La cabane bambou du futur

Curieux d’expérimenter une maison de très, très haute qualité environnementale ? Six familles européennes l’ont fait, dont celle de Hambourg (Rfa), qui raconte avec humour une expérience parfois.. . déroutante.

Formulé par l’initiateur, la société Velux, le contrat était simple. «On vous installe dedans. A vous de nous relater votre quotidien ».

Semblable à tant d’autres dans un quartier de classe moyenne de la ville portuaire, la maison et son grand jardin, agrémenté d’un beau potager, datait de 1954.

Un crapaud-magicien

Soudain, comme par la baguette d’un crapaud-magicien, la voici accédant au statut de Model Home 2020, sans doute actuellement le « nec plus ultra » de l’habitat écologique.

Agrandie à 132 m2, en trois volumes modulables, habillée de 33 fenêtres assurant une surface, toit et mur, de 93 m2, évidemment propice à la luminosité et aux échanges d’air.  Et caparaçonnée en isolation aussi bien qu’une bouteille thermos.

Chaleur de l’air et du soleil

Bien entendu équipée par ailleurs d’une pompe à chaleur et de 2 installations solaires sur le toit, l’une pour chauffer l’eau du cumulus, l’autre destinée à la production d’électricité.

Selon le principe général de compenser par une énergie régénérative la production interne de CO2.

Les Oldendorf, cobayes consentants, et leurs 2 enfants en bas âge, sont ravis. Tant d’espace, tant de lumière. Tant de technologie. Toute résumée sur cet écran tactile accroché au mur, dont la seule contemplation soulève l’admiration du novice et son angoisse définitive.

Une énorme détonation

A peine installés, première surprise. Accrochés un soir à l’émission choc « Tatort », qu’une forte détonation les fait sursauter. A croire que la série policière elle-même débarque chez eux.

L’air de la pièce n’étant plus suffisamment frais, l’automatisation, selon les paramètres, vient de précipiter l’ouverture des 10 fenêtres du salon.

Un colocataire baptisé le « LUI »

Cette fonction domotique, les Oldendorf la considèrent bien vite comme une sorte de colocataire omniprésent. Qu’ils décident, pour le sortir de son anonymat virtuel, de nommer le « LUI ».

Car le « LUI » fait ce qu’on a imprimé dans son Adn. Ordonnant aux fenêtres comme aux stores de se fermer ou se rouvrir d’eux-mêmes, selon les paramètres donnés.

Une puissance démoniaque

Suivant le degré de la température extérieure, l’intensité des rayons du soleil, l’importance du vent, mais aussi la qualité de l’air intérieur. Et les 93 m2 de surface vitrée lui confèrent à l’évidence une puissance démoniaque.

Les Oldendorf commencent à redouter notamment les soirées avec des couples amis. L’air étant plus chargé vu le nombre de personnes, le LUI, assurant sa mission, entrouvre les fenêtres sans vergogne. Quand il fait moins 8 dehors.

Contrarier la technologie ?

Plus insidieuse encore, cette bourrasque d’air frais du dehors, dès que l’on prend sa douche dans la salle de bains en raison de l’humidité dégagée.

Certes, le couple a été instruit de la façon de remédier à ces désagréments. Il connaît le mode d’emploi du « LUI », s’y risquent avec une certaine appréhension. On hésite toujours à contrarier la technologie avancée, qu’on la sait plutôt susceptible et souvent réticente.

Des réveils brusques

Actionner par soi-même l’ouverture des fenêtres, oui mais encore, lesquelles et à quelle ampleur ? Trop grandes au rez-de-chaussée, sans que vous le sachiez, et voici «le « LUI » invitant à la visite des cambrioleurs.

Et s’il faut les fermer, la nuit, le bruit est tel qu’ils réveillent toute la maisonnée. Comme le fait « de se rendre aux toilettes pour un petit besoin nocturne déclenche l’éclairage général de la maison », selon les cobayes de la même maison Air et lumière, dressée, mais en bâtiment neuf, à Verrières le Buisson (Essonne).

« Protocolés » en permanence

Par bonheur, scientifiques, techniciens, sociologues, assurent le suivi de l’expérience. Réceptifs aux observations des Oldendorf et, principalement bien sûr, aux « extravagances » de cette cabane bambou du futur.

« Nous n’avons pas changé notre façon de vivre, mais nous sommes comme derrière une vitrine de verre. 24 heures durant, nos faits et gestes sont consignés, « protocolés », discutés, il faut s’y faire », déclare la maîtresse de maison.

Des fenêtres « chaloupantes »

Et quand les anges gardiens sont là, si, aux alentour de 11 heures le matin, le niveau du cumulus fait un bond, ils savent déjà que quelqu’un a trainé au lit et s’est levé tard.

Récemment, avec un thermomètre à 38 o dans la journée suivie la nuit par une chaleur moite extérieure, sans un souffle de vent, son mari a mis en route la fonction aération, les fenêtres n’arrêtaient pas de chalouper, ouvertes , fermées, ouvertes , fermées.

«  Nous avons fini par les refermer manuellement à 4 heures du matin ? Cette chaleur et ce bruit, c’était pas beau. C’est une maison très bruyante».

Une qualité d’air inégalable

Mais à Hambourg comme à Verrières, l’on souligne avec vigueur l’exceptionnelle qualité de l’air à tout moment. La maison « respire ».

« Ce que nous avons développé est un modèle, extrême si l’on veut, une technologie et des interactions, dont nous ne connaissions pas le résultat possible ou probable, reconnaissent les initiateurs. Il était nécessaire de les mettre en pratique réellement et sur une certaine durée. Pour contribuer à inspirer particuliers comme professionnels dans leurs futurs projets ».

Si on pouvait rester

Les 2 années de test achevées, les Oldendorf ont retrouvé leur ancienne maison, traditionnelle. Ils seraient bien restés.

En se disant qu’ils avaient sans doute goûté, toutes réserves oubliées, à la vie des grands ancêtres, ceux des très lointaines grottes troglodytiques.

Dans une communion presque totale avec les éléments, soleil, lumière, chaleur, froid, mais avec les progrès techniques du XXIème siècle.

Lecrapaud.fr remercie le magazine Stern, les informations de ce billet son tirées d’un article paru en mai dernier, No 19, « Hilfe, unser Haus lebt » .

La maison ART ET LUMIÈRE, à Verrières le Buisson, est visitable sur demande.