Le crapaud - Nicolas Jacquette - La côte belge sous influence, horizon 2011

La côte belge sous influence

On disait la Belgique empêtrée dans une grave crise politique provoquée par 18 mois sans gouvernement. C’est oublier que, dans ce système fédéraliste, les Communautés provinciales restent à l’œuvre. Ainsi celle de Flandre-Occidentale, qui vient de décider un chantier de 300 millions d’€ pour protéger la côte belge.

Ce n’est pas la construction des pyramides, mais le chantier est de taille. Devant la menace des changements climatiques, les Flamands considèrent qu’il vaut mieux s’inquiéter dès à présent de leurs futures conséquences sur le littoral. Remodeler les plages avec ajout de sable, renforcer les digues, installer des murs anti-tempête hauts de 60 cm à 1,20 m – les travaux ont déjà commencé à Ostende, se poursuivront jusqu’en 2015.

Deux phénomènes se conjuguent. La concentration croissante des gaz à effet de serre fait grimper notamment la température des mers et des océans. Au large du littoral, cette température a augmenté d’environ un degré dans les 30 dernières années. « D’ici à 2100, terme lointain certes, elle pourrait encore gagner entre 1 et 3 degrés de plus », affirme un spécialiste de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.

Dès à présent, des campagnes menées indiquent que, du fait de ce réchauffement, la crevette grise, privilégiant la fraîcheur comme on sait, a tendance à migrer vers le nord, cédant la place à des espèces, carrément exotiques telles que l’huitre japonaise ou l’algue sargasse. On a relevé également un plus grand nombre de bernard-l’ermite ou d’hippocampes.

Par un phénomène physique logique, les mers plus chaudes élèvent leur niveau. Jouent dans cette évolution la dilatation de l’eau de mer mais aussi le déversement de gigantesques masses d’eau venant de la fonte accélérée des calottes arctiques et groenlandaise, selon l’Institut flamand de la mer.

Sur place on a des raisons d’être inquiet. Le niveau de la mer à Ostende est passé de 1,41 mm par an jusqu’en 1992 à 4,41 mm par an depuis. Autrement dit une élévation de 10 cm en 40 années. Les modèles informatiques, eux, annoncent un scénario catastrophe, de 60 à 85 cm, voire 1 mètre d’ici à 2100.

Un mètre signifierait l’engloutissement de 63 000 ha de territoire flamand et zélandais – soit un bassin démographique de 16 millions d’habitants, et pourrait d’étendre jusqu’à Bruges, engloutissant entre autres l’autoroute qui va d’Ostende à Dunkerque.

L’on rappelle volontiers, qu’en 1953 en Hollande, de gigantesques inondations ont vu le niveau de la mer du Nord s’élever de 6,6 mètres par rapport au niveau de marée basse à Ostende, de 7,77 m à Anvers, l’estuaire ouvrant la voie aux eaux tumultueuses s’engouffrant à l’intérieur des terres, une sorte de tsunami, rayant le sud-ouest des Pays Bas de la carte. On a compté alors 2000 victimes ( à lire sur le sujet le remarquable ouvrage de Margriet de Moor « Une catastrophe naturelle »).

Les mesures seraient efficaces jusqu’en 2050. Même si l’on a précisément analysé chaque section sur sa vulnérabilité, le conditionnel reste de rigueur, en raison de la fragilité des lieux.

Les Belges et de nombreux Français, proches de la frontière, aiment se promener sur ces grandes plages, à l’ambiance très particulière, chantées par Jacques Brel dans « Le plat pays ». Ce qui n’a pas empêché TF1, dans un journal de Harry Roselmack, en avril 2010, d’attribuer suite à une inversion des cartes la côte belge à la Wallonie, l’autre communauté, alors qu’elle dépend en totalité de la Flandre. Même bourde d’un JT hollandais cette fois. On imagine le scandale chez les Flamands très sourcilleux, pour ne pas dire plus, quant à leur souveraineté territoriale.

La Belgique est décidément un casse-tête pour les Français comme pour les Belges eux-mêmes. Cette réaction d’un Bruxellois sur Internet : « C’est avec l’argent de ses clients wallons et des emplois et impôts flamands qu’ils nous ont volé à nous Bruxellois , que la Flandre espère financer ses phantasmes et sa protection côtière. Wallons, Bruxellois, tirons-nous vite. Comme dit Kroll (dessinateur et caricaturiste) : lorsque le lion flamand dit : « je retourne chez ma mère », le coq wallon lui répond : « Bon débarras… ».