Europe – Allemagne : l’euphorie verte

L’Europe se met au vert, comme en témoignent les élections au Parlement européen. En France notamment, avec la percée de Europe Écologie – les Verts, cornaqué par Yannick Jadot, encore plus en Allemagne, où les écologistes ( die Grünen)  s’affirment comme le 2ème parti allemand, derrière les Chrétiens-Démocrates affaiblis.

Indéniablement, ils le doivent à 2 jeunes dirigeants, Robert Habeck et Annalena Baerbock, nouvelles et surprenantes figures de la scène politique outre-Rhin qui ont su séduire l’électorat, de la gauche à la droite.

Le coup est parti aux élections locales de Bavière à l’automne dernier. Voici que les Verts locaux réalisent un 19,5 % dans un État que l’on sait ultraconservateur et voient accourir en masse des électeurs du parti social-démocrate (200 000) et presque autant des Chrétiens-Sociaux (170 000). Divine surprise.

Réveil

Il est vrai qu’avec le 4 ème mandat d’Angela Merkel, la grande coalition gouvernementale est plutôt en panne, tandis que le pays se réveille et s’ébroue. 240 000 personnes manifestent à Berlin pour les Droits de l’homme, des dizaines de milliers d’autres, près d’Aix la Chapelle, se battent contre la destruction d’une forêt primaire et contrecarrent l’extension d’une mine à charbon.

Février en Bavière, 1, 75 millions de personnes signent une pétition pour sauver des abeilles et en profitent pour réclamer, dans un référendum, que 20 % des terres arables respectent les normes biologiques, y ajoutant leur hostilité à l’explosion locale des loyers.  Généralement plutôt confis dans leur impressionnante aisance matérielle, 59 % des Bavarois applaudissent.

Défi

Les suites du « Dieselgate », l’apparition presque divinisée de la jeune Suédoise Greta Thunberg entrainant des cohortes de jeunes, partout en Europe, dans le combat pour le climat, de plus le souvenir d’un été exceptionnellement torride, les éléments étaient réunis. Jamais, depuis Fukushima, le sujet « environnement » n’a occupé une telle place dans le débat public.

« Le défi est grand, on n’échappe plus à devoir faire ce que les Verts disent depuis longtemps », souligne  à Libé  Jens Althoff, de la Fondation Heinrich Böll.

Bicéphale

Voguant sur la question prégnante du réchauffement climatique, « die Grünen » ont surtout joué une partie de maître en portant à leur tête, en janvier 2017, ce duo, Robert Habeck (50 ans) et Annalena Baerbock (39 ans), alors qu’aux dernières élections nationales, ils en étaient encore à redouter de ne pas franchir la barre fatidique des 5 %.

Le choix d’une direction mode bicéphale mixte n’a jamais prévalu dans les partis politiques. Avec cette paire-là, tous les observateurs constatent le naturel avec lequel ils sont constamment en symbiose, égaux en autorité et responsabilité, pour penser et s’exprimer sans la moindre anicroche.

Cavalcade

Papa de 4 garçons, Habeck, petit côté Brad Pitt, vit à Hambourg et signe avec sa femme, écrivaine, des livres pour enfants. Son « alter ego » si l’on peut dire, Baerbock, que l’on croirait sortie d’une joyeuse série télé américaine, vit à Postdam et retrouve un peu de calme auprès de son mari, directeur aux Postes et de ses 2 petites filles. L’un de formation philosophique, l’autre docteur en droit international

Car la campagne électorale européenne les a amenés, chacun de son côté, à engager, en 10 jours, près de 65 déplacements dans une quinzaine Länder ( États ). Une nécessaire cavalcade pour faire comprendre aux électeurs que le trop long épisode de la parfois chaotique bisbille des écolos allemands entre « fundis » ( fondamentalistes) et « realos » (réalistes) était bien révolu. Et encore plus celui des « Spontis » ( spontanéistes  ) cheveux longs et pattes d’eph.

Tolérance

Habeck et Baerbock sont issus de cette aile-là, pragmatique. En dehors de leur avenante personnalité, ils disposent déjà d’une bonne expérience de la conduite des affaires politiques. L’un est vice président du Land de Schleswig-Holstein, l’autre élue du Land de Brandebourg, aujourd’hui entrée au Bundestag.

On apprécie leur manière de conduire les débats, qu’ils rendent plus aérés, plus ouverts. Ils sont sortis de la phase historique, celle de l’opposition formelle à la politique établie. Pas d’anathème ni rejet, tolérance avant tout.

Rempart

« Aujourd’hui nous nous sentons plus forts pour dire oui à la société actuelle, déclare Habeck qui, en public, n’hésite pas à admettre qu’il s’est trompé ou qu’il ne sait pas. Et nous ne nous demandons pas ce qui nous vaut ce succès, tout juste nous savons pourquoi «.

On peut penser que l’essor des « Grünen » va secouer l’échiquier politique allemand et commencer par faire rempart à l’ »Afd » (Alternative pour l’Allemagne), le parti d’extrême droite, tout de même 90 députés au Bundestag en 2017  et 11%  des voix aux européennes.

Rêves

La tâche est urgente. Rapporté aux autres pays de la planète, l’Allemagne a l’une des plus mauvaises empreintes écologiques, en 23 ème place dans le rejet de Co2 par habitant. Pour vivre à la manière allemande, 3 autres planètes ne seraient pas inutiles.

La nature perd plus de 66 hectares, jour par jour, au profit de zones industrielles ou commerciales, infrastructures et réseaux routier, l‘équivalent de la disparition d’un Land comme la Sarre. Et 111 centrales à charbon turbinent encore.

Par ailleurs la croissance ramollit, la pauvreté s’infiltre…

Habeck ou Baerbock, futur.e Chancelier.ère d’Allemagne ? Les enthousiastes forcenés ou les doux rêveurs y songent déjà. Mais lequel des deux ?