Honduras : Exécutée à l’aube pour la terre sacrée

Dans nos contrées, militer pour l’environnement pourrait sembler une promenade de santé. Ce n’est pas le cas aux Honduras avec le récent assassinat d’une des militantes les plus en vue, Berta Caceres. Une impitoyable répression, ni à son début ni à sa fin.

Elle était endormie dans sa maison de La Esperanza, à 190 km de la capitale de Tegucipalpa, lorsqu’à l’aube, entendant des bruits, elle se retrouve face à 2 hommes cagoulés. Qui ouvrent feu, la criblant de balles.

Deux jours plus tard, elle devait fêter ses 45 ans.

Un sociologue et militant mexicain dort dans la chambre à côté. Jouant le mort, tout de même blessé à l’oreille et à la main gauche, il échappe de peu à l’abattage.

C’est ainsi qu’on procède aux Honduras, confetti de République d’Amérique centrale, comme dans un film de série noire.

Guerre de résistance

D’une ample chevelure frisée, auréolant un visage rond, presque, poupin, yeux noirs, cette petite femme exhalait sa force par sa corpulence autant que par ses traits. Ce qui ne surprenait personne.

Issue de la tribu indienne lenca, dont l’existence remonte à la période précolombienne et se partage aujourd’hui entre le Salvador et le Honduras ( quelques 100 000 personnes), ce peuple oppose une guerre de résistance de douze années à la conquête espagnole. C’est dire sa force d’exister.

Premier succès

Berta Caceres était dans l’œil du cyclone depuis longtemps, menacée par l’armée, la police et les paramilitaires. Car elle marque un premier succès dans sa lutte acharnée contre le projet de barrage et la construction d’une centrale électrique, Aqua Zarca.

Fait reculer deux investisseurs, les Chinois de Sinohydro et … la Banque mondiale, la société hondurienne DESA étant chargée de la construction du mégaprojet. C’en est trop. Même si de nouveaux fonds d’investissement prennent la relève, un finlandais (Finnfund) et un autre contrôlé par le gouvernement néerlandais.

Territoire sacré

Non seulement le projet s’inscrit dans le territoire sacré des lencas, mais le fait de détourner sur 3 kilomètres le fleuve Gualcarque menace de priver d’eau les petits paysans de la communauté de Rio Blanco.

Dirigeante du Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH), Caceres militait depuis 22 ans pour les droits à la terre et à l’éducation des membres de sa tribu, reçevait hommage et reconnaissance, voici un an seulement, avec le fameux prix Goldman de l’environnement.

Victime d’un contrat

Harcelée, elle est amenée à exiler 3 de ses 4 grandes filles à l’étranger. «  Elle ne recevait personne chez elle, changeait de taxi pour se déplacer, ne donnait des interviews que dans des maisons sûres, celles de « companeros de la lucha » compagnons de la lutte », raconte une amie américaine… Qui s’atttendait alors à ce que cela se passe dans sa propre maison ?

Le fait de bénéficier d’une incontestable reconnaissance nationale et internationale aurait du la mettre à l’abri du « contrat », dont elle a été victime. « Cela n’a pas été le cas, assure son neveu, bien au contraire ».

Di Caprio, le premier

Si dans les medias français son assassinat passe largement inaperçu, des personnalités, Leonardo di Caprio, premier parmi tous, l’écrivaine Noami Klein manifestent aussitôt leur solidarité.

Cependant que la vice-présidente du Parlement européen, Ulrike Lunacek réclame une commission internationale pour garantir la neutralité de l’enquête.

Failles dans l’enquête

Désireux de répondre à cette indignation, le président du Honduras, Orlando Hernandez, invite le Commissariat des Nations unies à participer à l’enquête sur l’élimination de la militante. Mais les nombreuses failles de l’investigation en cours font douter d’un résultat honnête, selon Amnesty.

Avec ses 8,5 millions d’habitants, le pays s’est engagé dans un vaste éventail de projets destinés à développer ses ressources, barrages, exploitations minières, vastes exploitations agricoles et gros contrats aux sociétés transfrontalières. Mais il ne veut aucun obstacle sur son chemin.

Cent neuf !

Près de 109 militants de l’environnement ont été éliminés entre 2010 et 2015, selon Global Witness, dont beaucoup issus de la communauté autochtone.

À cette liste noire s’ajoute celle de journalistes, défenseurs des droits humains, syndicalistes, militants politiques, membres d’associations homosexuelles L.G.B.T. La plupart des cas de ce « nettoyage par le vide » n’a jamais été investigué sérieusement.

« Rayo de luna »

Entre temps des dizaines de milliers de personnes accompagnent les funérailles de celle qu’on appelait « rayon de lune ». Parmi les pancartes déployées : « Un dia como hoy Selevanto y dijo No Impunidad Fuera corruptos » – « Un jour comme aujourd’hui [elle] se leva et dit Plus d’impunité, Dehors les corrompus ». L’optimisme est le dernier luxe du pauvre.

Mais deux semaines après Berta Caceres, un autre militant lenca est abattu par la police militaire, 4 balles tirées en plein visage, au cours d’une violente opération d’évacuation d’opposants sur le territoire de Rio Chiquito…

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