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Consommation : le syndrome de l’iPhone5 ?

« Obsolescence programmée », mieux encore « désuétude planifiée », ça fleure bon l’idiome technologique. En d’autres termes, vivons-nous dans un système, où tout est fait pour que les produits que nous consommons soient d’entrée de jeu entachés d’une durée de vie limitée ? Question d’autant plus d’actualité en cette période de course effrénée aux cadeaux de Noël.

L’histoire nous a laissé quelques exemples avérés et parlants. Débuts de l’automobile, la célèbre Ford T n’a pu se prévaloir de sa solidité et de son succès durant 19 années d’existence, quand survient General Motors produisant à la file de nouveaux modèles, aussitôt démodés par les suivants.

Plus tard, années 40, la société américaine Du Pont de Nemours ayant inventé le bas nylon si galbant, plaisir des femmes, bonheur des hommes, mais jugé trop solide et durable, le modifie, afin de le voir filer régulièrement. Plus proche de nous, de nombreuses semelles de chaussures de sport rendraient l’âme au bout de 2 ans.

La « Pomme » dans le collimateur

Mais ce qui a relancé le débat, et remobilisé sur le sujet les associations écologistes, c’est la venue au monde, comme le nouvel objet de tous les rêves, de lIPhone5, très vite suivi dans les nouveautés d’Apple par l’iPad Mini, l’iPad4, le macBook Pro, l’iMac et le Mac Mini. Fermez le ban.

Comme on peut le lire dans un passionnant article du journal Libération, « une vilaine fée a pour habitude de se pencher sur le berceau de ces petites merveilles, car voici qu’elle a signé la mort de 4 générations d’iPad en 2 ans et de six iPhone en 5 ans ».

Porter le fer

Les Amis de la terre ont été les premiers à monter au créneau pour dénoncer les « conséquences environnementales de la course à l’innovation que se livrent (notamment) les géants du secteur hi-tech ».

Pour marquer le coup à son tour,  le jour même du petit dernier iPhonique, Benoît Hamon, ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire, porte le fer dans la plaie plus brutalement. « Acheter un appareil destiné à être démodé un an plus tard pose d’autant plus de question que le constructeur en a lui-même organisé son obsolescence ». Et de demander au Conseil national de la Consommation d’enquêter sur le problème…

Une durée de vie divisée par 3

Par l’intermédiaire du Groupement professionnel de fabricants d’appareils électroménagers, les industriels rétorquent qu’on leur fait là un procès de grande injustice, « nous n’avons jamais constaté la moindre pratique pour mettre un terme délibéré aux produits ».

Il n’en reste pas moins, que la durée des équipements s’est divisée par 3 en une génération. Pour exemple, l’ordinateur qui vous tenait la main pendant 11 ans en 1985 peut vous donner son congé au bout de 3 aujourd’hui. Souvent impropre à assumer l’évolution des programmes et logiciels.

L’activité industrielle en question

Conséquence malheureusement inhérente à la société de consommation actuelle, au cœur de notre système économique, selon Green.IT : Si nos objets avaient la particularité de vivre très vieux, l’absence de rotation menacerait sérieusement l’activité industrielle, partant l’existence des entreprises, l’emploi, voire même l’amélioration du niveau de vie et de confort de tous.

D’ailleurs, à quoi servirait-il de fabriquer des téléphones portables, familier à votre oreille durant 10 ans, alors que la moindre coque plus chatoyante, ou l’application plus séduisante, nous donne envie d’en changer tous les 6 mois? L’apparition de la TNT terrestre nous obligeait-elle à sortir le carnet de chèques pour l’achat d’un écran plat ?

Acheter le moins cher

Matraqués, « enfumés » par le marketing, la mode et la pression des fabricants, nous avons pris l’habitude de vouloir acheter au plus bas prix, de considérer que ce dont nous nous vêtons ne durera comme les roses que le temps d’un printemps et que, de toute manière, plus rien n’est réparable aujourd’hui. Bref, ne serions-nous pas les premiers fautifs ?

Apple se moque sans doute du souci d’obsolescence programmée, quand les nouveautés portant son sigle sont tellement emblématiques, qu’on ne s’étonne plus de voir leurs fans, par addiction et parfois vanité, se jeter dans les magasins pour être parmi les premiers à les acquérir.

500 kg de déchets par habitant

L’obsolescence nous confronte avec les dérives de notre société de consommation à outrance, à commencer par leur impact sur l’environnement. Usiner un Mac Book émet 90 fois plus de CO2 qu’un an de son fonctionnement.

Les ressources naturelles s’amenuisent, on voit la fin de réserves en métaux dans une trentaine d’années, avec un rythme de production récurent de 2 %. Par ailleurs la surconsommation génère un surplus de déchets évidents ( 500 kg de déchets ménagers par habitant dans l’UE). Leur exportation en masse vers l’Afrique ou l’Asie, où s’offre un stockage à moindre coût, expose les pays à des pollutions spécifiques, parfois graves.

Réparer, reconditionner, redistribuer

Les consommateurs souhaitent déjà obtenir des constructeurs une meilleure information sur qualité et longévité des produits. Aux gouvernants de prendre leur part, afin de renforcer les garanties et de condamner les abus flagrants. Aussi de soutenir les initiatives de ces associations de plus en plus multiples qui se font un point d’honneur de réparer, rénover, reconditionner, redistribuer les produits de nos excès ( « commentreparer.com », « Envie » ou « Les ateliers du bocage » (Emmaüs), ouvrant la porte à de nouveaux emplois.

Dans les pays du nord, qui ne badinent pas avec l’environnement, les autorités regardent d’un œil de plus en plus sévère la cohorte des objets jetables, briquets, rasoirs, stylos, couches-culottes, il ne serait pas surprenant qu’ils décident de les mettre au rancart par force de loi. Aux Pays Bas il est déjà interdit aux écoliers de se servir de stylos à billes non rechargeables.

La fin des jetables

Un certain malaise autour de ces « ready made » d’aujourd’hui semble se faire jour même chez le consommateur. Les ventes des rasoirs Bic stagnent. Celle de Gillette aussi. « La marque a cessé d’en faire la publicité, signale son directeur général. Les clients se portent davantage sur des rasoirs de meilleure qualité, même plus chers ».