Le crapaud - Jérôme Liniger - Yvonne, la saga de l'été

Schwani et le beau tracteur

Les animaux ont parfois de curieux comportements, à croire qu’ils seraient eux-mêmes perturbés par les changements climatiques. Pour exemple, ce cygne en Allemagne, qui s’est « fiancé » à un tracteur-tondeuse dans un hôtel, entouré de grands espaces engazonnés. L’oiseau, baptisé « Schwani » en reconnaissance d’une personnalité attachante pour le moins, ne manquait jamais de s’installer sur le bas-côté de l’imposant engin thermique et de l’accompagner du matin au soir dans ses circonvolutions sur la pelouse, ne le quittant pas d‘une patte. Un jour, récemment, après 6 années de ce manège, notre cygne a abandonné son compagnonnage, au grand soulagement de l’employé chargé de la tonte, constamment sur le qui-vive par crainte de heurter la bête et de la blesser.

Le cygne était-il attiré par la couleur bleu clair du tracteur, lui rappelant l’élément dans lequel il évolue avec grâce habituellement, ou avait-il une forme d’empathie pour le jeune homme au volant de l’engin ? On rapporte qu’à Münster, dans un lac en pleine ville, un autre cygne, coupable d’anthropomorphisme à sa manière, ne lâchait pas d’une semelle un des Pédalos en location, au point qu’en dernier ressort on dut l’exiler dans un zoo.

Les spécialistes en éthologie sont d’accord sur le fait qu’il n’y a pas de comportement humain qu’on ne retrouve pas chez nos amis les bêtes, de la nécrophilie au cannibalisme sexuel en passant par le fétichisme entre autres. Également cité par Die Welt, voici un matou de la région de Zurich, qui aurait pu entrer dans le Guinness des records. Lui s’intéressait exclusivement aux sous-vêtements –sans préférence particulière pour les féminins – et aux chaussettes, de couleur noire exclusivement. Rodant, y compris de nuit, dans les jardins, où parfois sèche le linge, voire s’introduisant dans les maisons par fenêtres et portes. Excédée, sa maîtresse, ayant fini par remarquer le manège, s’aventure dans la grange pour y découvrir plusieurs centaines de ces objets volés. Fort gênée vis-a-vis du voisinage, elle entreprend d’afficher des tracts dans les rues proches pour inviter les victimes du chat cleptomane à récupérer leur bien.

Les études scientifiques ne manquent pas de recenser les cas d’animaux qui sortent des règles comportementales dans lesquelles l’homme a cru devoir les enfermer. En matière d’accouplement entre autres ou de pulsion sexuelle , notamment quand ils appartiennent comme les cygnes et les oies à la même famille des « anadités ». Rien ne dit cependant que, dans la tête de Schwani, vagabondait l’idée d’un accouplement avec le tracteur-tondeuse. Mais l’on a observé que des singes pouvaient s’exciter sur une chaussure ou des tortues sur un pneu de voiture.

Et maintenant Yvonne !

Schwani ayant cessé d’intriguer, voici que monte en puissance l’aventure d’ « Yvonne », une bonne vache laitière germanique. « Yvonne », qui venait d’être vendue à un éleveur de Haute Bavière, s’est fait la belle le 24 mai dernier, disparue depuis. Des moyens non négligeables ont été déployés pour la retrouver, une enquête à la Derick en quelque sorte, dont les journaux outre-Rhin tiennent la rubrique. D’abord, non loin de son lieu de fugue, l’on a vainement tenu en laisse un taureau de beau calibre, Ernst, bien que castré, servant éventuellement d’appât façon Casanova. Vint le recours à des recherches au sol, voire en pantoufle pour une approche en silence par surprise, puis on songea à l’hélicoptère. Trop bruyant, susceptible d’effrayer Yvonne, laquelle, peut-être apeurée et totalement désorientée, ne souhaite pas mieux que rentrer chez elle mais ne sait comment. On songea aussi à équiper l’hélico d’une caméra infra-rouge, permettant de survoler le lieu de disparition à plus haute altitude.

Yvonne s’est-elle mise au vert dans un champ de maïs, bénéficiant de la protection du végétal, ou dans un bois de 25 ha, inspecté si intensivement que tout le gibier local a fui. Car les bonnes volontés pour la retrouver vivante sont foison. Des pilotes prêts à prendre l’air bénévolement, une association Spa recevant de nombreux dons et le journal Bild qui promet une récompense de 10 000 € à celui qui remettra la main sur elle. A moins qu’épuisée, n’ayant pas eu accès aux 60 à 120 litres d’eau, qu’une vache normalement constituée boit par jour, elle ait déjà rendu l’âme quelque part.

Comme on se perd en interrogation sur les raisons de ce délit de fuite, on cherche à cerner la personnalité d’Yvonne, qui s’appelle à l’origine Angie, vient de Carinthie, est de robe claire. Surtout, on a appris par son ancien propriétaire, qu’elle n’a pas bon caractère, plutôt nerveuse et susceptible, c’est pourquoi d’ailleurs il s’en est débarrassé. Qu’elle pourrait aussi, une fois cernée, se montrer brutale. La presse a publié une photo de portable plutôt floue, qui n’a pas aidé à grande chose – un portrait-robot dessiné était difficile… Yvonne aurait-elle été « kidnappée » par un éleveur indélicat ou l’affaire se révèlerait-elle comme un bon canular estival… Entre temps la police a donné l’autorisation d’abattre la vache récalcitrante, considérant que, sortie de forêt, elle pourrait être un danger pour le trafic routier. L’ultimatum a été prolongé au 26 août.