Espace vert, espace santé

En ces temps d’exil estival, à celui condamné à rester en ville, quelle qu’en soit la raison, il suffit de peu pour se ressourcer.

Une promenade en forêt fera l’affaire, tant il est vrai que les espaces verts, à plus forte raison lorsqu’on vit à leur proximité, ont des effets significatifs sur notre santé. Incidemment sur notre environnement.

Les études foisonnent sur le sujet, celle frappante, la première, de l’Américain Robert Ulrich de 1984. Voici que l’on étudie deux groupes de 46 patients hospitalisés à la suite d’une intervention chirurgicale, une ablation de la vésicule biliaire.

Bien que reposant dans des chambres doubles similaires, avec une fenêtre de même dimension, certains disposent d’une vue sur le mur d’un bâtiment, d’autres sur les arbres de la forêt.

Lapalissade

Or, l’on constate que les derniers, vue bois, ont moins souffert de complications post-intervention, ont nécessité moins d’analgésiques puissants, sont sortis plus tôt, tandis que le personnel infirmier notait à leur égard moins d’observations négatives.

Cela semble une lapalissade, la présence d’espaces verts se voit de plus en plus associée à des effets significativement positifs sur la santé physique et mentale de la population. Particulièrement pour celles les plus désavantagées.

Humeurs

Une équipe de chercheurs de l’Ecole de médecine d’Exeter (Royaume Uni) a voulu aller plus loin dans cette observation. Utilisant les principales données de vie de 1000 participants, les chercheurs ont étudié, durant 5 ans, les variations de leurs humeurs, de leur psychisme en quelque sorte.

Imposant aux uns de vivre dans une zone d’habitations dépourvue de verdure, avant de déménager, pour les 3 dernières années, vers un milieu urbain vert.

Les autres se voyant soumis à la démarche adverse, bénéficiant dans les 2 premières années d’un quartier vert et aéré pour déménager vers une zone urbanisée, sans verdure.

Pour les premiers, le passage de la zone très construite vers la zone verte a amélioré immédiatement leur bien-être, se prolongeant durant toute la durée de l’étude.

Changement

Pour les seconds, rien que la perspective de quitter leur quartier vert pour un milieu bétonné les faisait déprimer à la seule pensée du changement.

On sait ce que les arbres apportent à l’humanité, en phase d’urbanisation continue et massive. Ils réduisent les polluants, comme la poussière, l’ozone, les métaux lourds. Un arbre mature fournit l’oxygène à 4 personnes.

L’on vient même de démontrer qu’étreindre un arbre peut avoir une incidence sur les maladies mentales, le niveau de concentration, le temps de réaction, les maux de tête

Troubles

Les espaces verts dans les cités prolongent leur action en absorbant le bruit, la pollution de l’air, l’effet d’îlots de chaleur urbaine.

Selon une étude du Centre médical d’Amsterdam, basée sur l’analyse des dossiers médicaux de 350 000 personnes, enregistrées auprès de leur médecin généraliste, leur impact le plus important concerne les troubles anxieux et la dépression.

Solitude

La prévalence de ces troubles est plus forte chez les personnes résidant avec moins de 10 % d’espaces verts dans un rayon de 1 km que chez d’autres dans un quartier très verdoyant ( à 90%).

De plus, les espaces verts réduisent la solitude et le sentiment d’isolement social, voire un moindre taux de mortalité.

Survie

Au Japon, selon une étude prospective, les personnes âgées, habitant Tokyo, fortement densifiée, ont un taux de survie de 5 ans supérieur si elles vivent dans un secteur proche d‘espaces verts, propices notamment à des activités de plein air.

Bien sûr, profiter du voisinage d’un espace vert ne peut suffire au bien-être physique et moral de chacun. Emploi, salaire, éducation, entourage familial et social, l‘affectent tout autant, le cas échéant. Les études en tiennent compte.

Densité

Mais à l’heure de la transition énergétique, comment continuer, interrogent les scientifiques, à concevoir des politiques territoriales dites de développement durable sans mettre au cœur de celles-ci l’homme et son lien avec la Nature?

Les effets environnementaux, économiques, sociologiques et culturels sont avérés.

Plusieurs villes, Zurich, Jinan ( Chine) Shieffield (GB), Copenhague, ont déjà fait de la densité des espaces naturels un enjeu majeur de leur politique de santé publique.

Mégalopoles

Un jour à venir, les 9 milliards d’être humains, selon les prévisions démographiques, n’auront plus d’autre ressource que de s’agglutiner dans de monstrueuses mégalopoles, se nourrissant d’aliments et de paradis artificiels. On en prend le chemin.

Il se trouvera alors quelques conteurs pour rappeler ce temps, quand on avait plaisir à vivre proche de la place du village, ceinte de larges platanes, piquée de parterres de fleurs, à papoter, partager une boisson fraiche et finir la soirée par une partie de pétanque.

Bucolique

Virgile, le grand poète latin, probablement l’un des premiers naturalistes, le disait déjà à sa manière dans un poème des Bucoliques (dans sa traduction française) :

Toi Tityre, étendu sous le couvert d’un large hêtre

Tu essaies un air silvestre sur un mince pipeau

Nous autres, nous quittons nos chères campagnes

Loin du pays nous sommes exilés ;

Toi, Tityre, nonchalant sous l’ombrage

Tu apprends aux bois à redire le nom de la belle Amaryllis.

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Pour les nostalgiques des versions latines :

Tityre, tu patulae recubans sous tegmine fagi

silvestrem tenui musam meditaris avena;

nos patriae finis et dulcia linquimus arva;

nos patriam fugimus; tu, Tityre, lentus in umbra,

formosam resonare doces Amaryllida silvas