patron de HCL Technologies ( 55 000 salariés et géant de l’électronique) défend un curieux modèle, selon le principe, « nos employés d’abord, les clients après ». Concrètement, il a mis en place un portail digital, permettant à chaque employé de s’exprimer sur les décisions en cours.

Potentiel exceptionnel

Y ajoutant une plateforme en ligne, sur laquelle salariés et clients communiquent directement entre eux et, en troisième lieu, un système d’évaluation s’applique à tous les collaborateurs, Pdg compris.

Selon lui, les bénéfices ont libéré un « potentiel exceptionnel, que l’on pourrait comparer à celui qui, avec l’arrivée de la démocratie, s’instaure dans un État ».

Start up

L’entreprise libérée ? Pour les start up, jeunes et innovantes, cela va soi. Une évolution est en marche. Plus elle se développera, plus ses effets agiront de façon positive, d’une certaine façon, sur l’écosystème durable de l’entreprise, dans la production comme dans les relations sociales et humaines.

 

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Loeilducrapaud

Un autre Bottin : Plus qu’un annuaire, Le Bottin du Made in France, lancé en février dernier, veut accompagner artisans et sociétés dans le développement de leur notoriété, ventes et réseaux. Il émane d’une association, Citoyen et Responsable au financement participatif.

Les frites de la discorde : En Chine, fournisseur de pommes de terre frites, une coentreprise sino-McDonald’s s’est vue condamnée à une amende record de 566 000 € pour pollution du réseau d’eau municipal. Depuis le début de l’année, les autorités chinoises veulent renforcer la lutte contre les pollueurs.