Tihange, Fessenheim, même combat

Le nucléaire sera-t-il sacrifié sur l’autel de la transition énergétique ? Rien n’est moins sûr, avec les rumeurs d’extension des EPR. Pour l’heure, les centrales françaises font face à des révisions drastiques et coûteuses.

Les antinucléaires, eux, attendent toujours la fermeture des plus âgées, telle Fessenheim, comme l’on s’inquiète beaucoup, de Liège, Namur à Aix la Chapelle, du problématique réacteur 2 du pôle de Tihange, proche de la frontière commune. Comme dans cette famille allemande.

Pour la photo, la famille M. s’est prêtée à un essayage. Les voici, papa, maman et les 2 jeunes enfants vêtus comme des cosmonautes en partance pour l’espace.

Tous les 4 ont sorti cette combinaison blanche, qui les déguise d’une trousse d’urgence (individuelle), complétée d’un masque de protection, d‘un demi litre d’eau, de 2 barres de Müsli et de pastilles d’iode. Les premières précautions à prendre pour affronter dans l’immédiat l’accident nucléaire.

Danger

La maman, médecin de campagne et le papa, ingénieur, ont plutôt les pieds sur terre, refusent de céder à une forme de paranoïa. Mais, confessent-ils au reporter du magazine Stern, nous avons le « sentiment que le danger est bien réel ».

Délibérément, ils ont choisi de vivre dans une bourgade idyllique du massif de l’Eifel, qui développe tendres collines et lacs profonds au long de la frontière belgo-luxembourgeoise.

Tihange 2

Mais au-delà, il suffit à vol d’oiseau de 66 km pour voir se dresser l’épouvantail du réacteur 2 de Tihange.

Des 3 unités de la centrale, construite aux alentours de 1970 sur les bords de la Meuse, Tihange 2 multiplie les inquiétudes, avec des microfissures sur la cuve, qui ne cessent de s’aggraver. Il est arrêté en 2014 puis relancé en 2015.

 Chaîne humaine

Tollé général. Le conseil de région d’Aix la Chapelle décide de se pourvoir en justice, 90 communes frontalières de Belgique, Allemagne et Pays-Bas rejoignent le mouvement.

C’est ainsi que l’an dernier, un dimanche de juin, 500 000 personnes, accourus des 3 pays, se donnent la main pour former une impressionnante chaîne humaine et relier sur 90 km de long Tihange à Aix la Chapelle.

Le Ministre-président du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie va même plaider la fermeture auprès du souverain, Philippe de Belgique.

Refus

L’Agence fédérale de contrôle nucléaire (Afcn) reconnaît que tout nouveau réacteur présentant les mêmes défauts ne pourrait être homologué aujourd’hui. Mais les autorités belges renâclent à décider la fermeture.

Elles semblent considérer que les fissures datent de la construction, que le réacteur a de solides états de service (40 ans) et que, si elles ont augmenté, ce serait le résultat de meilleures contrôles sur place.

Sécuriser

L’on entend même dire, que s’il fallait fermer Tihange 2 (en partie propriété d’Edf Luminus), pour sucer de l’électricité allemande sortant des très polluantes centrales à charbon, Dieu merci, non.

Tout en affirmant que tout est fait pour sécuriser les installations (mais la centrale de Doel 3 , sur la rive gauche de l’Escaut, présente des problèmes analogues à ceux de Tihange 2), les autorités ont lancé en mars dernier un nouveau plan d’urgence nucléaire, y dédiant un site approprié. Et redéfinissant notamment les zones d’extension.

 Bourgmestres

Évacuation de la population résidente dans un rayon de 10 km autour de la centrale, mise à l’abri et prédistribution d’iode jusqu’à 20 km alentour. Des mesures applicables jusqu’à 100 km de distance, ce qui couvre pratiquement le pays entier.

Surtout, bourgmestres et gouverneurs sont autorisés à prendre eux-mêmes les premières actions, alors que, jusqu’à présent, ils devaient attendre le feu vert des pouvoirs publics.

Tchernobyl

Cela ne rassurera pas pour autant les populations voisines, pour qui Tihange, c’est la crainte d’un Tchernobyl belge. Car les nuages radioactifs, en cas de « pépin », se déplacent vite, en 4 heures, par vent d’ouest, ils seront « au-dessus de chez nous », souligne la famille M..

Pour préparer le jour fatal où retentira la sirène d’alerte, ils savent être prêts. Totalement isoler fenêtres et portes, équiper la climatisation maison de filtres plus fins, stocker 300 litres d’eau dans la cave. Aussi s’équiper d’une radio qui fonctionne sans électricité, pour avoir les infos nécessaires.

Exfiltrés

À l’école élémentaire locale, on a informé les parents des instructions propres à l’établissement. Ceux-là viendront chercher leurs enfants un par un, qui seront exfiltrés d’une salle doublement sécurisée pour contenir les infiltrations d’air. L’établissement fermera au bout de 3 heures.

Ceux des enfants, dont les parents n’ont pu se présenter à temps, seront emmenés par le personnel enseignant chez eux. Mais la direction se refuse à initier des exercices d’évacuation par peur d’aggraver un état de peur latent dans la population.

Bien que des habitants se sont déjà équipés de leurs propres appareils de mesures de radioactivité.

Hystérie

Militant résolu pour l’arrêt de Tihange 2, mais prévoyant, le maire de la petite ville, après une première distribution de pastilles d’iode en 2017, a fait de nouvelles réserves, il en garde 3000 de plus dans 2 cartons, salle des archives municipales.

Hystérie collective, dira-t-on. Les voisins allemands de la centrale de Fessenheim en Alsace vivent les mêmes inquiétudes. François Hollande en avait annoncé la fermeture, ferme. Celle-ci a été repoussée à 2020, 2021, qui sait ?

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Une partie de ces informations proviennent d’un article paru dans le magazine Stern de juin 2018