Le crapaud - Jérôme Liniger - Ces poissons qui rentrent au bercail

Ces poissons qui rentrent au bercail

Vous souvenez-vous de ce fabliau de La Fontaine : « Petit poisson deviendra grand – Pourvu que Dieu lui prête vie – Mais le lâcher en attendant – Je tiens pour moi que c’est folie ». Les chercheurs du célèbre Marine Biological Laboratory, à Woods Hole dans le Massachusetts, pourraient bien faire mentir notre illustre fabuliste…


Ils sont parvenus à provoquer des réflexes conditionnés chez les poissons à partir d’un stimulus sonore, en l’occurrence des bars noirs recevant le signal avant d’être nourris. Après deux semaines de ce régime, les bars cobayes se précipitaient dans le bassin, où on leur servait à manger habituellement, le « marquage » sonore durant l’espace d’un mois. Relatée par le magazine National Geographic, cette expérience pourrait profiter aux méthodes de production de la pisciculture. En effet, on laisserait les poissons d’élevage partir dans l’océan, s’y nourrir de façon naturelle pour les ramener, une fois qu’ils auraient pris du poids, à rentrer dans les bassins au coup de sifflet en quelque sorte. La technique permettrait en outre de leur épargner le stress qu’ils vivent confinés dans les enclos, aussi d’éliminer en partie les forts rejets en déchets des élevages, donc l’impact environnemental.

Evidemment on n’exclut pas qu’une partie des poissons en profitent pour se faire la belle. Mais si la moitié d’entre eux seulement acceptent de rentrer au bercail, ce serait déjà rentable, 50% des coûts de l’élevage proviennent de la nourriture – farine de poisson – qu’on leur donne sur place. Des essais sont menés actuellement sur les morues et les flets. On les espère prometteurs comme pour les bars. On sait le grave appauvrissement des mers, d’où le développement de la pisciculture, dont on attend qu’elle fournisse plus de la moitié de la consommation mondiale de poisson dans les dix ans qui viennent, appelée aussi de ce fait à faire évoluer sans cesse ses méthodes.