Profits et ( grandes ) pertes de la surpêche

Les Français aiment le poisson, on les comprend. S’ils sont informés des divers problèmes, que rencontrent au fil des ans les artisans – pécheurs de notre littoral, les voici en train de prendre conscience des dégâts de la pêche en eau profonde. Et de découvrir le profit qu’en tire une partie de l’industrie agroalimentaire.

La nouvelle n‘a pas fait la une des medias. Mais, si les Français ne consommaient que les poissons pêchés dans les eaux européennes, ils n’en auraient plus eu dans leur assiette que « ce vendredi ».

Ce vendredi, c’était le 17 mai dernier.

Une consommation insoutenable

L’alerte, purement symbolique certes, provient de 2 Ong (Nef et Ocean 2012), lesquelles ont entrepris d’évaluer, pour chaque pays de l’Union européenne, le jour de l’année où l’un de ces pays devient dépendant pour ses besoins d’une pêche menée très loin, en Atlantique ou en Afrique.

Car cette consommation devient « insoutenable ». 62 % des poissons au menu des Français, pour exemple, dépendent en effet de cet approvisionnement-là, une « dépendance » qui ne cesse de croître, année par année, en raison du succès sur les étals des produits de la mer (riches notamment en oméga3) et, ce qui en est le corollaire, la surexploitation des réserves et leur épuisement.

Un vrai désert

Du fait de cette situation, l’attention s’est fortement portée sur le phénomène de la « surpêche », pratiquée par les grands chalutiers, qui raclent les fonds au moyen de filets géants et lestés, au point de laisser derrière eux un vrai désert, un biotope réduit à néant, comme le raconte avec talent la BD de Pénélope Bajieu à voir sous le lien : https://www.penelope-jolicoeur.com/.

La mobilisation a commencé à faire son effet. Selon l’association « avaaz » , 770 000 citoyens ont signé une pétition contre la « pêche au bulldozer », ce qui a poussé les supermarchés Carrefour et Casino à se dégager de  la vente de produits provenant d’eaux profondes.

L’action se poursuit contre Intermarché, un des principaux « acteurs » – comme on l’a vu dans la bande dessinée, mais aussi Auchan, Leclerc et Système U.

Bagarre au parlement de Strasbourg

En lice, l’association « Bloom » et son inspiratrice/animatrice, Claire Nouvian, très battante sur la défense des grands fonds marins.

Cette native de Bordeaux se plait à rappeler que les députés français au parlement européen, d’allégeance socialiste, ont été le seuls à voter en février dernier contre la proposition visant à mettre fin à la surpêche.

Des extra-terrestres

Entre temps, le 10 décembre, les parlementaires ont adopté, après des corrections de vote, l’amendement 62 visant l’interdiction du chalutage au-delà de 600 m de profondeur. Mais sans effet pratique pour le moment, la France y étant violemment opposée.

La dévotion de Claire Nouvian lui vient d’une expérience vécue à Monterey (Californie) en 2001. Remontés après une immersion à 4000 mètres de profondeur, des robots livrent des images, qui lui font découvrir une vie insoupçonnée, riche d’une faune totalement inconnue. « Presque des extra-terrestres », dira-t-elle.

Elle en fera un livre « Abysses », traduit en une dizaine de langues et vendu à 150 000 exemplaires. Ce sont ses droits d’auteur qui lui permettent d’assurer l’autonomie financière à son action.