Le solaire pour les pauvres

Éleveuse de chèvres masaï en Tanzanie, debout devant l’enclos, dans une semi-pénombre, elle tient bien droite une lampe électrique, qui éclaire son visage. Et dans l’autre main, un panneau solaire portable. Affirme même que l’éclairage fait fuir les hyènes, qui tentent de s’approcher de ses bêtes.

Proposés par des associations, ces systèmes d’éclairage ont l’avantage de coûter peu cher, génèrent 1 ou 2 W de puissance, alimentent des ampoules Led et sont évidemment rechargeables à satiété. De plus, ils éliminent l’utilisation des dangereuses lampes-tempète à pétrole. On compte, comme cette éleveuse Masaï, plus un milliard et demi d’individus , qui n’ont pas accès à l’électricité. Rien qu’en Afrique sub-saharienne, 90 % de la population se trouve dans cette situation. Et l’on pense que leur sort ne s’améliorera pas d’ici à 2030, si l’on poursuit le scénario actuel d’équipement. Or, même l’accès à une quantité réduite d’électricité induirait des améliorations salutaires dans l’activité agricole, l’accès à l’eau potable, la santé, l’éducation, les communications. Les populations indigentes paient cher pour avoir de la lumière. Sur 10 ans, une famille consacre en moyenne 1800 $ à ses besoins énergétiques, soit 25 à 30 % de ses dépenses. Une facture mondiale qui, pour 20 % d’habitants pauvres de la planète, est évalué à 20 % de la dépense mondiale, alors que cette population ne bénéficie de l’électricité qu’à hauteur de O,1%. Contraintes pour le moment à utiliser essentiellement le produit d’énergies fossiles, pétrole, gaz, charbon, bois, souvent chers et sales – qui ne contribuent pas à lutter contre les changements climatiques, l’extension de réseaux d’électricité dans ces zones souvent reculées est sinon impossible du moins très coûteuse. De plus les lampes à pétrole, fréquentes, émettent des polluants entrainant des risques sanitaires, infections respiratoires, problèmes rénaux et hépatiques, ou des incendies d’habitation. Aussi, l’on songe aux bénéfices qu’apporterait le développement de l’énergie solaire. D’autant que les pays les plus ensoleillés sont aussi ceux les moins aptes pour le moment à en tirer profit.

Les systèmes solaires peuvent répondre à la plupart des besoins. Thermiques, pour chauffer ou refroidir, sécher les récoltes, pasteuriser l’eau, à travers des miroirs ou des lentilles optiques. Photovoltaïques, par modules cellulaires, pour transformer la lumière en électricité. Alimentant soit une lampe soit une prise, où brancher radio, téléviseur, éventuellement petit ordinateur et, en tout cas, un chargeur de téléphone cellulaire. Avec la révolution du téléphone mobile et la possibilité qu’il donne aujourd’hui, même dans les pays en voie de développement, d’opérations bancaires, on arrive à cet état paradoxal dans lequel 600 millions d’utilisateurs, ne disposant pas d’électricité chez eux, doivent se rendre à la ville pour recharger leurs batteries (coût mondial de la démarche 10 milliards de $ – 7,5 milliards d’€). C’est en Asie, Chine, Inde et Bengladesh, que les systèmes solaires domestiques ont explosé dans les dernières cinq années, grâce au microcrédit et l’appui de gouvernements et de fondations donatrices. Évolution plus lente en Afrique, à l’exception du Kenya et de l’Afrique du sud. Mais des modèles économiques ont fait surface. Au Zimbabwe, un fournisseur offre l’énergie solaire domestique à ses clients de téléphonie, qu’il ne fait payer qu’un dollar par semaine, les factures d’énergie et de téléphone étant réglées par le compte bancaire du portable. En Inde et au Kenya, les distributeurs de solaire autorisent les clients à payer l’électricité fournie selon leur consommation.

Par opposition à l’achat nécessaire de pétrole, parfois pas plus qu’une bouteille de kérosène équivalant aux besoins d’une journée, à payer immédiatement. L’installation de panneaux solaires, pouvant assurer 10 à 20 années d’énergie et de lumière étant exclue, car nécessitant de lourds investissements, seuls sont à privilégier des systèmes décentralisés par foyer. Mais la dizaine de pays, qui regroupent le plus grand nombre de ménages sans électricité, mettent 80 milliards de dollars au pot des subventions pour l’approvisionnement en énergies fossiles. Et en 2010, la Banque mondiale a versé 8 milliards de dollars au développement de centrales à charbon, ce qui n’a pas sensiblement amélioré l’accès à l’électricité des plus pauvres, selon Carl Pope, ancien directeur du Sierra Club, l’une des plus anciennes organisations environnementales américaines. Aux énergies très polluantes et centralisées, telles que le charbon, des voix s’élèvent de plus en plus fort pour convertir ces fonds vers le choix de l’énergie solaire, propre et plus adaptée aux besoins particuliers des zones rurales qui, sinon, risquent encore longtemps d’échapper à un certain progrès.