Un mammouth vivant, c’est pour… demain ?

Faut-il s’atteler à la renaissance d’espèces disparues ? Le débat anime les chercheurs. Car il touche à de nombreux aspects, éthiques, financiers, environnementaux. Entre rêve et réalité à venir, ce qu’on appelle la dé-extinction est à l’oeuvre. Le mammouth sera probablement un possible banc d’essai.

Pour avoir un poulet il faut un œuf, évidence. Pour récréer une espèce, il faut à tout le moins des ossements fossiles en très bon état. Les mammouths en effet s’offrent au zèle sans relâche des scientifiques. On en a trouvé 8 en Russie, un récemment près du fleuve Iennissei.

Un spécimen de bel stature

L’hexagone n’est pas en reste. En novembre dernier, des équipes fouillant  un site gallo-romain à Changis-sur-Marne (77), sont tombés avec stupéfaction sur un squelette complet.

L’excavation vaut la peine. Le spécimen, bien plus âgé que l’ère chrétienne, aurait vécu entre 220 000 et 50 000 ans avant, mort jeune adulte entre 20 et 30 ans et son fossile complet présente une taille impressionnante de 3 mètres.

Presque la routine

En matière de clonage, la science est en situation d’augmenter ses chances de succès dans ce qui n’était qu’un travail à haut risque auparavant, comme le note la revue National Geographic, dans une passionnante enquête de son numéro d’avril 2013.

Pour le mammouth, un premier objectif semble atteint dans ce Graal du clonage, en l’occurrence de bons spécimens trouvés notamment dans la toundra sibérienne. Combinant leurs efforts, des experts coréens et russes ont pu remonter de leurs trouvailles des fragments de matière organique, moelle osseuse, poils, peau et graisse.

A défaut, un noyau intact

L’idéal serait bien sûr d’y dégager une cellule viable,  quoiqu’on doute qu’elle ait survécu au froid intense de son environnement millénaire. À défaut, on espère pouvoir en extraire un noyau intact, qui serait transféré dans l’ovule prélevé d’une éléphante, exploit jamais réalisé pour l’instant.

Le noyau ayant pris le contrôle de l’œuf se diviserait pour former un embryon, lequel serait transplanté dans l’utérus d’un spécimen vivant. En attente d’une gestation d’au moins 2 ans pour une éventuelle naissance .

Les mannes de la brebis Dolly

Le succès d’un processus aussi incertain et complexe rend sceptique bien des chercheurs. Mais l’espoir fait vivre, ce que souligne un des spécialistes coréens : « Comment voulez-vous savoir que c’est impossible, si vous n’essayez pas ?».

La brebis Dolly est restée dans tous les esprits, premier mammifère cloné en Écosse (1996), reine des tabloïds anglais, souffrant rapidement d’arthrite. Morte la pauvre au bout de 7 années, mais aujourd’hui exposée à jamais aux regards compatissants des visiteurs du Musée royal d’Edimbourg.

Trop loin, trop vite

Que de controverses à l’époque ! Cependant la voie est ouverte. En Espagne , on s’essaie à la renaissance du bouquetin des Pyrénées disparu du paysage, victime de la chasse durant des siècles. Suivent d’autres tentatives sur le dodo, le grand pingouin, le dauphin fluvial de Chine, la tourte voyageuse, le pic impérial.

« Tout est allé beaucoup plus loin, beaucoup plus vite que quiconque ne l’aurait jamais imaginé, note Ross MacPhee, conservateur des collections mammifères du Museum de New York. « Si nous parlons d’espèces dont nous avons causé l’extinction, je pense que nous avons l’obligation de tenter de les faire revivre », lui répond Michael Archer, un paléontologue australien.

Plus urgent, sauver ce qui existe

Selon l’UICN, un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un tiers des amphibiens sont, au niveau de leur espèce, menacés de disparition. Un variété animale ou végétale disparait toutes les 17 minutes.

Pour John Wiens, biologiste de l’évolution : « Pourquoi investir des millions de $ pour ramener une poignée d’animaux du royaume des morts, quand des millions d’autres  attendent encore d’être découverts, décrits ou protégés ? D’une extrême urgence, ce serait de sauver ceux-là d’abord ».

Le rêve de Jurassic Park

Seules d’ailleurs pourraient entrer dans ces techniques de clonage et d’ingénierie génomique, les animaux disparus dans les derniers milliers d‘années, laissant à la postérité des cellules intactes, ou assez d’éléments Adn.

Certainement pas pour exemple le tyrannosaure, éteint il y a des 65 millions d’années, au grand dam des enfants adeptes de dinosaures depuis Jurassic Parc. Des paléontologues américains n’en ont pas abandonné l’idée, bien que des études récentes avancent que l’ADN ne peut survivre pendant des millions d’années.

Obsession autour d’une grenouille

Si le retour du mammouth n’appartient plus au fantasme, le mammifère laineux ne sortira pas des éprouvettes avant de nombreuses années.  Obsession d’un groupe de scientifiques australiens, ceux-là sont parvenus à faire revivre deux espèces de grenouilles locales (rheobatrachus vitellinus et utérus), volatilisées dans les années 80.

Leur particularité, une curiosité reproductive, dite à incubation gastrique, unique en son genre. A l’époque des amours, les grenouilles femelles pondent un nuage d’ovules, que les mâles fécondent avec leurs spermatozoïdes.

A peine nés, déjà morts

Puis les femelles avalent le tout et leur estomac, cessant de secréter de l’acide gastrique aidé par une hormone appropriée, devient utérus. Quelques semaines plus tard, ce sont des bébés totalement formés qu’elles régurgitent de leur bouche.

Les spécimens recréés ne tardent à mourir. Mais les chercheurs se remettent à la tâche et disposent maintenant bel et bien d’embryons de cet amphibien éteint.

Des technologies qui évoluent vite

Ainsi, avancent les avocats de la dé-extinction, ces technologies de plus en plus pointues de clonage pourraient contribuer à sauver des espèces en danger, en premier lieu celles qui ne se reproduisent pas facilement.

Mais faire renaître un seul individu de cette grenouille garantit-il qu’on saura ressusciter l’espèce ? Dans ce cas, où la maintiendrait-on, en laboratoire, en zoo ? Et quel biotope favorable trouvera-t-on pour   le mammouth reconstitué ? Les interrogations abondent.

Un seul clone

En 2003, le groupe franco-espagnol parvient à ramener à la vie ce fameux bouquetin des Pyrénées, une chèvre sauvage, en pratiquant 57 implantations d’ovule dans les femelles porteuses de congénères d’une espèce bien en vie.

Sur 7 gestations, 6 se terminent par des fausses couches. Mais l’une d’entre elles réussit à porter à terme un clone, qui naitra à 2 kilos de poids et, en difficulté respiratoire, mourra au bout de 10 minutes dans les bras d’une chercheur.