Climat : Tous acteurs

Parfois, on peut se sentir décontenancé, sinon impuissant, devant la montée des périls environnementaux, qu’affrontent notre bonne vieille terre.

Chroniqueur radio à France Inter, Valère Corréard donne sa réponse à ces questionnements, dans un guide pratique, « Changer d’ère, l’air de rien », très complet et illustré avec humour.

lecrapaud : Cette question, sommes-nous vraiment en marche vers ce « changement d’ère», en panne pour certains, voire en régression pour d’autres ?

Valère Corréard : Il y a peu, les climatosceptiques faisaient encore entendre leur voix. C’est fini, la dynamique est là, une montée en puissance, de tous côtés, experts, scientifiques, gouvernants, entreprises, médias audio-visuels, édition. Pour moi, c’est encore insuffisant. Dans cette dynamique, je crois beaucoup à la démarche de « nous, tous acteurs ».

lc : C’est le propos de votre approche.

VC : D’abord donner au lecteur ces informations claires pour comprendre les grands enjeux actuels, consommation, mobilité, énergie, information, implication citoyenne. À partir des solutions que je propose, les aider à mieux vivre, avec soi, avec les autres, avec la planète. Mais aussi aider à donner sa part à un monde, qui ne peut échapper à la transition. À son échelle, sans culpabilisation.

lc : Le gouvernement actuel ne reste-t-il pas en deça de ce qu’il pourrait ou devrait faire ?

VC : Les pouvoirs publics sont encore dans cette lenteur, cette technocratie, qui exaspèrent.

lc : Vous consacrez votre premier chapitre à l’alimentation durable.

VC : Regardez la loi en train d’être votée, décevante par rapport aux annonces présidentielles. Je pense qu’on aurait pu y inscrire l’interdiction du glyphosate, les agriculteurs ont de toutes façons l’intention de passer à autre chose… Regardez la place du bio en France, sujet majeur, si on ne développe pas une filière nationale forte, qualitative, rémunérant correctement les producteurs et s’inscrivant dans le cycle naturel de la biodiversité, on va se trouver avec du bio, low cost, hors sol, importé. Il faudrait fortement aider l’agroindustrie à se développer dans ce sens, les consommateurs sont demandeurs.

lc : Se pose aussi la question de la condition animale.

VC : Comment est-il possible d’accepter chez nous, en 2018, les élevages de poulets en batterie ? Comment puis-je raconter à mon fils que l’oeuf à la coque qu’il mange le matin vient de poules qui n’ont pas de plumes, compressées, encagées avec leurs petits cousins mâles broyés à la naissance. Une souffrance inacceptable Parfois, on devrait juste regarder ce qu’on peut raconter à nos enfants, à partir de ce qu’on assume ou pas soi-même.

lc : On parle beaucoup actuellement des ces importations d’huile de palme « bon marché » pour l’usine Total de Mède, alors qu’on demande à nos agriculteurs de produire du biodiesel, en respectant les règles sanitaires et environnementales. Distorsion de concurrence, dit le Président des Jeunes Agriculteurs.

VC : Le vrai problème à mes yeux est celui de la voiture dans nos vies. Est-elle la solution envers et contre tout, qui implique d’ailleurs, dans la plupart des cas, de se déplacer au moyen de carburants fossiles ? Bien sûr, nous sommes prisonniers d’un marketing forcené, les concessionnaires automobiles sont les plus gros annonceurs publicitaires. Mais il est aussi de faire comprendre aux gens, que prendre son vélo plus régulièrement impacte positivement leur santé, le climat et l’économie.

lc : Y aurait-il du côté de nos dirigeants un problème de communication ?

VC : Nous avons de bons communicants, mais pas de vrai élan, de vision, c’est dommage.

lc : Vous insistez sur la nécessité de faire vivre et la démocratie participative ?

VC : Ne pas se contenter d’une société où la seule action citoyenne serait de voter. Pour réconcilier la population et ses représentants, on dispose aujourd’hui d’une large palette d’outils, plateformes de rencontres et d’initiatives, pétitions, boycott, consultations par internet (que le gouvernement vient de lancer pour la 1ère fois sur les retraites), budgets participatifs dans les villes. La parole se diffuse très vite notamment par les réseaux sociaux, autant de démarches dans le sens du développement durable. Tendre vers un idéal de nouvelle modernité tout en préservant les générations futures.

lc : Les écologistes, peut-être plus âgés, même s’ils partagent ce combat au quotidien, sont sceptiques sur le fait que l’on arrivera à renverser la table, comme vous dites. Le changement climatique, cadenassé à 2o, qui peut encore y croire ?

VC : Sinon on fait quoi ? Je reste les bras croisés et je regarde la caravane passer… Mon approche à moi, c’est de se tourner vers les solutions, je pense que la croissance est compatible avec sobriété et développement durable, mais un pari que je ne peux gagner seul, bien sûr.

lc : Vous parlez d’»égologie » plutôt que d’écologie ?

VC : Oui, mettre les intérêts particuliers avant les intérêts collectifs, expliquer comment faire des économies, vivre autrement, penser à sa santé, trouver tu temps pour soi, changer sa façon de s’habiller par exemple, en songeant qu‘il y a derrière des enfants qui triment dans des usines lointaines… Les vêtements de meilleure qualité que vous allez porter, c’est aussi bon pour la planète. Déclencher ces multiples mouvements fera bouger les choses. Toutes générations d’écologistes convaincus, notre intérêt, taper le plus fort possible.

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Le guide de Valère Corréard est récemment paru aux Éditions de l’Échiquier.