Haïti, le bambou pour renaître

Il est des pays dont on pourrait dire, qu’ils ne sont pas bénis des dieux, Haïti en l’occurrence. Pas encore délivré des terrifiants dégâts du séisme de janvier 2010, auxquels sont venus s’ajouter les frappes du cyclone Sandy l’an dernier.

La reconstruction avance lentement, les Ong, des centaines, se démènent comme elles peuvent,  mais dans un effort qui se disperse parfois en raison des complexités locales.  Réussissent les initiatives, parfaitement ciblées et limitées dans leur ampleur.

 Adapté aux catastrophes

Ainsi, les Haïtiens verront surgir cette année, à la périphérie nord de Port au Prince, une école originale, en bambou, inaugurant un type de construction plus adapté aux conditions locales, notamment à la fréquence des catastrophes naturelles.

A l’initiative de la Fondation GoodPlanet et dans l’esprit « écologique » qui la caractérise, le choix de ce matériau s’est imposé, ressource renouvelable, d’une grande longévité,  largement moins énergivore qu’une structure en béton.

On sait l’extraordinaire usage qu’on en fait sur tous les continents, sauf en Europe, notamment en Asie pour assurer à lui seul les échafaudages des futurs gratte-ciels.

Des artisans formés

Le chantier de plus sera confié à des artisans locaux, déjà en formation depuis une année et demi sous les directives d’un architecte colombien, afin de leur apprendre à travailler ce type de matériau. Dans un programme global de valorisation de la filière bambou, plante bien présente sur l’île.

L’école de plein pied accueillera 3 classes, soit 90 jeunes enfants, intégrée dans un grand ensemble scolaire, les bâtiments dotés à juste titre de qualité parasismiques et anticycloniques.

 Trois partenaires

Par la magie des rencontres, trois partenaires unissent leurs efforts dans ce projet : Good Planet, la fondation créée et présidée par le photographe Yann Arthus-Bertrand, qui s’est assuré le soutien financier de la mairie de Domont et de la Communauté de communes de l’Ouest de la Plaine de France, emmenée par son jeune et dynamique député-maire Jérôme Chartier.

Mais également l’ONG Défi, créée en 1989, particulièrement active dans les problèmes d’éducation dans les pays du tiers-monde, sélectionnée après de nombreuses enquêtes.

Un reconstruction trop lente

3 ans après la catastrophe – plus de 250 000 personnes tuées, 1 million et demi de déplacées, laissant un paysage apocalyptique de pierres et de ferraille, Haïti offre encore l’image du désastre subi. Peu d’édifices publics ont été reconstruits.

L’aide internationale plaçant son effort dans la reconstruction avance lentement, confrontée notamment à l’inexistence de cadastres, disparus pour beaucoup dans le séisme. On ne sait même plus à qui appartiennent les terrains, au demeurant 30% des fonctionnaires ont péri dans le tremblement de terre.

 Une population largement analphabète

Dans une population désœuvrée et appauvrie, s’abritant encore largement sous des tentes, dans l’insalubrité de camps et de bidonvilles, avec une épidémie de choléra durablement installée, 4000 établissements ont été détruits.

Les écoles restées debout disposent rarement de l’électricité et l’eau courante. 500 000 enfants ne sont pas scolarisés, 70% de la population est analphabète.

Un chantier prioritaire

Que l’éducation y soit un chantier prioritaire est une évidence, valable pour d’autres pays restés à la traîne de la croissance. L’Ong Défi en a fait son cheval de bataille. Dans 3 pays, Madagascar, le Bénin et le Togo, elle a entrepris en premier lieu de mener la formation d’instituteurs, soit sur place, soit en les faisant venir en France.

Mais en prônant un autre système éducatif. Sous le nom de « La main à la pâte », à l’instigation de Georges Charpak, membre de l’Académie des sciences et premier parrain de Défi, elle vise à permettre l’appropriation progressive de concepts et techniques scientifiques dès l’école maternelle et élémentaire.

Initier l’esprit critique

Ouvrant la voie à une sorte d’éducation à la citoyenneté, quand elle invite les enfants à « développer-former-informer », résumant son sigle « DE.F.I ». En d’autres termes, selon sa directrice Hanta Rakotondravo, écouter, s’exprimer, réagir pour initier l’esprit critique.

Le besoin d’aider à l’éducation s’affirme également dans les ambitions de Good Planet Solidaire, et de son initiative « Ecoles bioclimatiques ».

Des écoles en terre crue

Une première école a vu le jour, l’an dernier, à Tiriguioute, dans le Haut Atlas marocain, dans une zone rurale et aride. Construite en quelques mois, grâce aux techniques millénaires de la terre crue, elle accueille 165 enfants et, dans son enceinte, une maternelle pour 40 petits.

Encore aujourd’hui, un tiers de l’humanité vit dans un habitat en terre, soit plus de 2 milliards de personnes dans 150 pays. 3 autres projets sont prévus dans le Haut-Atlas.

Suivent une « Green School » au Costa Rica, sur la côte Pacifique, en bambou elle aussi,  enrichie d’un potager pédagogique et d’une mini-ferme.

Respecter l’environnement

Également une école en bois aux pays des Evenk, éleveurs de rennes en Sibérie, entièrement démontable, alimentée par le photovoltaïque, afin d’obéir à ces règles de vie séculaires visant à laisser le moins de traces possibles dans l’environnement, en dépit d’une transhumance permanente.

Les proches parents, partiellement rémunérés, seront appelés à partager leurs savoirs ancestraux, mais le cursus ne contournera pas l’acquisition d’une maîtrise de la technologie informatique.

Coût des 3 classes-bambou de l’école de la Croix des Bouquets, à Haïti : 62 000 €. Le député Jérôme Chartier aime à souligner que pas un habitant –ville et communauté mélées- n’aurait souhaité manifester son opposition quant au prélèvement réalisé à cette fin dans un reliquat de finances locales, sur le principe d’un euro « par tête ».

Premier coup de pioche dans la terre rouge haïtienne, en mars.