COP Climat, une drôle de dramaturgie

Ce mois de décembre, à Paris, la Cop 21 devra dégager objectifs et moyens d’une vraie maîtrise sur le changement climatique. Mais qu’est ce qu’une COP, comment fonctionne-t-elle ? Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, nous en livre une description franche dans un livre récent, lui qui en a vécu beaucoup.

«  Une COP (« Conférence Of the Parties ») c’est un monde à part. Un huis clos de deux semaines, dont personne ne sort totalement indemne…

 Coin de table

… Les délégués enchaînent les réunions de négociations, nouent des alliances, souvent de circonstance, tentent de faire adopter leurs points de vue. Le moindre coin de table pour rédiger des notes, échanger des cartes de visites, établir les stratégies à mettre en œuvre…

Mais une « fabrique de lenteur », selon deux universitaires. Pour preuve il aura fallu 17 ans pour se mettre d’accord sur le chiffre de 2 degrés, l’augmentation limite souhaitable de la température du globe…

Le statu quo

Rompus aux exercices textuels de forme, les négociateurs (souvent juristes ou diplomates) enrichissent les textes à outrance pour empêcher qu’on s’attarde sur les points problématiques pour leur gouvernement…

Leur principale mission est de verrouiller le processus avant l’arrivée des politiques, ministres, chefs d’état ou de gouvernement… Pour eux, mieux vaut un statu quo, si mauvais soit-il, plutôt qu’une avancée majeure…

Dramaturgie rodée

En deuxième semaine, l’on passe au règlement de trois grands problèmes, la forme juridique de l’accord, donc le niveau de contrainte imposé aux États, la marge de manoeuvre qui leur est laissée et qui devra payer tout ça.

Une COP, c’est une dramaturgie bien rodée, une installation lente et tranquille, mais deux jours avant la clôture, une tension qui monte, le moment où l’on joue à se faire peur. « Accord, pas accord ?…

 Gueule de bois

Les dernières heures sont les plus folles. Les participants se jettent littéralement sur les copies de la énième version de l’accord, les dévorent en quelques secondes pour débusquer le mot, la phrase ou la virgule nouvelle…

Puis le président annonce qu’un accord a été trouvé. Les milliers de participants peuvent dormir quelques heures. La gueule de bois, c’est pour le lendemain lorsque les analyses plus approfondies tombent dans les boîtes mail…

Égalité et consensus

Les COP n’ont jamais répondu à l’ampleur du phénomène. Les textes n’ont produit aucun résultat concret, aucune famine, aucune inondation, aucun conflit lié au climat n’a été évité grâce aux mécanismes onusiens…

Trois grands principes régentent ces négociations. L’égalité qui stipule que chaque État dispose d’une voix, quelle que soient sa taille et sa population. Le consensus qui doit être obtenu pour chaque décision prise.

Partager le fardeau

Et la responsabilité commune mais différenciée, selon laquelle tous les États n’ont pas eu le même impact sur le réchauffement climatique et ne doivent pas partager le fardeau équitablement…

« C’est comme si 196 auteurs tentaient d’écrire un livre ensemble », expliquait le chef de la délégation des Maldives.

Temps court, temps lointain

Pis, lorsqu’une décision est prise, il n’existe aucun mécanisme pour sanctionner ceux qui refusent de l’appliquer, ainsi lorsque le Canada sort unilatéralement du Protocole de Kyoto et viole ses engagements.

À ces enjeux d’abord politiques s’ajoute la difficile cohabitation de deux temporalités. Celle du climat s’étire sur plusieurs générations. Les objectifs à atteindre visent 2050, voire la fin de siècle. Ils n’auront aucun effet durable avant plusieurs années.

À la moitié du siècle

En face règne le temps politique scandé par le rythme des élections, du renouvellement des mandats… D’un côté des priorités à court terme, de l’autre des défis planétaires lointains…

La conférence de Paris 2015 n’échappera pas à ces difficultés, elle revêt de grands enjeux, où veut-on aller à l’horizon de la moitié du siècle ?

Certains la croient déjà compromise. Si l’on prend en compte la tendance actuelle des pays émergents, le monde continuera à émettre 55 milliards de tonnes de CO2 par an, quand la science climatique impose de descendre à 35 selon (London School of Economics)…

Un monde nouveau

Cependant, en marge des COP qui se succèdent à leur façon, le monde bouge, autrement.

Une courte majorité de la population mondiale considère le changement climatique comme la plus grande menace qui pèse sur nos têtes, plus inquiétante que la crise financière ou l’extrémisme religieux…

Un autre peuple

Des hommes, des femmes sont las d’attendre. Partout ils se mobilisent pour agir, protéger leur environnement, inventer un monde sans carbone.

Leurs initiatives sont multiples et font chaud au coeur, comme le raconte Jean-François Julliard dans son ouvrage. Un peuple d’écocitoyens debout , en marche, inventif, qu’il a très joliment nommé « Les veilleurs du ciel ».

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Les citations ci-dessus sont extraites telles quelles de l’ouvrage de Jean-François Julliard, « Les veilleurs du ciel », paru aux Éditions Don Quichotte (Les surtitres sont de la rédaction)