Le crapaud - Nicolas Jacquette - Les coraux renaissent, dopés par l’électricité

Les coraux renaissent, dopés par l’électricité

On a tous en tête les images de coraux morts, comme désséchés, d’une blancheur morbide. Triste à voir pour une espèce qui, saine, offre une palette de couleurs si extraordinaires. Mais les récifs de corail ont des ressources, que l’on redécouvre sans cesse avec admiration. Ainsi de leurs barrières en Indonésie.

Les dégâts du tsunami de 2004 n’avaient pas seulement frappés des populations entières (230 000 victimes), leurs habitats et leurs biens, mais aussi certains écosystèmes. Des enquêtes avaient établi que la catastrophe avait endommagé jusqu’à un tiers des récifs coralliens en Indonésie, Thaïlande, Inde et Sri Lanka.

Or, 4 ans plus tard, ces récifs se reconstituent plus vite que prévu particulièrement sur les 800 kilomètres de côtes de la province d’Aceh, en Indonésie, où l’on a étudié une soixantaine de sites. Ils reprennent des couleurs et se développent à nouveau. Croissance rapide de jeunes coraux et retour de nouvelles générations, selon un des scientifiques de l’étude.

On en espérait pas tant avant une dizaine d’années, en comptant conjointement sur les atouts d’une pêche locale plus contrôlée, une baisse de la pollution et du développement urbanistique côtier. La population locale a joué le jeu pour sa part. Les pêcheurs ont accepté de renoncer à des techniques illégales comme l’usage de la dynamite ou du cyanure (sic), les villageois eux-mêmes ont transplanté du corail dans les zones les plus touchées.

Les riverains y trouvent leur intérêt, des récifs en bonne santé garantissent leur approvisionnement en poisson, pour la consommation ou la vente, aussi des rentrées d’argent grâce aux touristes amateurs de belle plongée.

Le regain ne surprend pas trop d’autres spécialistes. Les destructions physiques causées par le tsunami ont eu pour effet de laisser des morceaux de corail au fond de la mer et, sans interférence de l’homme, ceux-ci peuvent facilement se reconstituer en récif.

On sait que les coraux, d’une valeur inestimable pour la biodiversité sous-marine, habitat privilégié pour de nombreuses espèces de poissons, sont très sensibles aux changements climatiques, dont l’augmentation de la température de l’eau ou de son acidité. Néanmoins, ces menaces sont permanentes, il ne conviendrait pas de les oublier.

A la résilience de l’espèce, la main de l’homme vient au secours d’une manière inattendue, par le simple fait de brancher les récifs mourants sur du courant électrique, ce qui facilite leur régénérescence.

La découverte est à mettre à l’actif, dans les années 70, d’un architecte allemand, visionnaire, Wolf Hilbertz. Ayant immergé une structure métallique dans la mer, reliée à du courant alternatif de faible voltage, il constate que le phénomène d’électrolyse provoque naturellement une accumulation de calcaire. La cage métallique, ainsi « chargée », finit par être colonisée par des huîtres, mais aussi des coraux, testés plus tard en Louisiane.

Déconcertée par la quasi-disparition des récifs dans les eaux turquoises de Pemuteran (Bali), une Australienne s’est inspiré du système. Dans un premier temps, elle a installé ses structures avec ses propres deniers, puis avec l’aide d’un village de villégiature riverain. 60 cages étalées sur 2 hectares. Aujourd’hui on les distingue à peine, déjà couvertes de calcaire. Le corail suivra.

« Les coraux grandissent deux à six fois plus rapidement, les récifs repoussent en quelques années, plus résistants, plus vivaces, face aux agressions environnementales, notamment à l’élévation de la température de l’eau », confirme l’expert jamaïcain, Thomas Goreau, qui, avec l’inventeur allemand entre temps décédé, a breveté le procédé, baptisé « Biorock ».

Ces pépinières artificielles de troisième génération ont essaimé dans une vingtaine de pays. En Indonésie, on peut même participer au financement d’un fil de fer ( à son nom ou prénom) sur la structure, sur le thème « Parrainez un bébé corail ». Cette façon de hâter l’œuvre de la nature a l’avantage en outre de coûter peu cher et d’être accessible financièrement à de petites communautés voisines. « biorockbali.webs.com »

En Australie, on prend le problème d’une autre manière, face aux menaces qui pèsent sur la Grande barrière de corail, 345 000 km2 sur la côte est, patrimoine mondial de l’Unesco, le plus grand ensemble corallien au monde (400 espèces). Pour assurer son avenir, on a constitué une… banque de sperme de 70 milliards de spermatozoïdes et 22 milliards d’embryons coralliens, plongés dans l’azote liquide à – 196 o et conservés au zoo de Dubbo, en Nouvelles-Galles du sud.

Responsable du programme, Rebecca Spindler explique que les 5 prochaines années seront cruciales, la barrière se trouvant également sous forte influence des changements climatiques. La banque permettra de préserver notamment la diversité génétique. D’autant plus que les coraux constituent une espèce rare, différente, avec des types variés de reproduction sexuée et asexuée. Cette dernière se fait par fragmentation, puis fixation, greffe, sur la roche.

« Du point de vue autant écologique, économique et social, impossible de perdre la Grande barrière », ajoute-t-elle, rien qu’à considérer l’équivalent des 5 milliards d’€, qu’elle rapporte à l’industrie touristique.