En retard d’une autre guerre

On aurait pu imaginer qu’avec la crise économique, le prix du pétrole, les multiples événements attestant le réchauffement climatique et la pression médiatique, la France se serait engouffrée dans les énergies renouvelables.

Erreur : Nous sommes un des rares pays européens, où la part de l’électricité provenant d’énergies renouvelables n’a pas progressé entre 1990 et 2010.

On l’a oublié, mais il fut une époque où la France donnait le ton dans le domaine avec, entre autres, un Commissariat à l’énergie solaire (Comes) et la centrale solaire à concentration Thémis dans les Pyrénées orientales.

On a même vu naître Photowatt, une entreprise remarquable, mondialement reconnue, dans la fabrication de panneaux photovoltaïques. Mais …

Un sort ingrat lié au pétrole

Le sort des énergies renouvelables est étroitement lié à celui du pétrole, on ne s’en étonnera pas.

Remontons le temps : 1973, la première crise de l’or noir lance la recherche, 1980, la baisse du prix du baril casse la dynamique, 2000, la remonté du coût relance l’intérêt pour les ENR qui repart doucement.

15 % avec peine

Au bout du compte, la part de notre électricité provenant des ENR atteint un pénible 15 %, alors que la France s’engageait à viser l’objectif de 21 % en 2010.

Ainsi que le relève un remarquable article cosigné par l’ancien ministre Paul Quilès, qui lance un cri d’alarme quant au retard pris dans leur développement et les multiples entraves, auxquelles se heurte cette transition énergétique nécessaire.

Le nucléaire écrase

On les connaît. A commencer par la perpétuation de la suprématie du nucléaire, tant dans l’organisation énergétique française ( et dans le système de pensée des élites).  Pour preuve, la construction de nouvelles centrales de type EPR.

Pourquoi des sources alternatives, quand le bon vieux nucléaire – si propre, si sans risque, si profitable au consommateur – satisfait les besoins nationaux ? A croire que nos décideurs songent en secret qu’il faut faire croître les ENR, mais pas trop.

Un cumulus solaire, pourquoi ?

Remercions les vieilles centrales amorties. Le choix d’un ballon d’eau chaude solaire ne s’impose pas au regard d’un kilowatt/heure à moins de 14 centimes. Mais il s’imposerait, si ce kilowatt/heure passait les 20 ou les 25 centimes comme chez nos voisins directs.

Gardons à l’esprit cependant que le prix de l’électricité risque de fortement augmenter dans les prochaines années (on parlait de 20 % récemment), en raison notamment des travaux gigantesques à réaliser sur les centrales existantes, notamment après la catastrophe de Fukushima.

Faillites et chômage

Entrave numéro 2 : l’inconstance des politiques publiques. On a commencé par laisser se créer une « bulle solaire », mais les tarifs de rachat trop élevés ont contraint de corriger brutalement le tir.

Avec pour conséquence des projets d’implantation d’usines mis au placard, la faillite de centaines de petites entreprises et le chômage pour des milliers d’installateurs, tout juste formés.

Le « yoyo » des tarifs

Soumis à un constant mouvement de « yoyo », ce tarif a été revu à la baisse à plusieurs reprises ces derniers mois, sans justification. Cependant toujours financé entre autres par la part de 3 % du Renouvelable (toutes technologies) dans la contribution au service public (CSP), qui apparaît sur nos factures d’électricité domestiques.

Enfin, autre mal bien hexagonal, la conduite du développement de façon très centralisé, par des appels d’offres qui la plupart du temps ne peuvent amener à concourir que de très gros groupes (Edf, Suez, etc, notamment dans l’éolien). Ne serait-ce qu’à constater les péripéties de l’éolien alternatif.

Alors que se tient un débat sur la transition énergétique, peu audible (selon Ipsos, 4 Français sur 5 n’en ont jamais entendu parler), organisation confuse, absence de pédagogie, débats filandreux…

50 000 Mw un certain midi

La filière solaire s’étouffe. Dispositifs réglementaires, maintien de procédures d’appels d’offres inefficaces et discriminatoires découragent le plus têtu des entrepreneurs, par ailleurs étranglé, sinon écoeuré par la politique tarifaire, notent les auteurs Quilès et Braderie.

Par un samedi caniculaire, le seul photovoltaïque, combinant les panneaux des particuliers et des fermes industrielles, fournissait 50 000 Mw, de quoi couvrir à midi l’ensemble des besoins du pays. Mais c’était en Allemagne, un week-end de Pentecôte l’an dernier.

10 années de retard

Ainsi le retard nous place 10 années derrière notre voisin d’outre-Rhin. Et l’espoir perdu de notre côté de la production d’équipements dans ces technologies matures, tours d’éoliennes, installations de chaufferies (pour le méthanisation), panneaux solaires. On importe, d’Allemagne notamment.

Et toujours par comparaison avec l’Allemagne, moins de 100 000 emplois directs crées en France contre 350 000 en face.

23 %, nouvel objectif

Ne désespérons pas. La France a pris un nouvel engagement pour monter à 23 %  sa consommation énergétique à partir des renouvelables de façon contraignante cette fois.

Effort souligné en septembre par le Président Hollande lui-même. 231 petites centrales solaires ont été mis en appel d’offres récemment.

Au Syndicat des énergies renouvelables, on est dubitatif. « Sans accélérer le mouvement, mission impossible ».

Le débat sur les 200 à 300 millions d’euros de panneaux importés de Chine, que l’Europe veut punir d’une taxe, fausse la réflexion. On ne concurrencera jamais les Chinois dans certaines productions (ordinateurs, Smartphones, ou cellules solaires, etc).

Un énorme bassin d’emplois

Mais grâce à l’avancée des renouvelables,  l’ingénierie des projets, la fabrication de composants, la construction, la maintenance, non délocalisables, enrichiraient, notamment en période actuelle, un formidable bassin d’emplois, sans oublier la recherche et le développement.

Et compenserait notre déficit énergétique (largement du aux énergies fossiles) qui cumule les 69 milliards d’€.

Une formidable richesse

Les ressources naturelles sont à portée de main, abondantes et inépuisables : soleil dans le sud, vent et marées sur un littoral exceptionnel, un riche territoire agricole (pour la biomasse) et forestier (chaufferies au bois).

Il est temps de sortir d’une relation contrariée avec cet avenir pour un vrai choc énergétique.