France : Pommes en progrès

L’agriculture intensive française n’a pas bonne réputation, pour être celle faisant le plus largement appel aux pesticides. Alors même qu’on sait les dégâts que ces traitements provoquent, d’abord sur ceux-là même qui travaillent aux champs, notamment dans les vignobles.

Or, partout dans nos campagnes, on apporte la preuve, que l’on peut cultiver autrement.

Le 24 juin dernier, à l’appel de la FNSEA, le monstre syndical agricole français, 250 agriculteurs mettent le feu à un tas de palettes et de paille sur la Place de la Concorde, à Paris.

Drôle de baroud

Voulant dénoncer un projet de loi qui, entre autres, interdirait les épandages de pesticides à moins 200 m des écoles, crèches et maisons de retraite ( la réglementation actuelle prévoit 50 mètres). Une mesure qui menacerait leur « potentiel concurrentiel »

L’opinion publique s’étonne à juste titre de ce dernier baroud de la FNSEA sur les « contraintes » infligées par un pouvoir socialiste. L’ONG Génération Futures n’a pas tardé à réagir, sa pétition pour dénoncer les épandages proches a recueilli 120 000 signatures en une semaine et a été remise à l’Assemblée nationale.

Autisme

Ces militants, sorte de bonnets verts, semblent ignorer, à dessein, une récente étude d’une université américaine , selon laquelle une femme enceinte qui vit près d’une exploitation est soumise à un risque plus élevé d’avoir un enfant autiste.

Aux Etats-Unis, l’autisme a connu un dramatique développement ces derniers décennies, touchant un enfant sur 68 en 2010 contre 1 sur 150 en 2000.

1 à 2 km

Partant de ce constat, les chercheurs de l’université de Davis (Californie)  ont établi la carte des lieux, où vivaient les personnes-témoins, sachant que la loi en Californie requiert des agriculteurs de préciser types de pesticides utilisés, où et quand.

Ils établissent qu’un tiers d’entre elles se trouvaient dans un rayon de 1 à 2 km des champs, où les épandages étaient utilisés.

Précisant aussi que les risques pour les mamans en attente d’un enfant, en contact avec les pesticides, s’accroissent au 2ème et 3ème trimestre de la grossesse.

Sénat pour mémoire

Si les militants agricoles peuvent considérer que leurs préoccupations s’arrêtent aux frontières de l’hexagone, ils semblent également avoir effacé de leur mémoire un rapport très circonscrit du Sénat de 2012.

Les 27 sénateurs de la mission dressent alors un bilan sans concession des impacts sur la santé pour ceux qui manipulent ou utilisent les produits dits phytosanitaires :

Viticulteurs et maraîchers

Dermatoses, problèmes respiratoires, troubles neurologiques et cognitifs, cancers ( affections qui commencent à être reconnues comme maladies professionnelles), ainsi que des soupçons pour la maladie de Parkinson et l’Alzeimer.

Les principales victimes se comptent chez le viticulteurs et les maraichers, les effets ne se manifestent souvent longtemps après l’exposition.

Triste record

4 ème consommateur au monde, la France bat des records dans l’utilisation des pesticides (un tiers de la consommation européenne).

Aussi le plan Ecophyto, lancé en 2008 , en prévoyait-il la réduction de 50% d’ici à 2018. Il a bien du mal à être suivi d’effet.

La pomme rajeunie

L’on sait que la pomme, fruit le plus consommé chez nous, est celui nécessitant le plus grand nombre de traitements, beaucoup plus que la pêche ou la prune.

Et qu’il est très vulnérable à la tavelure, ces lésions noires sur la peau. Aussi faut-il traiter en intensif, dès la moindre pluie, le champignon proliférant avec l’humidité.

Atomiseurs

Protégés des pieds à la tête, les arboriculteurs pulvérisent, au moyen d’atomiseurs, le remède approprié, généralement un fongicide, s’attirant parfois les remarques désobligeantes de riverains.

Aussi, les opérations vergers écoresponsables se multiplient-elles, initiées par l’Association nationale des pommes-poires (ANPP), 55% des surfaces de production.

Rejoints par la moitié des producteurs de pêches-nectarines, un tiers de ceux d’abricots.

Verger ouvert

À Chenu dans la Sarthe. Eric Martineau, 46 ans, sans enfants, dispose d’une ferme familiale de 21 ha, que ses arrières-arrières grands parents exploitaient déjà.

Vêtu d’un jean et polo rayé, avec sa barbiche et ses cheveux longs déjà blancs, il a plus l’air d’un intellectuel égaré dans la France profonde. C’est néanmoins un homme passionné par son métier, atouts et limites d’une production dite raisonnée, alternative au tout bio. Il tient d’ailleurs un blog : www.quantières.blospot.

La visite de son verger offre une surprise après l’autre. Le sol n’est pas désherbé, sauf au pied des arbres, les graminées poussant haut attirent les insectes butineurs, lesquelles vont coloniser les branches et se nourrir des mauvais. Façon de rogner sur l’usage des produits chimiques.

Bio d’import

L’arrosage sa fait par du goutte-à-goutte, économie d’eau, des nichoirs accueillent les mésanges, qui se font un régal quotidien de centaines d’insectes. Enfin la diffusion de phéromones empêchent la reproduction de papillons et donc de vers.

La cueillette se fait par une main d’œuvre locale. Les traitements incontournables cessent un mois avant. La production bio n’est pas à l’abri du phytosanitaire, mais nécessite des interventions manuelles très importantes, les récoltes proviennent essentiellement de petites stations familiales d’Italie ou de Pologne.

Responsabilité

 » Quand mes petits neveux viennent me voir, ils peuvent croquer une de mes pommes sans la laver au préalable. Je ne veux pas qu’ils m’accusent un jour d’avoir pollué la terre sur laquelle ils vont passer leur existence », déclare-t-il au Crapaud.

Son autre satisfaction, qu’à l’automne ses pommes (et celles de ses collègues) seront distinguées dans la grande distribution comme provenant de vergers « écoresponsables ».