L’or des crémations

À la Toussaint, par une journée ensoleillée d’automne, les cimetières, et leurs tombes enrubannées de bouquets de fleurs, où le jaune lumineux domine, invitent déjà à la promenade.

Une visite, geste pour perpétuer la mémoire des disparus. Mais l’inhumation perd de son importance au profit des crémations. Avec un souci écologique qui s’affirme de plus en plus.

On notait un petit 1 % de crémations en 1970, freiné notamment par la position ambigüe de l’Église catholique, qui en tolérait l’usage tout en la déconseillant.

Aujourd’hui près d’un tiers des familles confrontées à la mort d’un proche (540 000 obsèques en France) choisissent désormais l’incinération. On sait les raisons, qui les éloignent de la mise en terre.

Entretien des tombes, problème des concessions, cimetières à la limite de l’engorgement pour certains, éclatement des familles dispersées géographiquement, baisse de la pratique religieuse…

Écologique ?

Cité par Libération, un retraité de 88 ans, écologiste convaincu, affirme : « Ma crémation sera mon dernier acte militant, il faut laisser la terre aux vivants ».

L’incinération écologique ? La question est posée. Énergivore en premier lieu, polluante par différents rejets, enfin marquée au vu de tous par ces fumées noires qui s’échappent des cheminées.

Filtration

Mais une réglementation imposera bientôt des systèmes de filtration, concernant notamment les rejets de mercure provenant des plombages dentaires. Les 167 crématoriums en service ou en construction dans l’hexagone devront s’y soumettre dès 2018.

Les entreprises funéraires ne s’arrêteront probablement pas en si bon chemin (coût près d’un million d’€ par installation). «  Au Danemark, le plus grand crematorium sert à chauffer deux écoles », note le responsable des services funéraires de la mairie de Paris M.Michaud-Nérard.

Déperdition

Celui du Père Lachaise permettrait déjà de chauffer les bâtiments attenants. Avec cette observation non dénuée de bon sens. «  Si on jette cette grande déperdition de chaleur, on pollue l’atmosphère, si on peut l’utiliser à quelque chose d’utile… »

Utiles, les incinérations peuvent l’être également par un autre biais, celui des « déchets », respectables s’il en est.

2000 kilos

Car si elles produisent des cendres, elles laissent aussi intactes couronnes en or, prothèses en titane, stérilets en cuivre, parfois même des ustensiles chirurgicaux oubliés au bloc, comme le signale un autre article de Libération.

De grande qualité, ces métaux résistent parfaitement à la chaleur des fours. Qu’en faire, d’autant qu’avec la multiplication des incinérations, leur quantité prend de l’ampleur, 2000 kilos pour les seules activités du Père Lachaise ?

Revendre

Les rendre aux familles, les placer dans l’urne, non seulement « impossible mais indécent », pour M. Michaud-Nérard. Et comme la loi ignore le problème, le marché a établi la sienne.

Remettre ces métaux « en circulation », si l’on ose dire, vu leur valeur aux cours actuels, les revendre en quelque sorte. Et voici que pointe une entreprise hollandaise, OrthoMetals, la bien nommée, déjà installée en France.

Innover

Depuis 1997, ses camions sillonnent notre hexagone (et même l’Europe) pour récupérer ces « restes » dans les crématoriums (50 tonnes en France, 350 au niveau européen).

Société familiale de 6 personnes, selon elle leader mondial, soulignant par l’un de ses fondateurs que cette forme de récupération, personne n’y avait songé jusque là.

Mais déjà talonnée par un âpre concurrent allemand, Remondis, spécialisé dans le recyclage de matériaux dangereux.

Plaidoyer

« Il a fallu beaucoup parler, expliquer, étayer, selon la correspondante hollandaise. Les crématoriums reçoivent de nous une liste détaillée de tout ce qui a été relevé, or, titane, cobalt, inox, aluminium, cuivre, zinc, fer, etc… ».

Le plaidoyer a suffisamment convaincu pour que de plus en plus de gestionnaires de crématoriums se résolvent à cette solution, à l’image de la ville de Paris.

En transparence

Décision prise en 2010, en transparence avec le comité d’éthique, en vue de créer une fondation, sous l’égide de la Fondation de France, qui utilisera l’argent de la revente.

80 000 € l’an dernier, pour le Père Lachaise et Champigny sur Marne, versés à des associations et des thèses universitaires, 910 000 € pour l’ensemble des installations françaises, selon OrthoMetals.

Avec cette constatation qui n’étonnera personne. La quantité des métaux « récoltés » varie sensiblement selon la situation économique, florissante ou appauvrie, des régions.

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loeilducrapaud

C’est une forme d’acte de décès. « Desertec », cette formidable idée, dont lecrapaud avait parlé en son temps, a vécu.

Le projet visait à établir un réseau d’installations solaires gigantesques dans le Sahara, afin d’alimenter en électricité certains pays européens, l’Allemagne en premier lieu.

Une ambition à 400 milliards d’€, le plus lourd de l’investissement résultant du transport de l’énergie d’un continent à l’autre.

Les dés sont jetés lors d’une réunion récente à Rome, qui a enregistré le peu d’empressement de l’Égypte, Algérie et Maroc, principaux pays producteurs concernés et l’exode croissant des actionnaires.

Desertec s’activera désormais dans le « consulting », moins onéreux et moins … risqué.

 

Le souhait de « mourir vert », lecrapaud l’a déjà abordé.