Afrique, une jeunesse 2.0

Parmi les nombreux problèmes, avec lesquels l’Afrique doit se colleter, celui des déchets est majeur, d’ordre environnemental, autant que politique et économique. 174 millions de tonnes pour les 58 pays subsahariens, à multiplier probablement par 3 depuis 2016.

 

Réalité et priorité que la jeunesse africaine, la plus sensibilisée, semble-t-il, entend prendre en compte. Afin de donner une 2ème vie à ces rejets multiformes de nos sociétés modernes.

Ne seront pas nombreuses avant un certain temps les villes propres sur ces terres africaines de toutes les promesses. Trop d’obstacles dans les décisions politiques, gestions des budgets,  ressources humaines, moyens techniques, corruptions diverses, éducation et communication (l’Afrique n’est pas seule dans le lot).

Aussi l’on peut apprécier des initiatives telles que celle prise par la start up Coliba au Ghana, prolongée en Côte d’Ivoire. lecrapaud a eu la chance de rencontrer à Paris un de ses créateurs, Prince Kwamé Agbata, formé aux université d’Oslo et d’Accra (environnement et technologie).

Obstruction de déchets

En juin 2015, suite à des pluies torrentielles, une monstrueuse inondation n’arrive pas à s’écouler vers le système local de captage, obstrué par des monceaux de déchets plastiques. Emportées par les eaux, 200 personnes y trouvent la mort, dont son meilleur ami Mike (lui en réchappe).  » Si les autorités locales avaient fait leur boulot, la catastrophe aurait pu être évitée.

Plus que meurtri, mais aussi de ce fait motivé par la mort de son ami, Prince cherche des réponses. Bientôt rejoint par un Ivoirien Yaya Kone. Participant à un Hackaton, sorte de « marathon » à la recherche de projets, ils partent en bus avec 60 autres  « développeurs » sillonner les routes pour identifier un problème récurrent. « Il n’y avait qu’à regarder par la fenêtre et voir tous les déchets plastiques amoncelés partout ». Au bout, ils montent un petit film et sortent vainqueur du programme.  

Rémunération même modeste

Aujourd’hui, grâce à une plateforme (accessible par smartphone, ordi), n’importe quelle personne, pré-collecteur, peut ramasser les déchets d’un endroit quelconque, rues, plages, terrains vagues, entreprises, habitations… Rapportés au centre de l’entreprise, ils sont triés et stockés pour être vendus à des sociétés de recyclage (seuls 2 % des 22 000 tonnes/an sont officiellement recyclées).  

Coliba rémunère les collecteurs à raison, de 0,14 à o,18 $ le kilo – 140 $ pour une tonne. Ces sommes en retour peuvent s’échanger contre du cash, des points assurances santé ou des forfaits téléphone. L’objectif est d’intégrer les collecteurs de plus en plus dans le programme.

Souvent issues de milieux sans ressources, 108 femmes « tournent » pour Coliba. Ainsi de Madam Margariet,  62 ans ans, deux grands fils sans emploi, de plus diabétique. Elle n’est pas allée à l’école, ne peut communiquer que dans un dialecte local et ramasser des bouteilles et contenants plastiques est bien le seul job auquel elle peut avoir accès.

Une génération née numérique

Issu d’un père d’origine royale et d’une mère pasteur (congrégation épiscopale), Prince Agbata (28 ans) fait partie de cette génération africaine totalement en phase avec le monde actuel de l’entreprise et de l’initiative, dit 2.0, qui a appris à pointer les problèmes propres à l’Afrique, se manifeste dans toutes les instances internationales, conférences, forums et la réputée French Tech à Paris. Et a appris en un temps record à faire des « business plans ».

Également à gagner l’intérêt et la sympathie de sociétés partenaires, de fonds d’investissement, d’instances internationales. Très vite Coliba sort gagnant  d’un week-end de l’innovation organisé en 2015 par la Banque Africaine de Développement et finaliste des Journées Afrique développement et du numérique.

Déchets ressources

Ces jeunes ont compris que, d’abord vus comme des matériaux sans valeur, les déchets peuvent faire l’objet d’une ressource à valoriser, aussi d’un changement de société. À commencer par celui de sensibiliser les populations et leur prise de conscience comme celle des entreprises locales évidemment.

Souvent aidés par des associations françaises. Fortement piloté par la Fondation Good Planet , Africompost appuie dans 5 grandes villes le développement d’unités de compostage de déchets organiques… Earthwake. sous la houlette de l’acteur Samuel Le Bihan, lutte contre la pollution plastique .

Stabilité politique

Par ailleurs, des investissements colossaux internationaux ont permis en un temps record de développer des projets performants de collecte et de tri, de créer de nouvelles infrastructures et des emplois dans le secteur de l’hygiène et de la propreté, selon le journal La Tribune

Pays anglophone, enserré dans des pays francophones, le Ghana avec ses 24 millions d’habitants voit émerger, à l’image du Nigeria, nombre de jeunes sociétés. Nation de forte créativité, elles bénéficient de l’encouragement des autorités, surtout d’une situation politique stable, chose hélas trop exceptionnelle en Afrique de l’ouest .