Le solaire se lève sur l’Afrique

S’il y a une partie de la terre que le soleil bénit, c’est bien le continent africain, cependant dévalorisé par un formidable retard dans l’électrification de ses territoires. L’énergie solaire lui ouvre enfin ses propres perspectives d’avenir.

Dans ce village de Basse Casamance, on se souviendra de cette première soirée télévisée, avec projection du film Avatar.

« Ici, les gens sont pauvres. Avant, à l’heure où la nuit tombe, nous n’avions que la bougie ou la lampe-tempête pour nous éclairer. Et nous rendre au centre de santé pour recharger nos portables », raconte le chef du village au journaliste de La Croix (*).

Usb et LED

Mais un lampadaire solaire est venu raccorder ce bout de territoire sénégalais, loin de tout, au monde d’aujourd’hui. Non seulement, il apporte l’éclairage publique mais aussi l’électricité dans les maisons.

Sorte de lampadaire-candélabre, invention d’une entreprise start up française Sunna Design, il fonctionne à l’image d’une petite centrale électrique, capable d’alimenter dans chacune d’elles, sans rupture, 4 ampoules LED et une prise Usb pour le téléphone et le petit électroménager.

Progrès

En test dans une douzaine d’habitations, le service se révèle également accessible financièrement. L’équivalent de 30 € ( 20 000 francs Cfa) pour la redevance initiale et 1,30 € pour la consommation hebdomadaire.

« La lumière c’est l’espoir, un premier pas vers le progrès », remarque encore un des habitants à l’envoyé spécial du journal, après 20 ans à attendre le raccordement à un improbable réseau extérieur.

Défi

Près de 700 millions d’Africains forment le plus gros contingent des 1,5 milliard d’habitants dans le monde encore sevrés d’un accès normal à l’électricité, soit 70 % de la population, le plus faible taux des régions en développement.

Pour les opérateurs étatiques africains, ce retard dramatique relève du défi économique. Déjà, quand il s’agit d’électrifier de façon centralisée des territoires couvrant de grands espaces.

Pré-paiement

Il s’ensuit une électricité forcément chère, 13 cts le kWh, proche des prix européens, voire 40 cts pour bénéficier d’un groupe électrogène.

À quoi s’ajoutent en prime les difficultés de recouvrement, 40 % des clients ne réglant pas leur facture ( le système de pré-paiement mis en place dans le village de Casamance contourne la difficulté).

Aussi, la capacité de production stagne depuis une trentaine d’années, 35 GW pour la totalité du continent à comparer aux 120 GW de la seule production française.

Cop 22

Mais l’Afrique énergétique de demain se manifestera encore plus sûrement à la prochaine conférence sur l’environnement, la COP 22, accueillie en novembre par le Maroc.

Le royaume chérifien qui s’affirme lui-même, dès à présent, comme un modèle dans le développement des énergies renouvelables ( à Paris, les chefs d’état africains ont dit leur volonté de s’orienter vers le modèle bas carbone).

Miroirs

En février dernier, le roi Mohammed VI a inauguré la première tranche de ce qui pourrait être l’une des deux plus grandes centrales photovoltaïque du monde (avec Ivanpah et Topaz aux États Unis), symboliquement baptisée Noor (« lumière en arabe »).

Ce sont 500 000 panneaux sur une superficie de 480 ha qui dressent désormais leur miroirs, réchauffant un fluide thermique, vers le soleil à la lisière du désert, près de la ville très touristique – et emblématique, de Ouarzazate.

Saoudiens

Promue et opérée par le saoudien, Acwa Power, avec un investissement d’un milliard de d’euros, Noor 1 annonce une version finale du parc d’une puissance de 580 MW, à destination de 1 million de foyers marocains.

Avec la ferme éolienne de Tarec à Tarfaya, le Maroc compte sur l’énergie verte pour fournir, d’ici à 2030, 52 % des besoins du pays.

Milliards

Quant au vaste chantier africain, initiatives publiques et privées foisonnent. Manquent l’habituel nerf de la guerre, les 10 à 20 milliards d’€ du plan « Afrique Énergies Renouvelables » ( IAER) décidé à Paris.

Le projet de Barack Obama, Power Afrika, 20 millions de foyers à raccorder en 5 ans, vient seulement d’être validé par le parlement US. Celui de Jean-Louis Borloo, qui vise à doter le continent d’une Agence inter-gouvernementale dédiée à l’électrification, semble avancer d’un bon pas.

R’nB

« Pour connaître la route devant soi, demande à ceux qui en reviennent », dit le proverbe… En l’occurrence l’Afrique ouvre sa propre voie.

Certes le lampadaire du village de Casamance fait pâle figure par rapport à l’immensité des besoins continentaux.

Néanmoins, le chanteur sénégalo-américain de R’nB, Akon, veut dégager un milliard de dollars pour équiper plusieurs millions de foyers en lampadaires et kits solaires domestiques.

Dans les zones rurales, ce sont ces artefacts-là, déployés en « mini-grids », mini-réseaux très locaux, qui apporteront à leurs habitants, au plus vite, le sentiment de ne pas rester parmi les laissés pour compte du 21ème siècle.


Dossier de La Croix, l’Afrique solaire, du 3/4 juin

lecrapaud.fr s’enrichit par ailleurs de nombreuses vidéos sur sa page facebook