Sauvage ma ville

« Zérophyto », la notion n’est pas encore familière. Pourtant elle indique un mouvement, la ville sans pesticides, qui prend de l’ampleur dans nos municipalités. Partout l’on retrousse les manches, fini le Round up, retour à la binette, ou presque.

C’est dans le cadre du Grenelle de l’environnement qu’est lancé le plan Écophyto, soit réduire, puis stopper l’usage des produits phytosanitaires ( pesticides, insecticides, herbicides, etc ) dans les espaces verts, parcs, jardins, terrains de sport, cimetières, voiries et trottoirs.

L’ambition est forte, il ne s’agit pas seulement der « jouer écolo ». Si la préoccupation est environnementale, l’enjeu est d’abord de santé publique et pas seulement pour les employés municipaux.

Un billard à 3 bandes

«  J’ai vu des agents, les plus exposés, utiliser ces produits sans masque ni combinaison, note une élue du Val d’Oise. De plus, une mutualité sociale agricole établit en 2009 que 98 % des combinaisons de protection, théoriquement étanches, ne l’étaient pas vraiment, cela fait froid dans le dos ».

Le « Ophyto » cependant ne se fait pas sur un claquement de doigt.

Comme le souligne au Crapaud le directeur adjoint des services techniques de la commune de Verrières le Buisson (Essonne), il s’agit d’une partie de billard à trois bandes.

Renaissance du jardinier

D’abord, il faut un maire, et son entourage, convaincu et décidé. Puis vient la nécessité de réorganiser sur toute la ligne le service communal des espaces verts, ergo la formation des agents municipaux.

Car si tout le monde est capable de pulvériser des pesticides, travailler un végétal n’est pas à la portée de chacun. Le métier de jardinier est remis au cœur de l’activité, fleurissement durable, reconnaissance des végétaux, méthodes alternatives de désherbage, ce qu’on appelle « gestion différenciée ».

Balais, brosses

«  A Verrières, nos gars sont d’abord partis avec des brosses électriques et des balais mécaniques, afin d’enlever des yeux ces herbes folles qu’on ne saurait voir ».

Mais la mauvaise herbe est tenace, s’incruste en profondeur, fourbit ses racines et, pour son plaisir renait sans vergogne, c’est son Adn.

Concours Lépine

Le « Ophyto » équivaut à une sorte de concours Lépine, ré-inventer sans cesse méthodes, outils, moyens, quitte par exemple à changer tout le catalogue des habituelles plantes d’ornement par des espèces vivaces, des bulbes, des graminées. Voire se porter sur d’autres essences d’arbres.

Après le maniement des brosses et son huile de coude, l’on évolue progressivement à Verrières vers d’autres techniques, entre autres, le traitement « chalumeau », par choc thermique. Trop dangereux pour les agents, pas très efficace et d’un important impact carbone.

Recours à la cafetière

Vient l’étape suivante, celle de toucher le végétal par percolation, à 120 o, au moyen d’un engin, nouvellement breveté, fonctionnant à l’image de la cafetière par émission de gouttelette. Enfin, l’on se soucie désormais de planter plus en profondeur pour contrecarrer les germinations…

Aujourd’hui, Verrières est à l’image des 232 communes d’Ile de France (sur 1281) qui ont réussi à bannir le phytosanitaire de leurs espaces verts, en pointe les départements de la Seine St Denis et du Val d’Oise.

De nombreuses municipalités dans l’hexagone ne sont pas moins actives dans cette démarche, comme le montre une évaluation récente de Génération Futures.

Le hic du cimetière

Sachant que les espaces dits « contraints », cimetières, terrains de sport, golf, posent souvent le plus de problèmes.

« Le cimetière, c’est parfois le seul hic », concède une autre élue. Les seniors tiquent sur la propreté, habitués à des lieux de recueillement aseptisés. Aussi, l’on privilégie notamment de ré-enherber les allées minérales, faites de gravier et de sable.

Car, troisième bande du billard, et non la moindre, entreprendre de sensibiliser la population locale, emporter son adhésion par le truchement de réunions publiques, débats, affichage. Et… se donner du temps.

Sauvage mon trottoir

Certaines communes d’Ile de France, comme Versailles, ont tenté un pas de plus, le « Sauvage mon trottoir », imposant aux riverains de prendre soin eux-mêmes du linéaire de bitume devant chez eux et, si possible sans produits chimiques.

Échec complet, les habitants considérant, au regard de leurs impôts locaux, que la corvée importait à la municipalité seule.

Virginité chimique

Quant au « Ophyto » dans les jardins privés, l’horizon est encore loin. Les Français seraient champions du recours à la chimie pour les entretenir, utilisant près de 6 000 tonnes de produits par an.

Dépolluer l’eau des pesticides équivaut à un coût entre 260 et 360 millions d’€ par an, selon Naturparif. Dans les municipalités qui ont fait le choix de la virginité chimique, elles ont pu réduire le nombre d’agents-jardiniers et la charge financière ne s’est pas alourdie.

Partager sa ville avec la nature, tel est désormais le credo. Les retours en arrière dans la population sont rares. S’efface leur impression de laisser aller, de saleté, voire d’abandon.

Le bon sens est une fleur qui germe lentement mais sûrement.

 

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« lecrapaud » remercie Christian Sifre pour ses précieuses informations