Allemagne, encalminée dans le charbon

La transition énergétique n’est pas de tout repos. Même en Allemagne, où l’on croyait les dés jetés par Angela Merkel. Le pari était osé, comme seule une femme chancelière – la première outre-Rhin, pouvait le faire. Haro sur le nucléaire, vive l’énergie verte.

En d’autres termes, extinction de toutes les centrales nucléaires d’ici à 2022 (8 encore en fonction), et 80% d’énergies non fossiles à l’horizon 2050.

Si nos voisins disposent déjà d’une formidable capacité photovoltaïque, selon météo et heure appropriées, ce n’est évidemment pas cette électricité-là, qui fait tourner l’industrie allemande encore très compétitive.

Vieilles amours

Retour donc aux vieilles amours, le charbon. Avec un bassin d’emploi de 50 000 personnes, la filière « charbon » , à vrai dire, n’a jamais baissé les bras.

Elle assure encore 46% de la production nationale. Il est même question de la développer, ce qui évidemment rend caduque l’objectif allemand de réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixé pour 2020 à moins 40 % par rapport à 1990.

En fermer 21

Si bien qu’à Berlin, on discute sec sur la place des centrales à charbon, dans la phase de transition actuelle. Schéma classique entre ministères : Écologie contre Économie. Réduction du CO2 contre maintien de la sécurité de l’approvisionnement.

Les Verts, n’ayant plus besoin d’acérer leurs crocs sur le nucléaire, les portent sur le charbon. Un institut de recherche économique, le DIW, qui leur est proche, préconise un scénario vers la fermeture de 21 des 46 centrales à charbon, notamment celles marchant à la lignite, les plus pollueuses.

Surcapacité verte

Mais les défenseurs du fossile, notamment dans la Ruhr (gisement de houille) sont loin de croire la cause perdue : «  Pour des décennies encore, on brûlera du charbon dans les centrales de Rhénanie du Nord- Westpahlie », assure la patronne du Land, une autre femme.

L’échiquier se complique cependant, et distend les choix, dans la mesure, où depuis 2 ans déjà au moins, le pays se trouve en surcapacité de production, avec la montée en puissance (et en pourcentages), comme le signale l’hebdomadaire  der Spiegel, des renouvelables, éolien et photovoltaïque.

Trop tard

D’autant que leur coût de production marginal est plus en plus faible. Offrant précisément le bon moment, selon certains, pour arrêter les centrales à problème.

S’il en est à qui le débat donne des maux de tête, ce sont bien les grands producteurs allemands, qui, de l’avis des observateurs, se sont réveillés trop tard.

Volte-face d’Angela

On oublie généralement qu’il revient à l’ex- chancelier Gerhard Schroeder le mérite d’avoir lancé les prémices d’une transition énergétique en Allemagne. 14 ans après, ces grands électriciens ont vu passer, apparemment sans s’affoler, Fukushima suivi de la volte-face nucléaire de Mme Merkel.

Et surtout le constat que l’Allemagne nage désormais dans un courant vert pas cher et n’a jamais autant exporté, ce qui bouleverse totalement la donne.

Insuffisant

Certes, ils ont procédé à une réduction drastique des effectifs de 80 000 personnes, à l’augmentation de la productivité et des dividendes pour un développement étranger… Insuffisant.

Confronté à une baisse de 46 % de ses bénéfices, E.ON, l’un des quatre, annonce une mesure-choc, celles de scinder les activités en 2 pôles, l’un se concentrant sur les énergies renouvelables, les réseaux et les solutions clients, « pôle dans le vent ».

L’autre, le « bad » pôle, intégrant les activités liées aux fossiles, pétrole, gaz, charbon et nucléaire. Également chargé du coût fortement onéreux du démantèlement du parc nucléaire.

Vers l’indépendance

Mais, à terme, la messe ne sera pas dite pour autant. Évolution souhaitée par les Verts notamment, on verra se développer de plus en plus des mix de production d’électricité au niveau local, commune par commune.

Munich envisage de se rendre totalement indépendante des productions « extérieures ». De petites villes de 15 000 habitants seront libérées de l’approvisionnement par les grands électriciens vers 2025.

L’important, stocker

Se suffisant à elles-même par la production « verte » des particuliers, industriels ou investisseurs sur place. Perspective de plus en plus plausible.

Car on voit se développer des systèmes de stockage de l’électricité au moyen d’accumulateurs au lithium, qui permet d’adapter les différentes sources de production à la demande. Que faire du riche solaire de midi quand vient la tombée du jour ?

Arme suprême

Nouvelles, ces installations de stockage vont se multiplier dans la décennie en cours. Ainsi emmagasiné, le coût du KWH pourrait être inférieur, déjà, à celui du seul transport par les grands réseaux.

Ce pourrait être l’arme suprême pour tuer les producteurs nationaux traditionnels.

———————

l’oeilducapaud

En cette période de fêtes, où se multiplient les appels à aide pour les laissés pour compte de nos sociétés, on peut voir de larges frigos ouverts, en libre service, dans les rues de Berlin.

À l’initiative de l’association « Lebensmittelretten » (sauver les aliments), 1700 bénévoles s’occupent de stocker dans ces réfrigérateurs les denrées invendables, mais encore consommables, qu’ils récupèrent dans les grandes surfaces.

Les démunis peuvent donc s’y ravitailler librement 7j/7 et 24h/24.

L’initiative connaît un tel succès que les habitants se sont mis à approvisionner les armoires de leur côté, rejoints par les supermarchés et les restaurants.

Histoire d’œuvrer collectivement contre la faim et, incidemment, le gaspillage.