Crimes de guerre, crimes écologiques

Jour après jour, nous sommes confrontés aux récits d’horreur provenant de la guerre en Syrie et Irak. Bombardements, attentats, exécutions, migrations, victimes civiles. Mais l’on s’interroge déjà sur les impacts de ce conflit sur le plan environnemental. Les dommages sont et seront gravissimes et pour certains irréversibles.

Évoquer cet aspect, c’est se remémorer aussitôt les bombes atomiques lâchées sur le Japon, fin de la dernière guerre mondiale. Également les essais nucléaires en Algérie et dans le Pacifique, dont on s’est bien gardé jusqu’à aujourd’hui d’évaluer les conséquences écologiques.

Agent orange

Se souvenir aussi de l’usage massif par les Américains au Vietnam du défoliant agent orange, qui détruit alors 14 % des forêts de la partie méridionale et entraine par ailleurs malformations, maladies de peau et cancers sur 2 à 5 millions de personnes.

Considérée comme la plus grande guerre chimique expérimentale de tous les temps, les États-Unis se sont engagés en 2012, après un déni de 40 ans, à dépolluer l’ancienne base de Danang, un des 3 sites les plus contaminés du pays.

Arsenic, mercure, etc.

Même dans l’est et le nord de la France, les « résidus » militaires de la 1ère guerre mondiale ont rendu certains champs à jamais incultivables.

500 à 800 tonnes de munitions anciennes sont déterrées chaque année, car les obus se dégradent et diffusent dans le sol arsenic, mercure et sels de perchlorates, tous toxiques.

L’association « Robin des bois » s’en émeut, elle demande à l’Union européenne de lancer un ambitieux programme de déminage dans les régions les plus touchées.

Poussière d’uranium

Plus proche de nous dans le temps, la guerre du Golfe en 1991 s’est illustrée comme extrêmement dévastatrice déjà par l’utilisation de certains types d’armement, notamment à l’uranium appauvri.

Son appellation « appauvri » trompe le monde. Au moment de l’impact, l’arme en brûlant dissémine des poussières d’uranium dans l’air, qui retombent et polluent les sols comme les eaux souterraines.

Inhalées par les populations, elles provoquent irritations de la peau, des poumons, attaquent les reins. Du reste, on constate que des pathologies tels que les « leucémies infantiles » ont augmenté de façon plus élevée que normales dans les zones de Basorah et de Ramadi.

Poursuivis en justice

En 2010, le Parlement européen comme les Nations unies ont voté une résolution pour obliger les États y ayant eu recours de fournir des informations sur les lieux d’utilisation et de contribuer à la décontamination.

Reconnue comme une arme capable d’empoisonner sans discrimination, des gouvernements pourraient s’attendre à être poursuivis en justice.

Syndrome du Golfe

Parallèlement, des militaires américains, français, britanniques comme des civils ont été atteints de ce qu‘on a appelé le » Syndrome du golfe », fatigue chronique, troubles de l’humeur, de la mémoire, douleurs musculaires et articulaires chroniques.

L’uranium appauvri n’est pas seul en cause mais aussi, dans les camps, l’ingestion de médicaments destinés à protéger les soldats contre les attaques chimiques.

La peau du désert

Sur le plan strictement écologique, l’intensité des bombardements de la coalition a pour conséquence de briser la croûte terrestre solide, surnommée la peau du désert .

L’offensive, en libérant le sable, crée des dunes roulantes sur plusieurs kilomètres, recouvrant routes et infrastructures et multipliant les tempêtes.

Hiver nucléaire

Saddam Hussein se sert très ouvertement du facteur environnemental, lorsqu’il décide la mise à feu de 732 puits de pétrole, lesquels dégagent une épaisse fumée noire pour rendre l’espace aérien opaque et compliquer les raids de la Coalition.

4,9 millions de barils se déversent dans le Golfe persique (avril 2010) et 500 autres millions brûlent en 250 jours. Il s’ensuit une situation d’hiver nucléaire, une baisse de la température de10 à 15 degrés et une nuit quasi permanente sur le Koweit.

1 million de mines

Mais au sol, les déchets se comptent encore par millions, chars calcinés, munitions non explosées ou abandonnées         (1 million de mines disséminées sur la frontière avec le Koweit), sous-munitions, obus, cartouches. Il en résulte des zones de vie inhabitables, une insécurité permanente, un non-retour aux activités économiques.

Quel sera le bilan de l’actuelle guerre en Syrie-Irak, on le mesurera certes un jour, mais quand ?

La notion d’ » écocide »

On doit à l’ Américain Barry Weisberg (1970). le terme d’ »écocide » qui définit la destruction massive d’un écosystème sur un territoire déterminé par suite de l’action de l’homme. Ce crime n’est pas encore reconnu comme juridiquement punissable.

Certes, les Nations unies n’ont pas tardé à se préoccuper des crimes écologiques dus aux guerres.

Pluies artificielles

Suite à l’épisode de l’armée US provoquant des pluies artificielles pour rendre la piste Ho Chi Minh impraticable (1967/68), une Convention interdit dès 1978 toute action militaire avec pour effet des changements météorologiques ou climatologiques, comme l’explique au crapaud Jean-Marie Collin.

En 1977, le Protocole de Genève interdit à son tour méthodes ou moyens portant atteinte à la stabilité de l’écosystème. Mais, ces textes, parfois trop vagues ou imprécis, trouvent leur limite, entre autres, dans l’absence d’institutions capables de les appliquer.

La folie de la société des hommes, elle, n’a pas de limite.

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« lecrapaud » remercie Jean-Marie Collin, consultant sr les problématiques de défense (https://alternatives-economiques.fr/blogs/collin ), pour ses informations précieuses ainsi que « notre-planète-info »