Mozambique, le dépeçage chinois

Il est de petites victoires, qui concentrent à la fois la force de l’action et la puissance du symbole.

Ainsi, une entreprise locale indonésienne, Kallista Alam, vient d’être condamnée pour avoir illégalement détruit 1000 hectares d’une forêt protégée, les destinant à une plantation de palmiers à huile.

Cela se passe à Meulaboh, ile de Sumatra, et la condamnation est sévère, l’amende se monte à 30 millions de dollars pour dommages et intérêts d’une part, surtout pour contraindre l’entreprise à réhabiliter les terres assassinées.

Une industrie qui ravage 

Il s’agit d’une première historique concernant l’application des lois de protection de l’environnement, dans un pays que l’on sait fortement touché par l’industrie ravageuse de l’huile de palme ( Plus de 8,4 millions d’ha (2012) ont été consacrées à cette monoculture, qui fait de l’Indonésie le premier producteur mondial).

Et, pour les Amis de la Terre, un message fort à l’adresse d’autres compagnies tentées de s’approprier illégalement des territoires sous sauvegarde.

300 millions, 17%

Depuis 1990, 300 millions d’hectares de forêts ont disparu de la surface du globe. Considérés comme à l’origine de 17% des émissions mondiales de gaz à effet de serre

Un bois de trop bonne qualité

C’est un autre film qui se déroule en Mozambique, mais qui s’inscrit dans les inquiétudes grandissantes et planétaires concernant la déforestation.

Le bois issu de ce pays est d’excellente qualité et bon marché. Alors, les appétits s’aiguisent, particulièrement ceux des Chinois.

Des besoins de meubles

La Chine se développe à grands pas, comme l’on sait, des villes gigantesques sortent de terre en un rien de temps, des milliers de logements mis à la portée de nouveaux habitants. Et ces logements il faut bien les meubler.

Dans cette urbanisation vertigineuse, les besoins en bois sont faramineux et le petit Mozambique s’avère la filière idéale.

Complicité et survie

Sur place, les Chinois savent s’organiser : Dès qu’ils obtiennent le feu vert de responsables locaux, pour exploiter un bout de forêt, on recrute des « pisteiros » (pisteurs) partant rechercher les meilleures essences, lesquels passent la main aux « pingo pingo », qui vont abattre les arbres et les charger sur les plateformes des camions.

Jane Goodall, la célèbre primatologue, n’hésite à donner son avis sur la situation propre au Mozambique mais pas seulement. « En Afrique, la Chine fait exactement ce que faisaient les puissances coloniales.

Ils veulent des matières premières pour financer leur développement, ils prennent les ressources naturelles et laissent les populations encore plus pauvres. C’est un désastre ».

Discrétion au port

Le pillage des forêts mozambicaines profite évidemment de la complicité des communautés locales, les habitants affirmant ouvertement qu’ils y participent, parce que l’argent procuré par ce travail leur permet de survivre.

Constat d’un hebdomadaire local, le business appâte et corrompt désormais de plus en plus de monde.

Tandis que les acheteurs discrets attendent tranquillement les arrivées dans les villes portuaires. Et soudoient les employés du port pour ne pas déclarer les agrumes en partance.

De plus, une partie de l’élite mozambicaine et les trafiquants chinois, de mèche, sont loin de souhaiter des relations différentes, plus saines et durables, entre les deux pays.

L’hémorragie, jusqu’à quand

Selon l’Inventaire forestier national, les forêts mozambicaines voient disparaître 219 000 hectares chaque année, notamment dans le centre et le nord du pays, une hémorragie sans fin.

Déjà, durant la terrible guerre civile (1981-1992), les populations, continuant à se chauffer et à cuisiner au charbon de bois, avaient été contraintes de détruire des milliers d’hectares.

Certains généraux dans le coup

Les autorités nationales réagissent certes : elles font saisir régulièrement des cargaisons en conteneur (la dernière  appartenait, semble-t-il, à des généraux liés au frolimo, le parti au pouvoir).

Font arrêter des dirigeants soupçonnés, mais renâclent à donner trop de publicité à leur action craignant des représailles. Et les entreprises chinoises continuent à s’installer dans le pays.

Même si des projets de reboisement voient le jour, on en arrive à se demander si le Fonds mondial pour la nature (WWF) a été bien inspiré de décerner au Président mozambicain, Armando Guebuza, son Prix de la terre ?

Du bois illégal à Caen

Le trafic autour du bois ne concerne pas que des pays lointains. Des militants de Greenpeace ont voulu dénoncer l’importation de bois illégal en France.

Coutumiers de ce genre de raid, ils sont entrés par effraction dans le port de Caen pour saisir et acheminer vers le Ministère de l’agriculture à Paris une partie d’une cargaison de bois illégal en provenance du Congo. Aussitôt arrêtés à la sortie du port.

A 2 jours du vote à l’Assemblée nationale d’un projet de loi pour l’agriculture, visant notamment à renforcer la lutte contre ce genre de trafic. Pour mémoire.