Sale temps pour les crapauds

Un vent de panique n’a pas tardé à secouer les milieux scientifiques américains, décidés à parer au péril d’un Président irréductible climato-sceptique. S’annoncent ainsi les graves tensions à venir, outre-Atlantique, autour de la question « Climat ».

« Scientifiques, avez-vous des données climatiques que vous ne voulez pas voir disparaître ? » Il a suffit de ce tweet d’un météorologiste américain à ses 60 000 abonnés pour déclencher en effet un mouvement d’affolement dans la communauté.

L’élection de Trump a réveillé de fortes inquiétudes. Une remise en question de l’Accord de Paris, un changement climatique qualifié de « canular », 3 milliards de $ de subventions rayés du Fonds vert pour le climat, les premiers coups de griffe à l’Agence US de protection environnementale (EPA).

Le patron est pressé

Sans présager ce que réservent les 2 hommes de son entourage placés à l’Économie, Rick Perry et à la protection de l’Environnement, Scott Pruitt. Le patron est pressé, eux ne le seront pas moins

Déjà l’équipe de transition a lancé un questionnaire au ministère de l’Économie précisément pour connaître les noms des personnes travaillant sur le climat. Ce que les scientifiques ont immédiatement assimilé comme les prémices d’une chasse aux sorcières.

Cibles politiques

Mi-décembre des milliers d’entre eux convergent vers San Francisco pour une conférence presque inaugurale sur l’éventualité du « détournement de la loi américaine à des fins de harcèlement, d’intimidation et de discrédit des chercheurs », peut-on lire dans un article de Libération.

« Aux États-Unis, le changement climatique est devenu une question très politisée, plus que la plupart des autres disciplines, cela fait de nous des cibles politiques, voire des ennemis », souligne la directrice d’un important fonds. Les pressions ne datent pas du changement de présidence.

Dignes du maccarthisme

Directeur du Earth System Center de l’université de Pennsylvanie, Michael Mann décrit les menaces reçues de mort, de licenciement, ou d’attaques de membres du Congrès suite à ses travaux sur le climat. « Dignes de l’époque maccarthiste «, ajoute-t-il.

De même qu’à la veille de la Cop15 de Copenhague, nombre de chercheurs avaient vu leurs mails piratés et détournés pour dénigrer leurs recherches….

Garder la tête hors de l’eau

L’archivage des données scientifiques publiques s’est donc organisé en quelques semaines.

 Pionnière, l’Université de Pennsylvanie a mis en place un programme « Datarefuge » afin de sauvegarder des données publiées par des agences fédérales, qu’elles restent accessibles au public, même si Trump décide de couper les budgets »

Des serveurs en Suisse

Pour leur part, les étudiants de l’Université de Toronto ont archivé plus 3 100 adresses Url, identifié 192 programmes sensibles. Carrément qualifiée de « Guerilla archiving », la plateforme s’ouvre sur une adresse mail cryptée, dont les serveurs sont en Suisse.

D‘autres scientifiques, craignant de se voir retirer leurs subsides, cherchent dès à présent des points de chute dans les États comme la Californie.

Son gouverneur a fait savoir, si nécessaire, qu’il enverrait dans l’espace ses propres satellites pour le cas où ceux de la Nasa ne seraient plus consacrés à l’étude de la planète, mais seulement à celle de l’espace.

Résurrection des fossiles

Mais arrête-t-on le bulldozer Trump ?

À la télévision, un mineur de Pennsylvanie affiche un énorme sourire, heureux de savoir l’énergie charbon revenir au goût du jour.

Plus loin, au Texas, un foreur se réjouit de l’attention portée à nouveau à l’extraction du pétrole. Bref, les acteurs des énergies fossiles sont en confiance.

Fi des énergies vertes, elles n’auraient plus la cote. « Elle sont si chères et honnêtement, ça ne marche pas si bien », minaude Trump. Dans le Wyoming, un projet de loi pourrait interdire l’utilisation des ressources vertes (sauf aux particuliers).

Les Indiens campent

Acquise dès à présent, la décision de relancer les 2 oléoducs controversés de Keystone, venant du Canada et le Dakota Access Pipeline, dont le crapaud a beaucoup parlé. Les Indiens Sioux Lakotas de Standing Rock, on suppose, sont et restent sur le pied de guerre…

« Nous sommes en train de vivre la volonté de démolir toutes les protections environnementales prises depuis 50 ans », lit-on dans le New Yorker.

Vent frais

En France même, un vent frais souffle sur les associations en charge de la protection de l’environnement, depuis les changements à la tête des régions.

Sous la présidence de Laurent Wauquiez, l’emblématique Fédération Rhône-Alpes pour la protection de la Nature a vu sa subvention annuelle réduite de moitié.

Structures sacrifiées

En Île de France, Valérie Pécresse vient de couper les vivres à une foule de structures liées à la nature, au climat et au bio. Sans doute, en exposera-t-elle les raisons.

Dans les Hauts de France, Xavier Bertrand décide de baisser de 40 % son budget consacré au développement durable. Les effets de ces coupes sont dévastateurs, surtout pour les petites structures.

De 13 à 68 cm

Alors que 2016 a battu tous les records de chaleur, pour la 3ème année consécutive, le tournant d’une régulation du climat est mal engagé. Selon les estimations du Giec, le niveau global des océans devrait s’élever s de 13 à 68 cm d’ici 2050. Du haut de son gratte-ciel, Trump pourra contempler les dégâts, à l’aise et à sec..

« Le déluge se rassemble

Bientôt il se met en marche

Par-dessus chaque vallée

Contre chaque toit

Le corps va se noyer

Et l’âme rompre ses amarres

Je jette tout ça (sur le papier)

Mais je n’en ai pas la preuve »

                  —

Leonard Cohen Sinaï 1973