Europe, ces jeunes à la dérive

Il n’a pas été beaucoup question des jeunes dans les récentes élections européennes. Sacrifiés dans le débat comme sacrifiés dans leur existence. Car jamais leur situation n’a atteint une telle cote d’alerte.

Si les politiques d’austérité ont permis de redresser en partie les finances publiques européennes, elles ont fortement accentué le chômage, notamment pour une large part dans la génération des 15-24 ans, soit 2o % de la population de l’Union.

Années trente ?

Pourtant bien éduquée dans beaucoup de cas, elle affronte, faute d’emploi, un présent et un avenir dénué de perspectives.

28% en Irlande, 37 au Portugal, 40 en Italie, 56 en Espagne, voire 57% en Grèce, des taux dramatiques de jeunes désœuvrés rappelant par comparaison la Grande Dépression aux Etats-Unis dans les années 30, comme le souligne une enquête du bulletin Convergence.

Défi

Le cabinet de conseil McKinsey a voulu cerner ce mal, que la chancelière Angela Merkel tient pour « le plus grand défi qui attend le vieux continent ».

Parmi les difficultés, qui se décuplent pour les nouveaux entrants sur un marché du travail, atone depuis des années, d’évidence crise et manque de croissance y sont pour quelque chose.

Inadéquation

Mais au-delà, trop fréquemment, l’inadéquation entre les formations des uns et les exigences des emplois proposés, observation faite particulièrement par les patrons de PME dans les pays du sud.

Employeurs, formateurs et jeunes évoluent dans des mondes parallèles, échangent insuffisamment et ne comprennent pas les attentes et besoins des autres.

Destins à pleurer

Exception faite de l’Allemagne, les formations professionnelles ne sont pas mises en valeur et peu subventionnées, alors qu’elles mènent plus facilement à des boulots stables.

S’ensuivent des destins individuels, à faire pleurer, récits de jeunes brisés, souvent désespérés. Ceux qui ont fait des études, multiplié les stages (non rémunérés), envoyé des dizaines de CV, décroché un entretien (rarement). Et finissent au mieux dans des petits boulots, précaires.

Bercail ou exil

Intervient la descente infernale : ni travail, ni logement, des amours impossibles, crise sociale, crise morale, fragilité psychologique, qui se reportent sur leur entourage familial, puis sur toute la société.

Les uns rentrent au bercail (syndrome Tanguy), les autres cherchent à partir. Le New York Times indique que l’Espagne a perdu 100 000 diplômés de l’université partis s’exiler et 70% de moins de 30 ans y songeraient.

Sans parler de ceux, de plus en plus nombreux, qui arrêtent l’école à 16 ans et se mettent à chercher du travail.

Espagne, Portugal, et Grèce paient le prix le plus élevé des diktats de Bruxelles.

Rejet

Le coût de cette jeunesse à la dérive s’estime à 153 milliards d’€. Ascenseur social bloqué, autour duquel se développe un phénomène de désillusion, désaffection, rejet. Plus envie d’accorder la moindre confiance à l’action politique ni aux instruments démocratiques.

Si l’on s’interroge les jeunes Français, un quart d’entre eux seulement croit en une vie meilleure que celle de leurs parents, un tiers déclare qu’ils ne connaîtront que la crise et pour la majorité, que l’avenir de leur pays n’a aucun caractère prometteur.

Europe abstraite

« Quand on est sans travail, sans logement et sans perspectives, l’idée d’appartenance à l’Europe (et sous-entendu de donner sa voix pour le renouvellement du Parlement européen) peut devenir très abstraite…

… Il y a alors chez les jeunes une perte de confiance dans leur capacité d’agir et une difficulté à se projeter en tant que citoyens dans la construction d’un avenir meilleur », relève Noé Petiot, 21 ans, chargé de mission au Parlement européen des jeunes.

Résistance

Des actes de résistance, sinon de solidarité cependant semblent se dessiner. Les 18-25 ans, selon une enquête récente, relayée par Le Monde, s’engagent plus volontiers dans un militantisme de terrain, leur altruisme est plus fort que celui du reste de la population.

Ils tentent de se regrouper, de se serrer les coudes, de faire front. Ainsi, en Espagne, un collectif Juventud sin futuro – jeunesse sans futur), réunion de collectifs universitaires, organise des manifestations, centralise des requêtes d’emplois, assiste des jeunes exploités.

Service civique

Plus institutionnellement, le Service continental européen (SVE) , Jeunesse en action, connaît un vrai succès, qui permet à des jeunes de partir sur le terrain et participer pendant 2 à 12 mois à des activités de volontariat (apprentissage non formel).

Nourris, logés, ils touchent un peu d’argent et bénéficient d’une protection sociale. Car il faut encourager la mobilité, l’adéquation et l’expérience des formations, l’apprentissage des langues étrangères.

Garantie ?

En ces temps où l’Europe se voit aussi défendue que contestée, voir vilipendée, les dirigeants européens paraissent enfin décidés à s’attaquer au chômage des jeunes. Avec l’adoption en 2013 de la « Garantie pour la jeunesse ».

Au terme de laquelle, tous les jeunes de moins de 25 ans, inscrits chômeurs ou non, se verront proposer une offre d’emploi, apprentissage, stage ou formation continue, dans les quatre mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte d’un emploi.

Morne campagne

17 pays, France comprise, ont présenté un programme de mise en œuvre à la commission, mais on va devoir patienter, devant la nécessité d’importantes réformes structurelles et la coordination de nombreux intervenants nationaux.

Il est paradoxal de constater que ce dispositif d’espoir (petit) n’ait trouvé aucun relais dans la morne campagne électorale d’avant le dimanche 25 mai.

 

lecrapaud.fr remercie Convergence ( bulletin du Secours populaire français) pour ces informations