Équateur, « Mineria te connecta »

Or, charbon, pétrole ont fait la richesse de nos sociétés, bien servi leur développement (et intérêts), mais aussi causé de graves dégâts dans leur environnement naturel. Aux quatre coins du globe, les peuples premiers et leurs chefs, souvent aidés par des associations, sont les premiers à dénoncer des projets industriels démesurés. Cas type, celui des Indiens Shuars, en Équateur.

Au moment même où 14 de leurs représentants lancent un appel à l’humanité, spécialement au Président Bolsonaro du Brésil,  celui de prendre des mesures pour protéger le caractère sacré de l’eau, de l’air, de la terre, du feu, du cycle de la vie et de tous les êtres humains, végétaux et animaliers.

Pour leur part, les Shuars Arutam ont une réputation qui leur traine aux chevilles, aussi appelés Jivaros, réducteurs de tête, coutume de vengeance dite Tsantzas, qui a marqué l’imagination occidentale et nos bandes dessinées. Depuis longtemps interdite, mais il n’est pas mauvais, ajoute un de leurs chefs au magazine Stern, que « Nos ennemis y croient encore «.

Insoumis

Alors quand leurs premiers techniciens chinois, accompagnés d’employés locaux sont venus poser jalon à Nantkins, tête de pont du projet minier (cuivre) de San Carlos Panantza, les Shuars d’Équateur n’ont pas tardé à réveiller leur âme insoumise, guerriers farouches et redoutés, jaloux de leur indépendance. Ouverture des hostilités en août 2016.

Chassés de ce bourg par la force, ils n’hésitent pas, armés, à le réoccuper.  Un policier aurait trouvé la mort sur le site, déclenchant aussitôt une violente répression.

Destruction

L’état d’exception s’abat sur la province, des centaines de soldats et leurs véhicules militaires procèdent à la destruction de maisons et de récoltes. Des mandats d’amener sont portés sur certains chefs. Déjà 3 auraient été tués, de nombreux autres incarcérés ou recherchés.

Certes, on a bien accordé à leur Confédération 11 000 km2 de territoire en pleine Amazonie. Mais sol ne signifie pas sous-sol, dont les multinationales se disputent désormais la richesse.

Stratégique

Plus petit membre des pays exportateurs de pétrole (Opep), l’Équateur a longtemps misé sur ses ressources pétrolières, hélas frappées par la baisse prolongée des prix, le pays est aujourd’hui en récession.

Aussi décide-t-on de faire de ce sous-sol providentiel un secteur stratégique pour l’avenir du pays. Les entreprises chinoises s’y précipitent et signent 3 des plus grands projets, extraction d’or et de cuivre, dans le sud du pays (les autres étant canadiennes).

Or, il se trouve que, sur San Carlos Panantza et les 41 000 km2 attribués à la société Explocobres,  50 % se trouvent en territoire shuar.

Ruinés

Du reste, nulle part, disent les observateurs, les Chinois sont aussi puissants qu’ici. En échange de l’exploitation du pétrole local, acheté à prix réduit, ils financent, au moyen de crédits à fort intérêt, la construction d’infrastructures, routes et barrages. Et sont en pointe dans la conquête métallifère.

« En Équateur, nous sommes tout juste en phase d’exploitations intensive, mais les expériences du passé et celles du continent latino-américaine ne plaident pas en faveur d’une activité sans fort impact environnemental et social, souligne Ricardo Bitron de l’Ong Accion Ecologa, au site Info (Rtbf)…

… Penser que ce secteur « va sauver «  l’économie équatorienne est un mythe … Nous sortons du plus gros boom pétrolier dans l’histoire du pays et nous sommes ruinés»

Résistance

De l’Équateur jusqu’au Pérou, fort de 120 000 personnes, les Shuars constituent le groupe le plus nombreux de l’ensemble linguistique jivaro (sauvage, barbare). Qui vivent de l’élevage bovin, font commerce du bois, pratiquent l’extraction minière légale ou illégale dans cette partie du pays appelée l’Oriente. Région au climat tropical , exceptionnelle en biodiversité, où se rejoignent, disent les autochtones, condors et jaguars.

Certains se battent contre une exploitation pétrolière avec le soutien d’Ong internationale et d’avocats. Ailleurs, ils forment une armée et sollicitent la sympathie de stars du cinéma, comme Leonardo di Caprio. Face aux chercheurs d’or illégaux, autre souci, d’autres s’équipent d’artefacts électroniques, drones, gps, et surveillance vidéo.

Souverainneté

Mais on se laisse aussi séduire par les sirènes habituelles du colonialisme bon teint, distribution d’argent, de voitures, de portables, les Chinois savent faire.

D’une famille militante, un jeune shuar souligne à Reporterre, que le moteur de la résistance n’est pas tant l’environnement, ni même la préservation de la culture, que la souveraineté. « Si l’entreprise qui exploite le cuivre sur nos terres s’appelait « Petroshuar » et n’était gérée que par nous, notre peuple se prononcerait pour l’extraction à une vaste majorité », remarque-t-il.

Enjeu

Pour le groupe Arutam, il n’est pas question de céder, encore moins de se laisser corrompre. Les Jivaros n’ont-ils pas tenu tête aux armées de l’empire inca, au 16ème siècle, puis aux conquistadores, notamment grâce à leur grande connaissance du massif forestier.

Mais face à l’enjeu, financier, il serait illusoire de croire que les investisseurs de l’Empire du milieu, soutenus par l’État, plient bagages et rentrent docilement à la maison. D’ailleurs un panneau est apparu sur une hutte «  « Mineria te connecta », la mine te connecte. C’est déjà tout dire.

lecrapaudsuit

1ère bataile gagnée par d’autres Indiens d’Équateur, waoranis, avec le jugement d’un tribunal pénal local, qui suspend les projets d’exploitation pétrolière du gouvernement sur 180 000 ha de leur territoire, les juges considérant, entre autres, une atteinte au droit constitutionnel des peuples. En raison des risques possibles, le groupe argentin, Tecpetrol,s’était sagement désisté du projet.