L’improbable souvenir des déchets nucléaires

Question : Dans mille ans, si la terre et les humains existent encore, saura-t-on en quels lieux du territoire hexagonal ont été enfouis les déchets nucléaires ?
La réponse est si peu évidente, qu’elle préoccupe l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), l’un de ses responsables, Patrick Charton, s’en est exprimé récemment dans une passionnante interview recueillie par le journal Le Monde…


A travailler sur des échelles de temps aussi longues, il n’est pas sûr qu’on réussisse à conserver la mémoire de ces sites – lieux et contenus –  surtout à la transmettre correctement. Un premier relevé exhaustif a été fait, appelé « Mémoire de synthèse à l’attention des générations futures », document papier fortement illustré, (car on jette moins facilement ce qui est illustré) et téléchargeable sur le site internet de l’Andra, accessible à tout public. Voici 1 ou 2 siècles de survie « assurés ». Par ailleurs des archives détaillées sont conservées sur les lieux de stockage, celles-là sur papier dit « permanent » pouvant durer de 600 à 1000 ans. Mais l’on travaille aussi sur des supports encore plus résistants, par exemple des disques en saphir massif et en titane, d’une durée de vie de 2 millions d’années, que l’on craint cependant de voir vandalisés…

Le crapaud - Jérôme Liniger - L'improbable souvenir des déchets nucléaires
La question ne préoccupe pas la France seule. En Amérique, on envisage de marquer les sites d’enfouissement par des « information rooms », taillées dans le marbre, que l’on érigera sur des monticules de 30 mètres de haut. Elles contiendront des inscriptions en anglais et dans d’autres langues, aussi des symboles de dangerosité, celui de la radioactivité et – façon Hollywood – des visages exprimant la douleur. Longévité supposée de 25 000 à 50 000 ans. Sachant que certains déchets les plus radioactifs le resteront des centaines de milliers, voire un million d’années, on peut se demander à juste titre, comme le fait Patrick Charton, si le seul symbole de la tête de mort, pour ne prendre que cet exemple, signifiera encore quelque chose pour les humains dans cette très, très, très lointaine descendance, pour peu que l’homme ne se sera pas détruit lui-même entre temps.
Le crapaud - Jérôme Liniger - L'improbable souvenir des déchets nucléaires