« Je suis déchétarien et vous ? »

Ils sont jeunes, propres sur eux, en bonne santé, étudiants, employés, la nuit ils s’en vont en catimini dans les arrières cours des supermarchés, s’éclairant d’une lampe frontale et, rendus sur place, ils plongent, mains protégées de gants de chantier, dans les bennes à ordures du magasin…


Rien à voir avec des Sdf ou des immigrés laissés pour compte, voire des chômeurs qui font les poubelles dans les rues devant vous. Eux, récupèrent, non par faim, mais par idéologie. Ils se nomment « freegans », soit la contraction de « libre » (free) et de « vegan » (végétalien). Le mouvement a pris naissance en 1989 à New York, initié par des écologistes et a fait boule de neige, là-bas en tout cas. Leur régime alimentaire a été baptisé ici, de façon plus compréhensible, « déchétarisme », car leur moisson faite, ils rentrent chez eux et se nourrissent de ce qu’ils ont ramassé dans les bennes. L’inventaire va des régimes de banane, yaourts, fromages, fruits, boissons, viennoiseries, cuisses de poulet, à des barquettes de plats cuisinés, chaque produit encore emballé et pas forcément au-delà de la limite de consommation.

La récolte n’est pas toujours exceptionnelle, comme le racontent deux « freegans » de Tours, mais de quoi au bout du compte, bon soir, mauvais soir, remplir un réfrigérateur. Certes, il faut dépasser l’écoeurement initial, viscéral, de manger ce qui sort d’une poubelle, mais on s’y fait, disent-ils, en sachant bien regarder l’état du produit que l’on a entre les mains.

Face au gaspillage de nos sociétés industrialisées, les uns font du déchétarisme un choix de vie. D’autres s’y sont mis après une période de vraie galère. Combien sont-ils en France ? Une seule indication : le forum de leur site internet francophone réunit plusieurs centaines d’ »actifs ». Fort à parier que leur nombre augmentera, si le pouvoir d’achat continue à baisser et le chômage à augmenter. D’autant que même la Fédération du commerce et de la distribution reconnaît que les produits jetés sont la plupart du temps consommables.
s/ vsd