Le rhinocéros victime du biodiesel

Le réchauffement climatique, dit-on, menace la biodiversité végétale et animale. Les experts ne sont pas tous d’accord là-dessus. Ils jugent que le régime de destruction massive des forêts tropicales, en Indonésie et Malaisie notamment, causera, lui, plus de dégâts que la montée des températures…

On le voit au seul exemple du rhinocéros de Sumatra – le plus petit de son espèce, dont il ne reste sur place que 300 individus, en outre difficile à élever en zoo. C’est que, à Sumatra, Bornéo, Java, Sulawesi et Malaisie, la forêt dense disparaît  au profit de plantations de palmiers à huile – l’huile de palme est largement utilisée dans l’agroalimentaire, les cosmétiques et consommée dans le monde entier. Mais, maintenant que les gouvernements plaident pour le développement d’une énergie plus propre que le pétrole, le rythme d’abattage s’est intensifié. La Malaisie planifie d’étendre ces plantations à plus de 5 millions d’hectares d’ici à 202O, l’Indonésie à plus de 16 millions. Ces choix sont d’autant plus critiquables que la production de biodiesel – à partir de l’huile de palme, loin d’arranger le réchauffement, l’aggrave.

Le crapaud - Jérôme Liniger - Le rhinocéros victime du biodiesel

 

Pour gagner de nouvelles surfaces, l’on est obligé de rayer de la carte non seulement les forêts, aussi les zones marécageuses, toutes deux propices à la diversité de la flore et la faune.   De plus les feux de forêts, qui les font disparaître, engendrent des « lâchers » de C02 monstrueux, au point que l’Indonésie, avec les Etats Unis et la Chine, s’inscrit dans les 3 pays les plus coupables de ces émissions. Alors que l’Europe compte sur l’huile du sud-est asiatique pour ses biocarburants, la Commission européenne veut acter que le développement des surfaces nécessaires à cette production ne se fasse pas aux dépens des celles propres à nourrir l’espèce humaine et animale. A la conférence de Bonn en mai dernier, Malaisie et Indonésie se seraient engagés à affecter une plus grande partie de leur territoire à la liste des terres protégées.

Mais le mal n’est-il pas fait ?

s/der stern

Le crapaud - Jérôme Liniger - Le rhinocéros victime du biodiesel

Face à situation d’urgence, il est intéressant de rappeler que 2 principes fondamentaux régissent le droit forestier en France. Dès le XIV ème siècle, l’Etat stipule par un Édit de Philippe de Valois la gestion soutenue – « soustenir » en vieux français – et l’engagement de ne pas aliéner les forêts domaniales françaises ( 12% de la couverture végétale actuelle) . A l’époque il s’agissait de maintenir un patrimoine qui permette de couvrir les besoins du pouvoir monarchique, les forêts étant une source de revenus considérables, mais aussi d’assurer à l’Etat un approvisionnement crucial notamment pour les machines de guerre. Or, transposés 7 siècles plus tard, ces principes sont restés intangibles. Le terme de « soustenir » a donné en anglais « sustainable », revenu dans le français contemporain sous le vocable « durable ». On peut donc considérer, selon le spécialiste Georges-André Morin, que le concept de développement durable a bien pris naissance dans l’histoire des forets de France. Internationalisé au siècle dernier par les Anglo-Saxons, les Français en ont perdu la paternité (Good Planet Infos).

 A ce jour, la déforestation continue à un rythme alarmant, chaque année 13 millions d’hectares disparaissent, une vingtaine de terrains de football par minute, bilan qu’il faut mettre en regard cependant avec l’extension naturelle des forêts et des re-plantations, soit une perte nette 7,3 millions d’ha.