Blaireaux et compagnie

La campagne anglaise est en rébellion. Dans le West Sussex, un village se bat farouchement, avec succès, contre un projet d’exploitation du gaz de schiste. Plus à l’ouest, on passe des nuits blanches pour sauver des blaireaux. Et, de l’autre côté de l’océan, aux Etats Unis, des commandos libèrent les visons d’élevage, en risquant gros.

Qu’ils soient domestiques ou sauvages, les animaux suscitent de plus en plus d’actions de défense, souvent dures et déterminées.

Chaque nuit, depuis le mois d’août, dans le Gloucestershire ou le Somerset, 2 régions rurales de l’Ouest de l’Angleterre, s’affrontent en une sorte de guerre picrocholine des éleveurs de bétail et des activistes de la cause animale, plus exactement de la cause du blaireau, au demeurant fierté nationale.

Agent de la tuberculose

En résumé : le gouvernement a autorisé l’abattage de la bête par des tirs de fusil, le blaireau est accusé de transmettre la tuberculose bovine et serait responsable de 300 000 victimes dans le bétail depuis 9 ans.

Alors, dès qu’un bruit de détonation troue le silence la nuit, un « collectif » se met en place, se vêt chaudement, car il fait déjà très froid ces dernières nuits et tente de secourir l’animal par des sifflets, cris et hurlements, de façon à le faire retourner bien vite dans son terrier.

Méfiance des deux bords

Ainsi, près de 500 « patrouilleurs », rien  que dans le Gloucesterschire  se mettent en alerte la nuit tombée, médecins, instituteurs, pompiers, d’ailleurs soutenus dans leur combat par le guitariste du célèbre groupe Queen , Brian May.

Vêtus d’un gilet fluo frappé du sceau du plantigrade, ils se répartissent par petits groupes de 4 personnes si « cela devait tourner mal », il faut se méfier des fermiers, exacerbés, qui tournent dans leur 4/4 à la recherche du premier blaireau à occire.

Attiré par des cacahuètes

Le groupe est relié à une sorte de QG par téléphone portable, tenu chez lui par un retraité, qui avise d’une possible « scène du crime ».

Respectant l’interdiction d’armer le fusil et de tirer dès qu’une présence humaine peut être dans les parages, les éleveurs n’ont plus qu’à battre retraite, alors qu’ils ont tenté pendant des jours à attirer le blaireau, animal crépusculaire, hors de son terrier par des monceaux de… cacahuètes.

À quand le gazage ?

Récemment la police est venue sur site, comme le relate l’Afp, 3 fonctionnaires, un peu perdus dans cette galère, sans  déclencher d’inquiétude parmi les « saboteurs ».

La campagne d’abattage a fait long feu, si l’on ose dire, seulement 850 individus au tableau de chasse, si bien que le gouvernement réfléchit à des méthodes plus radicales, le gazage des terriers.

Indignation totale dans les rangs des défenseurs, exprimée sans nuances par le comédien Bill Oddie : « Cela rappelle les heures les plus sombres de notre histoire ».

Le vison libéré

Aux Etats Unis, c’est un autre petit mammifère qui fait parler de lui. Les défenseurs des droits des animaux ont mené plusieurs raids pour libérer des visons dans les fermes d’élevage. On compte environ 300 exploitations dans tout le pays et le marché est évalué à 300 millions de dollars.

Revendiquées pour 3 de ces raids par le Front de Libération des Animaux (ALF, Animal Liberation Front), les actions ont permis de relâcher  7700 animaux depuis le mois de juillet et près de 3000 supplémentaires récemment.

Actions criminelles

Les éleveurs, qui fournissent des fourrures haut de gamme, sont furieux. Leur confrontation avec les activistes n’a plus le caractère un peu « clochemerle » des nuits blanches de la campagne anglaise.

Aux yeux du département de la sécurité intérieure, ces actions sont classées comme de l’éco-terrorisme et constituent donc une menace pour la sécurité intérieure, qui peut mener à des peines d’emprisonnement.

Libérer les vaches

Un ancien de ces défenseurs en a fait l’expérience en 2005. Lors d’une opération précédente, en 2006, un autre se suicidera en garde à vue

Le but n’est pas d’agir contre la fourrure mais contre l’exploitation des animaux, affirment-ils. Ils libéreraient des vaches si celles-ci avaient un habitat naturel.

Les éleveurs leur répliquent que ces « actes » n’ont pas de sens, les visons, ne sachant plus chasser, sont incapables de s’adapter au milieu sauvage.

La violence si nécessaire

Parler de terrorisme en association avec l’écologie est toujours choquant. On sait que Front de libération n’entend pas renoncer à la violence, si nécessaire : « Nous nous battrons jusqu’à ce que chaque cage soit vide, pas jusqu’à ce que chaque cage soit confortable ».

La cause animale a pris une tournure plus formelle en France, avec cette pétition de la Fondation 30 millions d’amis, pour faire évoluer le cadre juridique des animaux. Inscrit dans le code civil comme droit dit « meuble », l’animal devrait être spécifié à l’avenir comme un « être vivant et sensible ».