L’Afrique se défonce aux toxiques

En cette période où l’on écoule les dernières versions d’ordis, Ipad, portables, téléviseurs, personne ne songe évidemment à ce qu’ils vont devenir, une fois devenus obsolètes, soit par l’usage, soit détrônés par d’autres modèles . L’Afrique s’affirme hélas (entre autres) comme l’un des déversoirs de nos besoins effrénés de consommation bientôt jetables.

Il fut un temps où, à peine apercevait-on au large de certaines côtes africaines, la proue du vraquier MS Nahsville, que la panique s’emparait des autorités locales. Ses conteneurs en effet recelaient généralement une cargaison diabolique de déchets industriels et électroniques : téléviseurs, ordinateurs, réfrigérateurs, générateurs, batteries.

Dans le micmac du transport maritime, favorisant de nombreuses combines, les incursions de ce navire, immatriculé à Rotterdam, affrété par un Danois, après avoir appareillé dans le port espagnol d’Algésiras à destination de Apapa près de Lagos (Nigeria) avec une cargaison en provenance … d’Autriche, s’étaient rapidement répandues dans le pays.

Arraisonné et inspecté

Paré d’un nom qui, sonnant agréablement aux oreilles musicales et pouvait  inspirer confiance, il destinait sa cargaison diabolique à des importateurs nigérians de matériaux de récupération. Avant d’être aussitôt arraisonné et inspecté dans les 24 heures.

« On ne peut certifier qu’une partie de la cargaison ait été débarquée avant l’arrivée de nos inspecteurs », s’interroge l’Agence nigériane chargée de l’application des standards de l’environnement (Nesrea).

Deux mois plus tôt, le même bateau-poubelle, hantant les mers comme le « Hollandais volant »,  repéré au large d’Abidjan, n’avait pu accoster en Côte d’Ivoire, faute d’autorisation. Et faisait des ronds dans l’eau au large en attendant qu’on statue sur son sort.

Le scandale du Probo Kaola

Car on n’est pas prêt d’oublier, ni en Afrique ni ailleurs, l’affaire du Probo Kaola (immatriculé à Panama, appartenant à une compagnie grecque, affrété par une compagnie franco-néerlandaise Trafigura !).

Ce bateau avait acheminé des tonnes de déchets toxiques des Pays bas vers la Côte d’Ivoire, en l’occurrence des résidus de pétrole, sulfures d’hydrogène, phénols, soude caustique et composants organiques sulfurés. 581 tonnes au total.

Et les avait déversés illégalement au large d’Abidjan. Répandus à terre en zone de décharge, et mélangés à de l’acide, ils avaient provoqué la mort de 16 personnes et l’intoxication de milliers d’autres.

Un jugement incompréhensible

Or, tout récemment, la justice néerlandaise a accepté un accord à l’amiable à hauteur de 67 000 €, s’engageant à ne pas poursuivre Trafigura et ses propriétaires, 2 Français domiciliés à Genêve (la société a également fait parler d’elle dans plusieurs affaires financières).

Jugement qui a scandalisé les associations. » Si les pays riches comme les Pays Bas ne font pas preuve de bonne volonté, comment attendre des pays pauvres qu’ils poursuivent des multinationales dans des affaires de crime contre l’environnement », argumente le directeur de Greenpeace Africa. Mais l’affaire n’est pas close.

De gros profits

« Le trafic de déchets génère de gros profits », souligne-t-on à l’Office central français contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.

Sur place, en effet, d’habiles négociants activent des cohortes de petites mains pour récupérer les composants à base de matériaux précieux, souvent revendus à la Chine notamment. Le reste finit dans des décharges sauvages, comme l’atteste ce documentaire diffusé par Arte sur le thème du « Prêt à jeter ».

Aux déchets des pays riches, dits DEEE, viennent s’ajouter aujourd’hui ceux rejetés par le développement numérique local. En Afrique, le nombre des téléphones portables a été multiplié par 100 et celui des ordinateurs par 10. Soit entre 650 000 et 1 millions de tonnes issues de la consommation intérieure.

Des gamins à l’oeuvre

Au Ghana, au Nigeria, 30 000 personnes vivent de cette activité de ramassage et recyclage : Démontages et réparations sauvages, brûlage de câbles, de substances dangereuses (mercure et plomb). Souvent effectués par des enfants d’une douzaine d’années, voire pour les travaux légers (?) par des gamins plus jeunes, comme on le voit dans la vidéo.

Et c’est le drame quand il arrive que ces décharges soient fermées. Comme l’illustre un cas récent au Mexique, où l’administration a décidé la fermeture de la plus grande décharge à ciel ouvert dans la périphérie de Mexico, Bordo Poniente, s’étalant sur 450 hectares avec des monticules de 17 mètres de haut.

Une vie dans les ordures

Unique source de ressources pour 4500 personnes, appelées « pepenadores ». « Nous vivons grâce aux ordures, ici c’est toute notre vie », explique un des représentants des recycleurs. Une vie dans une odeur fétide, au milieu de chiens errants, assailli par les moustiques, évidemment sans gants ni masque de protection. Sont-ils vraiment inquiets ?

Comme la municipalité de Mexico n’a pas prévu de plan « B » et que l’agglomération génère 7500 tonnes de déchets /jour, Bordo Poniente n’est as prête d’être rasée. D’ailleurs elle continue à être alimentée illégalement. Et de nouvelles décharges sauvages voient le jour ça et là, y compris dans les parcs de la cité.

Nos remerciements pour la vidéo à : Arte, Les Amis de la terre, Good Planet Infos