Au secours, le charbon revient

Énergie fossile la plus polluante, on aurait pu penser que le charbon, face à l’émergence des renouvelables, glissait vers son déclin. Les centrales ferment, les écologistes montent au créneau. Mais le combustible fournit encore un tiers de l’électricité mondiale, avec une forte croissance depuis 30 ans.

En Australie, dans le Queensland, la mine de Carmichael est appelée à devenir l’une des plus importantes au monde, de celle que l’on pourra voir par le hublot de la navette spatiale.

Avançant un budget de plus de 11 milliards d’€ pour une production à terme de 60 millions de tonnes/an, le projet du groupe développeur indien Adani a reçu l’aval, dès 2014, du gouvernement australien.

Réserves aquifères

Mais les associations de défense environnementales mettent en avant, entre autres, la perspective probable d’importantes émissions de gaz à effet de serre, de 297 millions de m3 d’eau prélevées sur les réserves aquifères et le piètre bilan environnemental du conglomérat Adani.

Leur dernier argument choc, la menace pesant dans le territoire prévu sur 2 espèces animales indigènes, un lézard (egernia rugosa) et un serpent ( denisonia maculata).

Innocents reptiles

Sensible à cette cause, la cour fédérale australienne leur donne raison cet été, suspend l’accord donné par les autorités de Canberra. Simple problème administratif, répond-on du côté officiel, la suspension sera annulée, une affaire de semaine.

Les innocents reptiles ne sont pas les derniers éléments de discorde. Les militants dénoncent encore les dégâts à attendre du terminal portuaire prévu à Abbot Point, dans la Grande Barrière de corail ( Patrimoine de l’humanité).

Le charbon y sera acheminé grâce à la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire de 200 km, également mis en cause.

Bon pour l’humanité

Le groupe indien n’est aucunement désireux de laisser faire, soutenu par le premier ministre australien. Ce dernier est persuadé, que la mine Carmichael verra le jour, « apportant l’électricité à 100 millions d’Indiens ».

Il en appelle en passant à cesser la « diabolisation du charbon, bon pour l’humanité ».

Abonnés absents

Pas si sûr qu’il soit entendu. Suite au jugement de la cour fédérale, la Commonwealth Bank, l’un des premiers prêteurs pour les projets miniers et conseil pour Carmichael, s’inscrit aux « abonnés absents ».

Se sont désengagées également dans la foulée 3 banques françaises et d’autres gros calibres financiers européens, considérant sans doute – la tête froide, comme d’habitude, que le prix du charbon ayant perdu la moitié de sa valeur, l’affaire n’est plus viable.

Gueules noires

Cela fait un bout de temps qu’en France, les « gueules noires » et les carreaux de mine ne font plus vibrer poètes et chanteurs, l’activité charbonnière s’est éteinte progressivement, nucléaire aidant et faute de filons dignes d’être exploités à bon prix.

En Grande Bretagne, la compagnie nationale du charbon vient de fermer la dernière mine, au nord du pays. Une époque, là aussi, s’engloutit dans les vécus de l’histoire

L’ère Thacher

Qui ne se souvient d’une industrie britannique qui employait plus d’un million de personnes, marquée notamment par les affrontements dramatiques des mineurs avec Margaret Thacher (mais le Royaume uni maintient ses importations).

Aux Etats-Unis, on met la clé sous la porte à tour de bras, 200 centrales au rebut, la loi sur la protection de l’air (Clean Air Act) est passée par là, aussi la crainte de l’explosion des droits à polluer.

Selon le Sierra Club, les petites installations auraient causé par leurs émissions 6 000 attaques cardiaques, 60 000 crises d’asthme et 3 600 morts.

Chancelière en peine

Bien en peine dans cette évolution, Angela Merkel. Ayant décrété la fin du nucléaire allemand (2022), la chancelière de la « transition énergétique», avant d’être celle des « réfugiés », est mise en faute.

45% de la production brute d’électricité allemande (charbon et lignite, stat de 2013) provient encore des centrales à charbon, pour elle un primat difficile à écorner en dépit de l’explosion outre-Rhin, sans précédent ailleurs, des énergies vertes.

Car la filière fait vivre 30 000 personnes dans des régions, Ruhr, Lusace, près de la frontière polonaise, sans grande perspective de reconversion.

Suppression d’emplois

Dans la coalition gouvernementale, le parti social-démocrate suggère de taxer les plus vieilles des centrales pour les contraindre à la fermeture.

Les énergéticiens et les régions concernées renâclent, agitent les suppressions d’emploi et imposent l’ouverture d’une nouvelle mine de lignite, le plus sale, à ciel ouvert.

Moins 40 %

Mais pour Madame Merkel, l’heure des rendez-vous approche, celui de la Conférence de Paris en décembre et la promesse de réduire les émissions allemandes de CO2 de moins 40% par rapport à 1990.

Chancelière du « climat » ou chancelière du « charbon » l’apostrophait-on dans de récentes manifestations autour de Greenpeace.

Renouvelable à parité

Cependant, même dans les pays, où le charbon est roi, l’avenir semble le condamner. En Chine notamment. À l’horizon de 2040, la production d’électricité « verte» sera à parité réseau, donc distribuée, de celle des fossiles.

Pour atteindre 97 % des capacités au Brésil, 90 % en Allemagne, 77 % au Royaume uni.

Déclin ou pas ?

En 2012, le charbon assurait encore près de 30 % de la production primaire mondiale d’électricité, avec la plus forte croissance depuis 30 ans, malgré le regain du pétrole et la montée du gaz naturel. À consommation constante, ce fossile pourrait encore soutenir 2 siècles d’exploitation.

Quelques-uns des matériaux, notamment des métaux rares, liés aux activités écologiques (panneaux solaires) ou aux produits connectés (téléphone, etc) seraient, paraît-il, épuisés bien avant.