Orchidée, la trop belle fleur du désir

Certains collectionneurs voyageraient à l’autre bout du monde pour, autre forme de vacances, mettre la main sur une espèce sauvage, voire encore inconnue, de la reine des fleurs, l’orchidée.

Mais sous l’effet des maux modernes, pollution, pâturage, déforestation, la belle pâtit également d’un commerce international souterrain, souvent illicite. Et difficile à combattre.

Qu’elle domine le règne floral est une évidence, en développant au fil du temps une extrême diversité, avec 30 000 types existant à l’état sauvage, une longévité sans pareille, évoluant dans les lieux les plus inhospitaliers et, en conséquence, une longévité rare.

Du grec « testicule »

Rappelons que son nom, que l’on doit à Théophraste, tient du grec orchis ( soit « testicule ») en curieuse référence à la forme des tubercules de certaines d’entre elles.

Trop de qualités nuisent. Autant dire, qu’on ne lui fiche pas la paix. Des passionnés passeront leur vie à la traquer à l’autre bout du monde, dans les pays tropicaux notamment. Rien ne vaut à leurs yeux le spécimen rare, indigène, cueilli à l’état sauvage.

Le chercheur et ses sabots de Vénus

D’autres confient cette quête à des professionnels, qui les véhiculent vers le commanditaire clandestinement. Des entreprises pharmaceutiques ne sont pas en reste, comme ce chercheur d’un laboratoire, surpris par la douane britannique avec un butin illégal de 126 fleurs du genre sabot de Vénus, prélevés dans sa Malaisie natale.

Arrêté, par la suite condamné à 4 mois de prison, il ne pouvait pas ignorer que sa prise est protégée par la CITES, Convention  sur le commerce  international illégal, laquelle étend sa main bienfaitrice sur les espèces végétales 5 fois plus nombreuses dans ses listes qu’animales.

Hybride versus original

La tâche de l’organisation se trouve compliquée, dans la mesure où, à la recherche permanente de nouvelles espèces, collectionneurs et fouineurs n’hésitent pas à croiser deux espèces connues par simple effet de bouturage.

On compterait aujourd’hui plus de 60 000 variétés hybrides dans le monde, lesquelles ne supplanteront jamais les individus, originaux, d’une extrême rareté.

Une rareté à 10 000 $

Sur le bord d’une route du Pérou, un gros chanceux découvre une sous-espèce inconnu, qu’il baptise, après l’avoir sorti en fraude, Phragmipedium kovachii. Et déclenche l’avidité d’autres collectionneurs, ce spécimen valant les 10 000 $ à la bourse des échanges.

Le clone d’une plante, produit artificiellement, ne se distingue pas de l’original. Quant à l’hybride, allez savoir si elle résulte d’espèces légalement ou illégalement importées.

Le casse-tête des douaniers

Ainsi, les plus malins mixent dans un convoi les spécimens disposant d’un permis d’exportation avec d’autres qui ne l’ont pas. Aux douaniers de séparer le bon grain de l’ivraie. Sans formation appropriée, mission impossible.

Les orchidées ont aussi leurs compagnons de misère, les perce-neige, seules à pointer avec courage leurs corolles blanches en plein hiver.

Elles attirent les collectionneurs autant que les labos pharmaceutiques, riches d’une molécule, la galantamine, qui pourrait avoir une action contre la maladie d’Alzheimer, au stade précoce.

Le business géorgien

La Géorgie s’en est fait un bon business, qui en exporte près de 15 millions de bulbes vers la Turquie et les Pays Bas. Un bulbe inédit, sur les 1500 espèces répertoriées, peut valoir les 400 €.

Alertée, la CITES décide un projet de recensement en accord avec les pays concernés, pour limiter le commerce et pérenniser les stocks. Intervention considérée comme ayant eu les effets escomptés.

Cactus mal en point

Echec et mat par contre au Mexique pour les cactus, où la demande croissante américaine ou européenne génère un trafic évalué à des millions de $.

Le crime organisé n’a pas laissé passer le train sans réagir, complétant ainsi le tiercé de ses grandes activités, après la drogue et les armes.  La police, déjà engagée sur de nombreux fronts, n’y peut pas grand chose,  et la régulation du commerce n’est d’évidence pas la priorité des organismes de contrôle locaux.

Collectionneurs qui se cachent

De nombreuses variétés de plantes rares, éteintes, notamment du côté des orchidées, survivent dans des pépinières privées, pour le plaisir d’un petit nombre. Certains de ces collectionneurs, discrets, prétendent être amoureux de la nature, voire même participer à leur conservation.

Leur passion peut tout autant contribuer à leur extinction, avant qu’elles aient fait l’objet d’être étudiées et répertoriées. Ce qui n’est sans doute pas le cas des jardiniers amateurs, fadas d’horticulture, très soucieux de ces problèmes.

De toutes l’impériale

Le parfumeur Guerlain marque certainement une autre forme d’exploitation. Au cœur de la jungle du Yunnan, au sud de la Chine, ses scouts ont découvert une orchidée légendaire, la vanda coerula.

La plante bleue, d’une longévité exemplaire, a donné naissance à un produit cosmétique phare, Orchidée impériale, dont la fleur ne s’épanouit  que dans une nature intacte.

Le parfumeur assure un programme sur place, afin de reconstituer le milieu naturel, replante des milliers d’hectares de forêt et propose aux communautés locales des alternatives à leurs habituelles monocultures intensives de thé en terrasse.

Au niveau d’une société occidentale exploitant les richesses de l’autre bout du monde, une démarche qui mérite l’attention.

Nos remerciements à la Fondation GoodPlanet Infos Infos pour ces informations tirées du livre, « Sauvages, précieux, menacés » , sorti en février dernier, pour marquer les efforts de préservation de la CITES dans de nombreux domaines.