Climat, la justice pour avenir

Il en a été beaucoup question à la Cop 21. Face au réchauffement climatique, voici que les gouvernements se voient directement poursuivis en justice. Et condamnés. Avec un premier coup d’éclat, aux Pays-Bas. Et ce n’est qu’un début.

Au Palais de justice, les avocats se tombent dans les bras et les militants sont radieux. Ils représentent les 900 citoyens néerlandais qui ont réussi à faire condamner leur gouvernement, sommé de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Soit réaliser une baisse des émissions de 25% d’ici à 2020, par rapport au niveau de 1990, la décision étant contraignante, selon l’ordonnance des juges. Une « victoire historique ».

Protéger les citoyens

« L’État est obligé par la loi de protéger ses citoyens, or, si la politique n’est pas capable de changer l’état des choses, c’est aux juges de décider », ont argumenté les plaignants de l’Ong Urgenda, emmenée par une jolie et grande femme aux yeux verts, Marjan Minnesma, après une dure bataille juridique.

L’Ong a d’autant plus raison de se réjouir, les Pays-Bas, s’affichent comme les moins avancés en Europe pour le recours aux énergies renouvelables.

Et que le verdict incitera d’autres actions de même nature, car elle a veillé à traduire toute la documentation légale pour la mettre à disposition. En Belgique ou en Norvège, on fourbit déjà les armes pour des plaintes analogues.

Révolution par le droit

Le vent ( le bon ) se lève aussi aux Philippines, cet archipel dont un certain nombre d’habitants ont du fuir leur région en raison de la montée des eaux.

Suite à plusieurs plaintes, la Commission locale des droits humains (CHR) veut enquêter sur les « carbon majors » en activité dans le pays, qu’elle accuse d’avoir violé les droits humains par leurs émissions de CO2 et de méthane  responsables d’ impacts dévastateurs du dérèglement climatique.

Bouleversements

Pas moins d’une cinquantaine de multinationales sont dans le collimateur, en tête les compagnies pétrolières.

Selon Greenpeace, cette démarche du CHR philippin annonce de grands bouleversements. L’approche juridique permettra de tracer des lignes rouges dans les pratiques des entreprises, en attendant que les tribunaux reconnaissent la notion de crime climatique.

Charbon australien

Les écologistes australiens de leur côté continuent à ferrailler contre le groupe indien Adani. En introduisant un nouveau recours en justice à propos du projet Carmichael. On en sait l’ampleur, une mine à ciel ouvert pour extraire 60 millions de tonnes de charbon thermique.

Transportées vers la mer par les 189 km d’un nouveau chemin de fer, avec pour terminus l’extension d’un port, Abbott, lequel menacera à terme la Grand Barrière de corail, objet de bien des soucis déjà.

Reptiles vulnérables

Or, deux espèces de reptiles vulnérables et protégés vivent tranquillement sur le parcours, dont les écologistes s’étaient servi pour bloquer une première fois le projet. Fâché, le gouvernement a donné un nouveau feu vert…

Gageons que les associations ne lâcheront pas la partie, déterminés à « éprouver » le Ministre de l’Environnement sur ses responsabilités et obligations environnementales. Déjà que l’Australie est loin d’avoir un bon bilan carbone…

Que les tribunaux aient été appelés à punir de grosses sociétés, à l’origine de formidables dégâts environnementaux, n’est pas nouveau.

Marées noires

On rappellera pour mémoire trois poursuites des plus emblématiques. L’échouement du pétrolier Exxon Valdez sur les côtes de l’Alaska en 1989, qui a coûté à Exxon Mobil plus de 3,4 milliards de $ en opérations de nettoyage et dédommagements.

Supplantée par la catastrophe de la plateforme Deepwater Horizon, dans le Golfe du Mexique, avec une facture au bout de compte de 42,5 milliards de $ pour British Petroleum, la plus chère de l’histoire.

Arguties juridiques

Ou celle plus lointaine du pétrolier américain, pavillon du Liberia, Amoco Cadiz en 1978, échoué proche de la côte, face au village devenu célèbre malgré lui de Portsall (Finistère).

Après d’innombrables et épuisantes arguties, la Cour de justice américaine donne enfin raison aux communes françaises touchées.

Et leur accorde une compensation financière de 1 257 millions de francs ( 192 millions d’€ ). 14 ans après !

Ajoutons par ailleurs qu’Exxon Mobil a quelques soucis aujourd’hui avec le Procureur de New York pour avoir financé de nombreuses recherches et ribambelles de lobbyistes climato-sceptiques, missionnés pour influencer, avec succès du reste, le Sénat américain.

Monsanto encore

Les avocats du géant Monsanto peuvent s’attendre eux aussi à fouler les pas perdus des salles de justice, face aux procédures, à New York et Los Angeles, intentées par des ouvriers agricoles, souffrant de cancers des os ou de leucémies suite à l’usage de l’herbicide Roundup.

Un céréalier charentais, qui vit un véritable calvaire, suite à l’usage du Lasso, herbicide aujourd’hui interdit, a déjà obtenu la condamnation de la multinationale. « Une première mondiale », selon Marie-Monique Robin, auteur d’un film remarquable sur le sujet.

Un vrai tribunal

Créée à La Haye, une Fondation Tribunal Monsanto entend désormais « juger les crimes imputés à la multinationale », dont le siège est à Crève-Cœur (sic) (Missouri). Ce sera un « vrai tribunal avec de vrais juges, des avocats en robe, de vrais chefs d’inculpation établis avec les vrais outils du droit international ».

Également une « première ». Monsanto aura tout loisir d’y présenter sa défense.