Le crapaud - Nicolas Jacquette - A Zurich, guerre totale aux voitures

A Zurich, guerre totale aux voitures

On sait que Zurich accueillait, en son temps, nombre de grandes personnalités, des écrivains : Hermann Hesse, James Joyce, Thomas Mann, des musiciens, Johannes Brahms, des peintres : Max Frisch et ceux du mouvement Dada qui y a vu le jour. Y retourneraient-ils aujourd’hui qu’ils ne seraient pas trop surpris. La cité alémanique est en train en effet de bannir l’automobile de ses murs.

La municipalité ne manque pas de stratagèmes pour y arriver. Ainsi, les feux ont été à ce point rapprochés et limités dans leur durée, que les automobilistes, excédés, n’avancent qu’à pas d’escargot. Les piétons y gagnent, qui peuvent tranquillement franchir rues et carrefours à tout moment sans risquer leur vie. D’ailleurs les quelques rares véhicules qui affrontent cette cité hostile se battent dans un grouillement de vélos et de passants. « Conduire ici, c’est du stop and go », dit un responsable. Et les commerçants, qui craignaient pour leur business, se frottent les mains, avec un bond de 30 à 40% du chiffre d’affaires.

Alors qu’en Amérique les villes continuent à s’organiser pour faciliter le flot, sans cesse croissant, des automobilistes – axes fluides et max de parkings – les villes européennes, comme le souligne un intéressant article du New York Times (“Europe stifles drivers in favor of alternatives”), agissent à l’inverse, décidés à organiser des environnements de plus en plus réfractaires à la circulation automobile. En sacrifiant d’abord les créneaux de stationnement.

Et l‘article de comparer : 45% des habitants de Zurich se sont débarrassés de leur véhicule dans la dernière décennie (91% des députés au Parlement suisse s’y rendent en tram) . Le nouveau centre commercial de Sihl, trois fois plus grand que l’Atantic Mall de Brooklyn (New York), ne propose que la moitié de places de parking par rapport à l’américain. 70% de ses visiteurs viennent en transport en commun. Mais à Denver (Colorado), un nouveau complexe d’appartements dédie ses 8 premiers étages aux emplacements de garage pour les résidents. Comment ne pas sauter dans sa voiture pour une course quelconque et négliger la ligne de tram rapide est à leur porte ?

Certes, les agglomérations de la vieille Europe, édifiées avant l’arrivée de l’automobile, sont contraintes sinon à déclarer la voiture totalement hors la loi, du moins à en modérer considérablement l’usage. En raison de l’importance qu’a prise le trafic motorisé, de l’étroitesse de leurs rues, aussi par les engagements pris nationalement à l’égard du protocole de Kyoto, donc réduction des émissions de gaz à effet de serre. De plus, les transports en commun sont plus nombreux et fréquents qu’aux Etats Unis, l’envolée du prix de l’essence a fait le reste.

Los Angelès ou San Francisco font de louables efforts pour maîtriser le « cauchemar motorisé », selon la formule, mais mettre dans l’esprit des citadins Américains (exception faite pour les habitants de banlieues fort étendues) qu’il peut y avoir une vie sans automobile serait comme vouloir, semble-t-il, décrocher la lune (les Etats Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto). Entre temps l’Europe, celle du nord, avance.

Vienne, Munich, Copenhague dégagent de plus en plus d’espace pour la circulation vélocipédique chère à Monsieur Hulot (dans la capitale danoise, on relève 150 emplacements pour bicyclettes contre un seul pour un véhicule, d’ailleurs réservé à handicapé). Et en Allemagne, poursuit l’article, on y ajoute un zeste supplémentaire, beaucoup de villes rejoignent le principe d’une zone environnementale, accessible aux seuls véhicules émettant peu de dioxyde de carbone.

Bien moins radicale, la municipalité de Paris avance à tout petit pas. Le Vélib a déjà pris une bonne partie du bitume parisien et stationner en chaussée coûte désormais 3,60 € de l’heure, plus cher que la plupart des parkings privés en sous-sol.