Le crapaud - Nicolas Jacquette - Nos animaux perdraient-ils la boule

Nos animaux perdraient-ils la boule

L’année 2011 nous a réservé bien des surprises, rarement agréables, souvent dramatiques. Marquée, entre autres pour l’historiette, par des animaux soudain devenus vedettes et leurs étranges comportements, que les hommes de science cherchent à comprendre. Petite revue amusée de ces bizarreries éthologiques.

Le crapaud dans le rétroviseur

Voici Yvonne, fille de l’air. Cette bonne vache laitière de Bavière, disparue en mai, réapparue en août. Échappant à une traque digne d’un polar, entre celle des patrouilles de police, des protecteurs d’animaux sur ses traces en pantoufle ou des hélicos équipés de caméra infra-rouges. Également insensible aux traquenards divers, notamment ce beau taureau avancé comme appât près de son lieu de fugue et soudain, sortant du bois, parfaitement en forme, pour se poser aux côtés de 4 veaux, l’instinct maternel retrouvé.

On se perdait en interrogation sur les raisons de cette fugue, un pressentiment quant à sa fin proche à l’abattoir ou un coup d’humeur, qu’un de ses éleveurs serait prêt à excuser, la désignant comme de caractère assez susceptible.

L’odyssée d’Yvonne aura égayé l’actualité estivale. Son nom s’est répandu dans le monde entier, elle disposait d’une page sur Facebook, d’une fiche Wikipedia, on lui a même consacré une très amusante chanson dans le style flon-flon : « Muh, Muh c’est moi la vache, j’ai un cœur comme vous, Muh muh c’est moi Yvonne qu’on cherche partout ». En tout cas, pari réussi pour Yvonne la fantasque, car, au lieu de finir dans la casserole, échappant à l’exécution fatidique, elle s’est vue accueillie dans une agréable pension pour bêtes en fin de vie.

On n’oubliera pas non plus ce cygne, toujours aux couleurs germaniques, qui partageait ses journées avec un tracteur-tondeuse dans un hôtel, entouré de grands espaces engazonnés. L’oiseau, baptisé « Schwani », diminutif de Schwan (cygne), ne manquait jamais d’accompagner sur le côté l’imposant engin thermique dans ses circonvolutions sur la pelouse, ne le quittant pas d‘une patte, du matin au soir. Un jour, récemment, après 6 années de ce manège amoureux, notre cygne, d’humeur changeante à son tour, a abandonné son compagnonnage, au grand soulagement de l’employé chargé de la tonte, constamment sur le qui-vive par crainte de heurter la bête et de la blesser.

On rapporte qu’à Münster, dans un lac en pleine ville, un autre cygne, coupable d’anthropomorphisme à sa manière, ne lâchait pas d’une semelle un des Pédalos en location, au point qu’en dernier ressort on dut l’exiler dans un zoo. Ou encore cette « romance » entre un bélier et une biche dans un zoo du Yunnan, manifestée par des accouplements quotidiens. Fallait-il mettre un terme à cette passion contre toute nature ? Après enquête par la direction auprès d’internautes et de visiteurs, ceux-là auraient prié les soigneurs de leur fiche la paix.

Les animaux chercheraient-ils à leur tour le renom dans le Guinness des records ? Dusty, chat kleptomane, digne d’un Walt Disney, s’amusait à faire des allers-retours dans un quartier de San Mateo, en Californie, de nuit bien sûr, comme tout voleur aguerri, pour chiper des objets divers. Un peu boulimique, sans grand esprit de sélection, gants, chaussures, éponges, chaussettes, jouets d’enfant, mais avec une préférence, selon l’opportunité, pour les maillots de bain et les soutien-gorges – attesté par une vidéo à voir sur Youtube .

600 objets au total ! Même pas gênant pour son maître, car les chapardages ayant lieu chez les voisins, ceux-ci savaient où retrouver leur bien.

