Les requins aussi …

Si les Baleines, du moins celles de l’Antarctique, ont sauvé leur peau, on peut s’interroger sur le sort d’un autre grand mammifère océanique, le requin. Pourchassé pour satisfaire toutes sortes d’usages généralement contestables.

Couteau suisse

Le seigneur des mers connaît deux malédictions, celle terrifiante, que lui a collé le cinéma grand spectacle (avec le succès planétaire de « Jaws »),  celle aussi, par son coté « couteau suisse », d’être utile à tout.

On mange sa chair et ses ailerons, réputés en Asie, on le traite pour son cartilage en complément alimentaire, on l’exploite pour son foie dans l’industrie des médicaments et des cosmétiques.

Enfin, ses dents donnent des bijoux et sa peau des sacs et des chaussures.

Squalène et squalane

C’est bien sûr l’huile de son foie le plus prisé, à cause du squalène, et son dérivé le squalane. On en trouve, le sait-on, dans de nombreuses lotions, déodorants, crème solaires, sticks à lèvres, crèmes de visage, voire vaccins.

Dans le domaine nutraceutique, il « enrichit » la composition de boissons énergétiques, de produits vitaminés, d’aliments pour animaux. Au total, plus de 200 marques et produits sont concernés.

Dans le flou

Deux associations déclarent la guerre à cette exploitation hors de contrôle, Bloom et Shark Citizen. Elles ont commencé par souhaiter dresser un « état des lieux », non sans mal.

Un grand flou entoure en effet ce secteur, selon elles. Absence de statistiques et de déclarations aux instances internationales, pratiques de pêche illégales,  en amont.

Labos mutiques

Mais aussi en aval. Approvisionnement qui transite par un réseau de fournsseurs complexe et protéiforme d’intermédiaires, une loi du silence généralisée, tandis que fournisseurs et laboratoires refusent de communiquer sur la provenance des matières premières et les méthodes utilisées.

Aussi, pour avancer, des militants de Bloom sont-ils allés enquêter auprès des pêcheurs et des producteurs.

La tonne à 11000 €

L’on évalue la demande mondiale d’huile de foie de 2000 à 2200 tonnes pour 2012 ( la tonne coûterait jusqu’à 11 500 € selon concentration). En recul de 20 % cependant par rapport à 2010.

3 millions de requins font ainsi l’objet de pêches ciblées, selon des pratiques parfois condamnables.

Découpés, rejetés

De même que l’on continue sur certains bateaux à rejeter à la mer le corps des requins pêchés après découpage des ailerons ( «  finning »), on procèderait de la même manière après extraction du foie (« livering » ).

Le Japon, encore lui, représenterait 40 % de la demande mondiale, avec l’Espagne et le Portugal jusqu’au milieu des années 90.

Vers le sud

Les requins des grands fonds, dont le foie est plus gorgé, se faisant rares dans l’Atlantique nord-est, la collecte s’est déportée vers le sud ( les foies de 3000 de requins sont nécessaires pour 1 seule tonne de squalène).

Principaux pourvoyeurs aujourd’hui, l’arc asiatique, Philippines , Indonésie, et pacifique, Australie, Nouvelle- Zélande. Entre temps, l’Union européenne  a interdit aux navires  de cibler la population des grands fonds.

Sur les étals

Les industries de pêche cherchent par ailleurs à développer  de nouvelles filières pour valoriser  les carcasses des requins pêchés.

Mais la viande de squales est disponible sur les états français et européens, les pilules de squalane se vendent dans certains commerces « nature » et sur Internet et la pêche aux requins (hormis ceux des grands fonds) continue même en France.

Vertus supposées

Dans leur plan de campagne, les associations veulent mettre en garde  les consommateurs sur les vertus supposées de l’huile de foie de requin, tant dans l’usage pharmaceutique et nutraceutique.

Selon Shark Citizen, l’on procède à bon compte à des arguments de vente sur des fondements scientifiques, vides de sens, tout en avançant des tests incomplets.

Risques

« On manierait le mythe d’un requin miraculeux, dont les bienfaits aideraient à lutter contre le cancer, la maladie d’Alzheimer, voire les déficiences sexuelles ou celle des athlètes. »

C’est aussi oublier, le risque sanitaire, prédateurs océaniques, les requins accumulent en grande quantité, comme certains poissons, hydrocarbures, pesticides, métaux lourds et produits chimiques qui envahissent et polluent les océans.

Droit de boycott

Pour les associations, il est temps d’inciter les consommateurs à boycotter les produits issus de cette pêche, aussi que l’on distingue dans les emballages une dénomination entre le squalane d’origine animale et le végétal, issue de l’huile d’olive, enfin de mieux réglementer le secteur.

À l’exemple des Etats Unis, interdisant le squalène de requin dans un quelconque produit.  Car, en l’espace de 20 ans, un tiers des requins de haute mer ont fait leur sinistre entrée dans la liste des espèces menacées.