Et maintenant

Le cœur a parlé. Jamais, une cause n’avait réuni autant de monde, ce dimanche 11 janvier 2015. À Paris, en province, dans les grandes capitales d’Europe et du monde. Un jour mémorable, salué avec émotion par tous les participants.

Les foules à peine dispersées, surgit cette question lancinante : Et maintenant ?

Jusque dans les années 50, dans notre société, comme dans d’autres, on savait d’où on venait, on savait où on allait. Après le traumatisme de la 2ème guerre mondiale, le monde semblait retrouver un semblant d’ordre normal.

Symboles

Le prix de la baguette, le timbre postal, l’essence, restaient les fort symboles de notre vie quotidienne.

On écoutait une seule radio, on faisait 2 repas par jour, en famille, on allait au cinéma de quartier, l’été on partait camper pas loin, les enfants trouvaient du travail, les pères gardaient le même boulot et les vieux ne finissaient pas en maison de retraite.

Puis avec le progrès technologique, notamment informatique, tout s’est accéléré. Nous vivons aujourd’hui une ère de mutation, tellement rapide, profonde, incertaine, qu’elle bouleverse et désoriente profondément nos sociétés.

“On marche sur la tête” c’est bien l’expression de l’époque. Et l’on s’interroge.

Comment

Comment accepter plus de 3,5 millions de chômeurs chez nous, de plus en plus de familles en dessous du seuil de pauvreté – dont beaucoup de femmes seules avec enfants, certaines n’ayant plus de quoi se chauffer et 150 000 sans-abri (selon le Secours catholique)?

Comment accepter, qu’en entrant dans la vie active bien souvent vers l’âge de 25/26 ans, on en soit brutalement éjecté à 50, avec pour perspective de vivre 30 ou 40 autres années à compter au printemps les pâquerettes dans les sous-bois ?

Comment accepter, ces zones rurales qui perdent peu à peu leur tissu social, plus de boulangerie, ni de bureau de poste, ni de médecin et cette cascade de suicides par désespoir, qui se multiplient chez les agriculteurs, comme dans d’autres activités, soumises au stress des dettes ou du rendement ?

Comment accepter ces centaines de milliers d’immigrants désespérés, qui, du Proche Orient, d’Afrique, abordent, quand ils ont été chanceux, aux rivages italiens ?

Comment accepter enfin devant la complexité des problèmes à affronter, que nos hommes politiques se révèlent incapables d’union sacrée et se complaisent en luttes intestines et ambitions de pouvoir ?

Je pourrais multiplier les trop nombreuses raisons que nous avons de nous interroger sur la vie que nous menons actuellement, ou plutôt sur la vie dans laquelle nous sommes embarqués. Et plaçons bien l’adjectif, la vie folle et non la folle vie.

Réveil

Aux premières loges de l’assaut contre les tueurs de Charlie hebdo, un habitant de Dammartin sur Goëlle rappelle aux journalistes cette phrase de Lamartine, si appropriée pour les événements que nous venons de connaître : « Ne me réveille pas, quand je dors ».

Nous avons dormi, nous sommes réveillés. Espérons-le.

L’exaltation du « Je suis Charlie » retombée, le temps est suspendu.

Les valeurs d’altruisme, de fraternité, de solidarité, qui se dégageaient avec une telle puissance des manifestants, de leurs paroles et leurs slogans, suffiront-elles à contenir les forces néfastes, diaboliques qui mènent au terrorisme ?

Les institutions qui nous encadrent, des hommes politiques, enseignants et hommes d’église, sauront-ils recoller les fractures quotidiennes de nos sociétés et condamner l’amalgame ?

Dans le maelstrom de nos existences fragmentées, aurons-nous la force d’âme, notre peur une fois vaincue et notre sécurité assurée autant que possible, de défendre, voire physiquement, les valeurs qui ont grandi l’humanité, et la démocratie ?

Bien des combats à venir. Pour nous, s’il en est un, au moins à portée de chacun de nous, dès l’instant où il le décide, c’est celui de l’écologie.

L’écologie, telle que nous la comprenons, est humaniste, solidaire, fraternelle. Elle est à l’écoute de tout et de tous, elle ne condamne pas, ne rejette pas, elle participe à décrypter et à comprendre, elle entend partager, aider, encourager.

Elle invite enfin à prendre son propre sort en mains. Soyons écologistes et le monde déjà, pour partie, sera meilleur.

 

Robert Fiess

Fondateur du blog « lecrapaud.fr » avec Jérôme Liniger et Nicolas Jacquette