Tchernobyl, la vie sans fin

Des ballons-nuages dans le ciel de Paris ! Lâchés du Pont Alexandre 3, ils signaleront ce nuage radioactif, qui le 26 avril 1986, a balayé un partie de l’Europe et rappelé à jamais la première grande catastrophe nucléaire dans l’histoire des hommes. Tchernobyl, 30 ans plus tard. Y-a-t-il un avenir après l’enfer ?

Saison après saison, la nature grignote un peu plus les dernières isbas du village de Soboli, au sud de la centrale, en territoire biélorusse. Et pour cause. Évacué, le lieu n’existe même plus dans les registres administratifs.

Le nuage radioactif a laissé sa signature de césium 137 et de strontium dans les roches, les puits, les champs, les bois, le sol et dans ce qu’il reste de l’activité humaine.

Babouchhkas

Quelques retraités n’en ont cure, ils occupent illégalement une vingtaine de maisons restées debout, comme le signale une série de reportages du journal La Croix.

Des irréductibles, personnifiés par la figure tutélaire des « babouchkas », ces héroïnes du peuple russe, qui ont toujours su faire face aux pires adversités – guerres, dénuement, déportation, isolement.

Séduction

Entre temps, celles que les Russes appellent « samosely » (soit colons de leur plein gré), ont appris à séduire les escouades de reporters, venant les interviewer. «  N’est-ce pas trop dur, les interroge-t-on ? –  C’est notre terre ici, répondent-elles, désignant le lopin de potager devant chez elles ».

Sans doute difficile, quand vous ne disposez ni d’électricité ni d’eau courante ni de provisions ni de moyen de locomotion, que vous vous éclairez avec une lampe à pétrole et que l’atome vous tombe dessus en plus.

Attachement

Ces slaves de l’est, issus de la paysannerie locale, ne se plaignent pas, forts d’un attachement viscéral à leur lopin de terre, et s’enorgueillissent de coutumes ancestrales.

Un ethnologue averti peut déterminer le village de l’une de ces grands mères, ne serait-ce qu’à regarder motifs et couleurs du fichu qui enserre habituellement leur visage rond, aux pommettes saillantes.

Survie

«  La radioactivité, on s’en moque, on ne la sent pas », s’amusent-elles et, quand elles rentrent de leur potager ou verger irradié, elles savent ce qui fera leur ordinaire à table, choux, concombre, tomate, pastèque, mais ni raisin ni groseille, cerises oui, pas leur noyau, dangereux.

Bref, ce qu’ailleurs, on appellerait faire partie du kit de survie.

Près d’un million de Biélorusses (rappelons que le nuage s’est étendu au-dessus de ce voisin de l’Ukraine) continuent à peupler plus ou moins villes et villages alentour de la zone souillée.

Réhabilitation

Les autorités parlent plutôt de territoires réhabilités, réduisent tous les 5 ans les surfaces impropres à l’agriculture. Pour effacer petit à petit les stigmates physiques de la catastrophe.

L’État a lâché beaucoup d’argent, certaines années, pour apprendre aux habitants à « vivre en zone contaminée ». Meilleurs soins médicaux, meilleures aides sociales. Car il reconnaît, sans plus, la multiplication des cancers de la thyroïde, les cas les plus sérieux détectés chez les enfants de familles pauvres.

Faune

Les conséquences sanitaires restent aujourd’hui sujets à débat,  opacité, voire désinformation tiennent lieu de politique. Comme on ignore le bilan exact des victimes irradiées. Pour les « liquidateurs », on estime à 20 000 ceux qui y ont laissé leur vie.

Cependant la zone d’exclusion, 30 kilomètres autour de la centrale, ne fait plus peur à personne, encore moins aux animaux sauvages qui y pullulent, loups, ours, élans, sangliers, cerfs, aigles.

Quelques 10 km2 d’une forêt replantée de pins ou bouleaux plus résistants leur offre, en dépit d’une radioactivité largement supérieure à la normale, un espace naturel, où l‘homme leur fiche la paix.

Amenée là pour voir, même une poignée de chevaux de l’exceptionnelle race Przewalski y pâture tranquillement.

Visites

Profitant de visites guidées, les touristes débarquent dans les localités de Pripiat et de Tchernobyl (ce haut lieu à une époque de la communauté juive hassidique), près de 10 000 ces derniers temps, fascinés par ces lieux morbides.

Et rassurés devant la présence de milliers de « fonctionnaires », qui en assurent la sécurité, vêtus d’une tenue de camouflage, laquelle, selon des témoins, ne les protègent de rien.

Exotisme

À Brahine, un couple a ouvert une table d’hôte, où il vante des légumes provenant de champs propres. Et dans le hameau, on est fier de l’église en bois toute neuve et d’un moulin en construction.

La zone prend même un caractère de total exotisme. Un Ukrainien s’est plu à y passer 200 jours. Il a grimpé au sommet du « pic vert » – 150 m de haut, célèbre station de radar russe vestige de la guerre froide (qu’on peut visiter).

Loups

Aussi nagé dans le bassin des eaux de refroidissement et surpris dans une cabane en ruines un lynx, qui venait d’avoir des petits. Un lieu de grande errance, formidable pour « picoler » tranquille, note-t-il dans son livre « La zone ».

Où l’on peut par ailleurs se voir confronté avec une meute de loups, l’animal passé maître du terrain.

Ce voyageur a sans doute jeté un œil sur la gigantesque chape d’acier, (160 m de large, 110 de haut) qui viendra, en fin de cette année, se glisser lentement sur le sarcophage, construit par les Russes à la va vite en 1986.

Promesses

Tandis que le Président Hollande réaffirmait récemment sa promesse de campagne de réduire la part du nucléaire de 50 % d’ici à 2025, impliquant la fermeture de centrales âgées.

Décision prise à partir de … 2019.

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Merci au journal La Coix du 24/25 avril pour les informations reprises ici