États-Unis, l’adieu au charbon

Si les mineurs américains croient encore aux promesses – coups de menton de Donald Trump, grand sauveur de l’industrie du charbon, ils sont condamnés à se plier, tôt ou tard, aux évolutions d’une loi inexorable, qui a pour nom « transition énergétique ». Démonstration, au fil d’un article du New York Times, dans les Appalaches, au cœur du bassin minier américain.

Jeune femme et maman de 2 enfants, Veronica Coptis n’oublie pas les conseils de son père. Quand cette « activiste » part pour ses réunions, elle a toujours sur elle un pistolet Makarov de marque russe.

Son combat contre les mines de charbon n’est pas bien vu ni des (rares) compagnies qui exploitent encore la ressource ni des mineurs qui craignent pour leur job. «  Ça peut se révéler très déplaisant », dit-elle sans forcer le trait. Par chance, sa Nissan n’a jamais été renversée, par hasard, au détour d’une route.

La taille de Manhattan

Son périmètre de lutte, Greene County. Un bout de terre dans les Appalaches, en Pennsylvanie, où les compagnies minières font ou faisaient la loi, occupant jusqu’à 15 % du territoire. Normal, le charbon domine l’économie du pays.

Non loin de la maison de ses parents, en chemin, elle a l’habitude de s’arrêter à l’entrée d’une vallée, où s’entassent sur plus de 5 kilomètres les déchets de production du « Complex Bailey ».

Sans s’être assurée auparavant de la présence ou non de gardes de surveillance autour de ce gigantesque site d’extraction sous terre, équivalent à la taille de Manhattan.

Contrer les permis

La fange des résidus s’enfonce jusqu’à une profondeur de 30 mètres. Une masse tellement épaisse, qu’un ouvrier, tombé dedans, s’y est noyé.

Coptis et sa jeune organisation, CCJ (Centre pour la justice autour du charbon), aidée par le Sierra Club, se sont donnés pour premier objectif de contrer les permis permettant d’ouvrir d’autres puits, arguant qu’ils constituent notamment des menaces pour le système aquifère.

« Sans respect pour la population locale, les opérateurs cassent, pompent et souillent les cours d’eau, donc les effluents naturels », dit-elle.

À ciel ouvert

À quoi s’ajoutent les dangers des résidus et stériles de l’extraction dans des bassins abandonnés à ciel ouvert, toxiques à divers degrés pour les hommes autant que pour les animaux et les plantes.

« Comment se fait-il qu’après deux cents années d’exploitation, personne n’ait trouvé une meilleure idée que de les laisser « prospérer » en surface », s’interroge-t-elle, en présence d’un reporter du journal ?

Pertes et profits

Dans cette région des Appalaches, une sorte d’accord tacite s’est conclu autour du charbon, partie indélébile de son histoire. Emplois contre pollutions diverses et maladies. Les bénéfices des premiers valent largement les coûts des seconds…

Si Coptis devait gagner son procès contre l’extension des activités de Bailey, celle-là, en faillite, dévasterait l’économie locale. 2000 jobs perdus au fond, en ajoutant pour chacun 3,7 autres en surface, affirment ses contradicteurs.

Le charbon, il aime

Pas étonnant donc que, dans ce comté, le slogan de Donald Trump « Rendre l’Amérique à sa grandeur » a largement marqué les bannières tendues dans les rues– avec un score de 66 % de votes en faveur de son élection.

Trump aime le charbon, il en suit les statistiques de production, comme le malade sa feuille de température. Pour Veronica Coptis, des promesses – en l’occurrence restaurer la puissance charbonnière, que seul le marché peut éventuellement concrétiser.

« Crever le cul »

Ainsi, lors d’une tournée de campagne en mai 2016, il lance aux gueules noires qui l’écoutent, dans le parler cru qui le caractérise : « Soyez prêts, vous allez bosser au point de vous crever le cul ».

Mais la mine Bailey a déjà vu disparaître dans Greene County 3 entreprises concurrentes, le recrutement dans le secteur a fortement décliné comme la dégringolade du charbon dans la production américaine ( de 38 %). Du reste, après un parcours dans l’armée, le propre mari de Coptis a perdu son travail de mineur.

Cette insulte de « radicaux »

À Greene County, ils sont encore nombreux à voir leur avenir toujours lié au charbon « Qu’il nous donne 10 ans encore, le temps que nous remboursions nos crédits, de voiture, de maison, d’aide à l’éducation des enfants », répondent les mineurs. Mais après, ajoute Copsis ?

Issue d’une famille ouvrière, un peu rondelette de corpulence, reconnaissable par les fossettes dans ses joues, Coptis, d’abord bien seule, voit ses efforts se concrétiser. Son association s’agrandit, bien que ses membres passent pour des « radicaux ».

Aujourd’hui le schiste

Pour eux, les faits sont là. Déjà l’automatisation dans les galeries des mines a réduit l’emploi, lequel, en 3 décennies, a chuté de 180 000 jobs à 50 000 postes. Mais la menace la plus sévère, présentement, vient évidemment du gaz naturel.

Du reste, la société Consol Energy, qui opère Bailey, la dernière mine en activité du coin, l’a mise en vente pour se développer dans la production gazéifère.

Demain le « vert »

Voici que pointe le prochain saut, remarque un expert, oublié charbon contre gaz, place aux renouvelables.

L’énergie issue du solaire de l’éolien est devenue suffisamment compétitive pour peu à peu supplanter les fossiles. Une évolution qui n’entrainera pas les problèmes de santé dus au charbon, estimés pour l’État de Pennsylvanie à plus de 6 milliards de $ par an.

Chantiers d’un jour

Déjà, près Duke Lake asséché par les dépôts, on voit stationner devant le « bar and chips » local des pick-up immatriculés Texas, Arkansas ou Nord-Dakota.

Les gars restent peu de temps sur place, pour des chantiers d’un jour. Trois petits tours et s’en vont. À Greene County, la mine pour la vie entière, bientôt de l’histoire ancienne.

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Nos informations proviennent d’un article du New York Times, « The future of coal country », paru le 3 juillet 2017.