La postérité n’a pas retenu le nom de cet autre matou, de la région de Zurich, répondant à la parfaite définition du fétichisme, s’intéressant exclusivement aux sous-vêtements –sans préférence particulière pour les féminins – et aux chaussettes de couleur noire exclusivement. Plus gonflé que son collègue californien, ne se contentant pas de roder dans les jardins, où sèche le linge, mais s’introduisant dans les maisons par fenêtres et portes.

Excédée, sa maîtresse, ayant fini par remarquer le manège, décide un jour d’en avoir le cœur net, s’aventure dans la grange pour y découvrir plusieurs centaines de ces objets chouravés. Fort gênée, elle affiche des tracts dans les rues proches de son domicile pour alerter les victimes de son chat et les inviter à récupérer l’objet du délit.

Plus surprenant, l’épopée du manchot Happy Feet (par allusion au film éponyme). Par quel mystère l’a-t-on trouvé à la mi-mai à 3 000 kilomètres de sa colonie en Antarctique. Apparition stupéfiante pour les spécialistes, le deuxième manchot empereur à échouer en Nouvelle Zélande. Très vite, la population s’est prise d’une affection débordante pour l’immigré tombé du ciel, affaibli, avec un pronostic vital réservé.

Les bonnes volontés ont rappliqué, un des meilleurs chirurgiens du pays pour lui retirer sable et fils englués dans l’estomac. Puis, bénéficiant d’une chambre particulière climatisée au zoo de Wellington, dans laquelle on enfournait des monceaux de glace pour le maintenir dans son environnement habituel, il a été relâché en mer, une fois retapé après maints de milk-shakes aux poissons. On arrivera peut-être à suivre sa route du retour vers le sud, grâce à la puce GPS, dont il a été équipé.

Et puis ce petit miracle. On évalue à 2 000 le nombre d’albatros (et 110 000 oisillons) victimes du tsunami sur l’île refuge de Midway dans le Pacifique, entre Hawaï et Tokyo. Une femelle y a échappé, Wisdom, âgée d’une soixantaine d’années, ce qui explique sans doute son nom de baptême (sagesse) et l’on s’en réjouit, selon les ornithologues américains, car elle peut se targuer d’être le plus vieil oiseau sauvage d’Amérique. La balise qui lui a été posée en 1956, à l’âge de 5 ans, le prouve sans conteste.

Wisdom semble montrer que les animaux peuvent surpasser leurs limites naturelles, à l’image des êtres humains notamment sportifs, après avoir couvé et fait éclore, début mars, en dépit des années, son 35 ème oisillon.

Moins réjouissant, ces Orangs-Outans succombant au tabagisme dans des zoos de Malaysie et d’Indonésie. La vidéo a fait le tour du monde, celle de Tori, un jeune de l’espèce, tirant sur une cigarette à bout filtre et relâchant de larges panaches de fumée par ses narines. (https://www.liberation.fr/terre/060…. Le public complice semble apprécier le triste spectacle, balance par-dessus l’enclos des bouts de cigarette allumée, sous l’œil indifférent des gardiens.

Plusieurs individus ont du être placés en cure de désintoxication. Cette« curiosité » de foire n’est pas massive, mais indique avant tout le peu de considération, dans lequel on tient l’espèce, pourtant emblème de ces deux pays. Le singe imite l’homme certes, hélas aussi ici, à son corps défendant, dans ses addictions et leurs conséquences. Pour exemple, la femelle la plus atteinte souffre de sautes d’humeur, d’endormissement ou d’agissement extrême, paraît-il, quand elle est en manque…

Il est vrai que les médias s’emparent avec délices de ces historiettes et les grossissent volontiers, tant le monde animalier nous touche et nous attendrit. Mais ce monde-là serait-il tout aussi tourneboulé que le sont nos sociétés actuelles ? On finirait par se poser la question.

Et bonnes fêtes de fin d’année à tous les amis du crapaud